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Intervention de Stefano VITALE
CEMEA Piemonte, Italie

DECONSTRUIRE L’INEGALITE SEXUEE ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES PAR L’EDUCATION NOUVELLE

Ma contribution, en tant que acteur du projet AQJT, est de vous proposer une réflexion pédagogique sur le lien que nous avons découvert entre les principes de l’Education Nouvelle, synthétise par Giselle de Failly en 1957, principes "qui guident notre action" et la démarche de la déconstruction des inégalités sexuées que on à vécue dans le projet. Un projet, je le tiens à souligner, de terrain ou les observations des enfants dans le jeu, la relation directe des professionnelles et des animateurs avec les enfants en situation ludique était primordiale. C’est dans le jeu que se construit la personnalité du petit enfant et c’est fondamental que les adultes puissent créer la condition pour la pratique des jeux donc de réfléchir au cadre éducatif dans lequel se déroule l’activité. Par là c’est important d’avoir conscience des choix, des orientations, des attitudes et c’est à ce niveau que nous avons aussi travaillé pour offrir aux adultes des moyens concrets des réflexions. Relire les principes de l’Education Nouvelle à la lumière de la recherche action qu’a été réalisé et l’inscrire à son tour dans une démarche d’Education Nouvelle.

1) Tout être humain peut se développer et même se transformer au cours de sa vie. Il en a le désir et les possibilités.

S’il existe des déterminismes socioculturels, ils ne sont pas préétablis : les personnes et les choses ne sont pas immuables. Bien au contraire nous défendons l’idée que les hommes et les femmes peuvent se transformer et transformer le milieu dans lequel ils - elles vivent. L’identité se construit dans l’historie et on ne peut pas la limiter à l’identité biologique. Il faut donc affirmer l’autonomie de l’individu qu’on ne peut pas nier même dans sa relation de dépendance un milieu, à une société, à une culture. La réflexion critique des stéréotypes sexistes, la possibilité de la déconstruction des stéréotypes est fondamental pour élargir, amplifier, modifier les possibilités de choix, de, décision, de participation des hommes et des femmes. Et là, il a un enjeu d’éducation. Il est possible d’exprimer cette idée par une notion-clef : dépasser la rigidité des rôles sexués, expérimenter et découvrir qui nous sommes pour maîtriser le processus de notre épanouissement. Etre et se sentir autrement au-delà des cases figées des rôles préconstitués et se bouleverser pour se retrouver.

2) Il n’y a qu’une éducation. Elle s’adresse à tous. Elle est de tous les instants.

Nous défendons la globalité de l’éducation et l’unité de la personne sans discriminations. Il n’y a pas une éducation des filles et une éducation des garçons. Il n’y a pas d’éducation qui enferme les individus dans un rôle préétabli. On sait bien que toute société nécessite des rôles bien clairs pour se reproduire : il y a une tendance à la stabilité qui caractérise les groupes sociaux. Mais on sait bien aussi qu’une société trop rigide n’est pas capable de s’adapter aux changements de la réalité, de l’historie par exemple, qu’un organisme trop figé ne peut pas évoluer et survivre. Il faut être capable de renouveler les équilibres pour rester debout : pour aller en vélo il faut savoir rester en déséquilibre, un funambule doit être toujours en mouvement. Donc on peut mettre au point des techniques, des outils pédagogiques adaptés aux diverses situations, aux publics pour favoriser le développement des potentialités et les désirs de chacun et de chacune sans préjuges ni discriminations. Avec un slogan : construire l’égalité, libérer les différences.

3) Notre action est menée en contact étroit avec la réalité.

Etre citoyens, faire l’apprentissage de la démocratie, agir pour le respect et la dignité des hommes et des femmes c’est accepter et revendiquer dans l’éducation l’analyse de la réalité de notre environnement politique, sociale, culturel, économique, relationnel. On découvre avec la déconstruction des stéréotypes de sexe à quel point les représentations de la discrimination des sexes sont cachés intégrés dans le quotidien, dans nous même. Il s’agit alors d’entreprendre un chemin de recherche, d’autoanalyse mais aussi de lecture critique de l’environnement pour rester en contact avec la réalité : mais non telle qu’elle est figée par les simplifications des stéréotypes (des prêt-à-penser, mais vivants dans sa complexité réelle et contradictoire aussi.

4)Tout être humain, sans distinction de sexe, d’âge, d’origine, de convictions, de culture, de situation sociale a droit à notre respect et à nos égards.

Donc on parle du respect pour ce que de plus profond est chez l’individu et non à l’image superficielle ou aux représentations qu’il donne de lui-même ou que on peut se construire de lui de l’extérieur. L’éducation, aussi par la déconstruction des mécanismes des stéréotypes peut avoir un rôle dans un projet de société qui vise à éviter les abandons, à lutter contre les exclusions, la marginalisation de toutes minorités. On peut apprendre qu’il n’y a pas une hiérarchie des valeurs mais une diversité des choix, de cultures, des conditions que nous poussent à lutter pour l’égalité, pour permettre à tous de s’exprimer, de se réaliser sans imposer avec la violence (que est par fois aussi très subtil, et par fois très évident comme dans le cas de la guerre) un modèle unique de société à tout prix. Nous ce qu’on préfère c’est de travailler tous les jours pour une culture de la différence et de l’acceptation de l’autre. Il s’agit, comme le disait Michel Foucault, d’élaborer, voir inventer des « pratiques de liberté », de vivre des situations de non violence ou les conflits et les diversités sont abordés à partir de la compréhension des différentes point de vue, dans en cadre de respect des droits communes ou c’est la parole, la mise en parole des difficultés, des besoins, des différences que prendre sa place nouvelle.

• Le milieu de vie joue un rôle capital dans le développement de l’individu.

Nous vivons dans un milieu où l’égalité entre homme et femmes est bien loin d’être réalisé, où la liberté de choisir son identité sexuelle n’est pas reconnue, ni par les cultures dominantes ni par les institutions qui l’expriment, bien sur. L’Education Nouvelle, tel que nous la concevons, ne nie pas, bien au contraire, l’influence du milieu, mais n’accepte pas le déterminisme, ni biologique, ni social, culturel ou économique. Et nous avons expérimenté que si l’environnement est dominé par la culture des hommes (qui alimente la culture du conflit) la solution n’est pas d’opposer une « culture de femmes » qui prendrait sa place au pouvoir... Certainement c’est la question du pouvoir qu’il faut poser, c’est la question de l’accès à des rôles de responsabilité paritaire qu’il faut envisager, mais pour la dépasser dans une dialectique de la différence fondée sur l’égalité des personnes, des hommes et des femmes en tant que tels. Et l’éducation peut nous apprendre à découvrir la portée positive du respect de la différence, à éliminer le négatif et nous apprendre à désapprendre des comportements écrasants l’autre, qui l’enferment dans un rôle de dominé. Le milieu c’est quelque chose qu’on trouve, mais c’est quelque chose que les hommes et les femmes construisent et transforment.

• L’éducation doit se fonder sur l’activité, essentielle dans la formation personnelle et dans l’acquisition de la culture.

Tout simplement : il faut vivre et expérimenter dans le quotidien l’égalité et le respect de l’autre, la diversité et la découverte de l’autre. L’éducation c’est pas un discours abstrait, mais un dispositif concret qui doit et peut faire partie de notre vie réelle. C’est les pratiques qui changent les attitudes et la pensée : le changement ce n’est pas un acte d’une volonté toute puissante. Mais il faut s’entraîner, ne vient pas tout seul : et donc, c’est le paradoxe et la nécessité de l’éducation, il faut le vivre dans des espaces protégés, là où on peut aussi se tromper...l’école, le stage, la formation... là où on peut expérimenter des jeux, se raconter des histories, pratiquer des activités musicales, d’expression corporel... qui permettent aux enfants, et aux animateurs, aux enseignants, aux éducateurs de découvrir d’autres relations avec soi-même et avec les autres, avec les garçons et les filles, une autre culture de l’égalité. Je sais bien que pas toujours certes espaces éducatifs ne non pas disponibles à accueillir l’erreur et encore moins à promouvoir une culture de la diversité contre toute stéréotype, notamment sexués. Mais justement l’éducation est nouvelle, toujours nouvelle, car se batte aussi contre les inégalités de toutes sortes.

• L’expérience personnelle est un facteur indispensable du développement de la personnalité.

Et par là l’expérience personnelle devient par imprégnation, un facteur indispensable du développement de la personnalité. La prise en compte de l’histoire personnelle et un élément central de l’éducation, la réappropriation, même contradictoire, et cette histoire, toujours singulier et sociale, fonde la possibilité de l’avenir et d’une perspective de transformation personnelle et collective. Il faut se remettre en jeu ! C’est clair que parler d’expérience personnelle signifie, [comme on le disait], vivre des situations concrêtes mais aussi réfléchir autour de la mémoire de soi-même et de sa relation avec les autres et le monde. Si on regarde à ce choix pédagogique, d’une pédagogie de l’expérience et de la réflexion sur l’expérience, comme le disait Dewey, Freinet et tous les maîtres de l’éducation Nouvelle jusqu’à Jérôme Bruner, si on regarde à ce choix sous l’angle de la déconstruction des stéréotypes sexués, nous avons un terrain de recherche, effrayant et charmant au même temps, qui s’ouvre devant nos yeux.

Stefano Vitale CEMEA Piemonte, Italie Membre de la FICEMEA




Maj :26/06/2006
Auteur : ficemea