>

La responsabilité des éducateurs à l’environnement au temps du changement climatique

Par "Education à l’Environnement" (EE) nous entendons (suivant en cela la première définition de ce champ par l’UNESCO en 1975) une intervention pédagogique et éducative, ayant comme objet les problèmes d’environnement et de gestion des ressources et comme objectif une acquisition de connaissances et compétences, un changement d’attitudes et de comportements, en vue d’une action civique en faveur de l’environnement. Face à l’ampleur de la crise environnementale globale actuelle, du fait – en particulier – de la question majeure du changement climatique – l’EE fait aujourd’hui partie intégrante de toute politique d’environnement. Elle s’adresse à tous, des jeunes enfants au grand public, en passant pas les groupes professionnels dont l’activité affecte l’environnement. Elle s’exerce par une grande diversité d’acteurs et dans des lieux et lors d’occasions divers : dans l’école, au sein d’associations, dans les médias, dans la rue, dans le discours des hommes et des femmes politiques. Du fait de la complexité inhérente des questions environnementales, communiquer sur l’environnement oblige à se référer
- à des questions de gouvernance : « les règles de gestion de la maison commune au moment où la maison commune devient la planète
- à des questions d’une éthique globale : « notre responsabilité, en tant que citoyens de la planète, à l’égard des autres groupes sociaux, des générations futures et de la vie sur terre ».

De ce fait la responsabilité propre de ceux qui éduquent et qui communiquent sur l’environnement devient particulièrement lourde. Plusieurs questions se posent alors : En ont-ils conscience ? L’assument-ils ou bien la transfèrent-ils à d’autres ? Leur intervention pédagogique permet-elle au public d’acquérir un esprit critique, de prendre conscience de l’interdépendance de facteurs sociaux - politiques et environnementaux, de prendre conscience des niveaux de responsabilité ? Quel type d’action citoyenne proposent-ils pour assumer ces responsabilités ?

1. Constat et objectifs du projet

Notre projet consiste à former un réseau d’éducateurs ayant une longue expérience dans le domaine de l’EE et représentatifs – autant que possible – de la communauté des acteurs de l’EE, en provenance de plusieurs aires géographiques du monde. Le recueil de témoignages des éducateurs et leur analyse critique permettra de repérer les grandes lignes d’évolution de l’EE entre le Sommet de Rio en 1992 et « Rio+20 », en vue de la notion clé de la « responsabilité » des éducateurs / communicateurs en environnement eux mêmes et en liaison avec l’idée d’une Déclaration des Responsabilités Universelles. Le but est de réunir des contributions en vue de la préparation d’un document collectif, qui sera soumis à débat lors de la conférence de la société civile, événement parallèle à la conférence « Rio+20 » en 2012.

Le constat : « notre système actuel et fondé sur l’équilibre de la bicyclette : cet équilibre ne se trouve que dans le mouvement, dans la croissance de la consommation, notamment d’énergie et de ressources naturelles, en contradiction flagrante avec la finitude de la biosphère ». Notre maison est en train de brûler ! Nous regardons notre maison brûler « avec un mélange de fatalisme et de fascination morbide puis nous retournons nous distraire à nos activités quotidiennes, avant de regarder à nouveau où en est l’incendie ». La question clé de que nous nous posons est : que signifie d’être responsable en tant qu’acteur de l’EE aujourd’hui ? A partir de la diversité des réponses des éducateurs impliqués dans ce projet, on vise à aboutir à une évaluation critique de « ce qui s’est passé » en EE les 20 dernières années et des tendances actuelles, dans le but d’être en mesure de formuler des propositions sur les orientations nécessaires face aux enjeux environnementaux, sociaux et économiques actuels. Le document final qui sera présenté à « Rio+2012 », comportera, outre la synthèse des contributions, des « témoignages » des participants sur des expériences d’actions éducatives exemplaires de prise de responsabilités.

2. Perspectives théoriques et historiques au service des choix stratégiques

Comme l’EE s’exerce pratiquement « partout », on distingue une EE de type formel (en milieu scolaire/universitaire), informel (en milieu associatif), non formel (à travers les médias). Les « professionnels » de l’EE proviennent de divers secteurs : ce sont des enseignants de tout niveau (du primaire à l’Université), des animateurs et militants socio-culturels et environnementaux actifs au sein d’organisations non gouvernementales, des journalistes et autres médiateurs (au niveau de la vulgarisation scientifique), des professionnels de divers champs disciplinaires amenés à vulgariser des faits environnementaux auprès du grand public. Ce rappel théorique explique la raison pour laquelle nous nous sommes adressés à des éducateurs en provenance de tous ces secteurs, en les invitant à collaborer à notre projet. Les textes fondateurs de l’EE se situent aux années 1970 et sont issus de grandes conférences internationales organisées ou parrainées par l’ONU : la recommandation sur le rôle de l’EE dans la déclaration de l’ONU lors de la “Conférence des Nations Unies sur l’environnement humain”, en 1972 à Stockholm, le “Programme International sur l’EE” mis en place par l’UNESCO et le PNUE en 1975 et ainsi de suite. Lors de la Conférence des Nations Unies à Rio, en 1992, le “Plan d’Action 21” qui y a été adopté, conçoit désormais l’EE comme une éducation au service de l’objectif du développement durable. En marge du Sommet de Rio, de la rencontre mondiale des ONG découle le “Traité sur l’EE” qui diffère des recommandations de la conférence officielle dans le sens qu’il met en cause le modèle de croissance actuel. A partir de 1997, date de la Conférence internationale de l’UNESCO “Environnement et société”, l’EE est définitivement remplacée, dans les textes officiels par l’Education pour le Développement Durable (EDD). Or, le concept du “développement durable” est contesté par plusieurs penseurs de portée internationale, en tant que reformulation déguisée du vieil objectif de la croissance économique à tout prix – même si l’on se réfère désormais à la croissance « verte » – à l’origine de la crise profonde actuelle des rapports entre l’humanité et la biosphère. On voit alors l’émergence d’outils d’analyse nouveaux (comme celui de l’empreinte écologique), de pratiques innovantes (comme l’écologie industrielle) et de concepts qui contestent les fondements même du système de pensée dominant (comme celui de la “société durable” et de “l’oeconomie”). Comment les éducateurs se situent-ils face à ce débat ? Leur responsabilité est d’autant plus élevée que chacune de leurs pratiques éducatives reflète une prise de position dans un courant de pensée particulier et implique des choix “politiques” bien précis. Ce rappel historique et théorique est tout aussi essentiel parce qu’il permet de comprendre pourquoi la conférence de la société civile « Rio+20 » est bien le moment opportun pour poser avec acuité la question de la responsabilité des éducateurs en environnement, face aux enjeux conceptuels que posent la crise du système de globalisation économique et les défis environnementaux globaux actuels.

Yolanda ZIAKA


Yolanda ZIAKA, économiste, Docteur en Education / Communication à l’Environnement, membre de l’ association “Polis– Réseau International pour l’Education à l’Environnement”. Elle coordonne dans un Programme international « Ethique et Responsabilités » , mis en place avec le soutien de la Fondation Charles-Léopold Mayer pour le Progrès de l’Homme le Groupe thématique “Education à l’Environnnement”



Maj :16/07/2011
Auteur : ficemea