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Education nouvelle, écologie et globalisation

Texte introductif au travaux

« Faire acquérir une conscience de l’interdépendance économique, sociale, politique et écologique dans les villes et dans les campagnes, fournir à chacun l’opportunité d’acquérir les savoirs, les valeurs, les responsabilités et les capacités nécessaires pour protéger et améliorer l’environnement ; créer des nouveaux modèles de comportements des individus, des groupes et de la société envers l’environnement »

Si le monde était un village

Si le monde était un village de 1 000 personnes, on aurait :

± 584 asiatiques,

± 124 africaines,

± 95 européennes de l’Est et de l’Ouest,

± 84 latino-américaines,

± 55 habitant l’ex Union Soviétique,

± 6 australiennes et neozelandaises.

Beaucoup de problèmes de communication :

± 165 parlent chinois,

± 86 anglais,

± 83 la langue indienne,

± 64 espagnol,

± 58 russe,

± 37 arabe.

Cette liste ne considère que les langues maternelles de la moitié des habitants ; l’autre moitié parle la langue de la région du Bengale, portugais, indonésien, japonais, allemand, français et 200 autres langues.

Dans le village il y aurait
- 329 chrétiens (187 catholiques, 84 protestants, 31 orthodoxes),

- 178 musulmans,

- 167 non religieux,

- 132 hindous,

- 60 bouddhistes,

- 45 athées,

- 3 hébreux,

- et 86 d’autres religions.

Un tiers (330) seraient des enfants et seulement 60 auraient plus de 65 ans. La moitié des enfants seraient immunisés contre les maladies infectieuses les plus diffusées.

Moins de la moitié des femmes auraient accès à l’utilisation des contraceptifs.

Et pour cette année :

- 28 enfants vont naître

- 10 personnes vont mourir (3 par manque de nourriture, 1 par le cancer, 2 enfants).

- Une personne sera infectée par le Sida.

La population sera bientôt de 1 018 personnes.

Dans cette communauté de 1 000 personnes :

- 200 recevront 75 % du budget disponible,

- et 200 seulement 25 %.

- 70 personnes auront un véhicule (même si parmi les 70 beaucoup en posséderont plus d’un).

- un tiers aura accès à l’eau potable ;

- la moitié des 670 adultes, sera analphabète.

Le village a six acres de terrain par personne sur sa superficie totale :

- 700 acres donnent des produits,

- 1 400 acres sont pour l’élevage,

- 1 990 acres sont des bois,

- 200 sont du désert et subissent différentes formes de dégradation.

Les bois sont en rapide disparition, les terres dégradées augmentent. Les autres catégories sont stables.

Le village utilise 83 % de fertilisants pour 40 % des produits agricoles qui sont possédés par les plus riches et les mieux nourris (270).

Les fertilisants pénètrent dans le terrain et causent la pollution des lacs et des puits.

Les 60 % qui restent de la terre avec 17 % de fertilisants produisent 28 % des céréales et donnent à manger à 73 % de la population.

Le village a un budget total par année de plus de 3 millions de dollars (donc de $ 3 000 par personne s’il était également distribué). Le village a un pouvoir de destruction considérable qui est dans les mains de 100 personnes.

Ethique, écologie et éducation nouvelle

L’homme (et son éducation) semblent enfermés dans une double contrainte :

- d’un côté les processus de la globalisation effacent les différences,
- de l’autre, l’individualisme narcissique de la concurrence et du marché les augmentent.

L’éducation nouvelle, dans la perspective d’une nouvelle forme de laïcité (dont on ressent la nécessité face aux intégrismes montants) peut « travailler » pour éduquer à :

± se reconnaître comme une partie de la planète responsable de son avenir,

± reconnaître le lieu où on vit comme un « morceau » fondamental de la planète même.

La globalisation a besoin, à l’inverse, de « non-lieu » et de « non culture » : un espace où on trouve des acteurs plus « souples » et avec une identité plus « légère ».

Le processus de l’homologation se construit sur une « éducation à la confiance aveugle » dans le système des experts (science et technologie) et dans les lois inéluctables (le marché).

L’éducation nouvelle peut et doit favoriser le développement d’une dimension critique de la pensée et de l’action quotidienne qui passe aussi à travers la considération de la notion de « limite ».

L’homme n’est pas le « patron » du monde, ni le roi de l’univers (nouvelle révolution copernicienne).

La globalisation nous pose le question de la contradiction entre « valeurs vécues » et « valeurs énoncées ». La vie quotidienne témoigne que c’est très difficile de renoncer à des styles de vie qui ne sont pas supportables par la planète.

Eduquer, sans moralisme, assumer la responsabilité du comment nous sommes capables de « définir le monde » ; éduquer à la remise en question et à la confrontation des valeurs et des points de vue devient indispensable.

La complexité du système social et la diffusion de la globalisation déterminent une nouvelle situation pour l’individu : celle de l’incertitude et de l’imprévu.

Agir dans l’incertitude :
- le risque est de se contenter d’une « connaissance à moitié" : le positif est d’apprendre à saisir les fractures, les éléments indéterminés ;

- le risque est de s’enfermer dans des « sécurités » qui dressent des séparations (nationalisme, racisme...) ou de déléguer sans critique la gestion de la démocratie à la majorité du moment ; le positif est d’exercer le doute comme « certitude possible » et donc comme élément de décision (s’il y a un doute il vaut mieux s’arrêter) ;

- le négatif c’est de cultiver son petit terrain privé ; le positif c’est de se mettre en mouvement pour chercher des nouvelles formes de liberté (non pas liberté comme être libre des obstacles pour avoir plus, mais liberté d’être libre de construire un autre monde possible).

Globalisme et globalité - localisation et local

Nous vivons depuis longtemps dans une société mondialisée où la représentation d’espaces fermés est impossible.

La globalisation est un phénomène économique mais pas seulement. Rien de ce qui se passe sur la planète n’est un évènement limité localement, mais chaque invention de l’homme ou chaque catastrophe de l’environnement concerne le monde entier et nous sommes obligés de ré-orienter la vie et l’action dans la dialectique « local-global ». Dans cette perspective il est fondamental de ne pas réduire la compréhension de la globalisation aux phénomènes de l’économie. Non qu’ils ne soient pas importants, mais parce qu’ils ne sont pas les seuls : nous sommes confrontés à une globalisation écologique, culturelle, politique, civile, technologique...

Le paradoxe de la globalisation c’est de créer un processus qui veut transformer le monde en marché unique dans les mains d’un groupe limité de personnes, mais ce monde sans identité (sinon celle de la consommation) peut aussi produire la valorisation des cultures locales et la diffusion des droits civils.

« Richesse globale, pauvreté locale et capitalisme sans travail », dénonce justement Zygmunt Bauman, mais aussi « démocratie globale, richesse locale et économie du travail social et solidaire ».

Globalisation et localisation sont les deux faces de la même monnaie. Mais les deux parties de la population mondiale vivent sur deux côtés différents. D’un côté les « citoyens du monde », de l’autre ceux qui sont liés à leur place sans alternatives...

Ceux qui ont la liberté d’action, ceux qui ne l’ont pas ;

Ceux qui vivent dans le temps (car le voyage dans l’espace n’est pas un problème), ceux qui vivent dans l’espace (lourd, vide, pauvre...). Le local n’est pas toujours si beau.

Dangers

Trois dangers globaux :

± destruction de l’environnement et danger technique-industriel déterminé par la richesse (trou d’ozone, effet de serre, vache folle, agriculture intensive, OGM...),

± destruction de l’environnement et danger technique-industriel déterminé aussi par la pauvreté. L’inégalité est aussi un problème écologique (déforestation, désertification, déchets toxiques, technologies dépassées...),

± destruction de l’environnement et danger technique industriel causés par la guerre (conflits diffus, utilisation d’armes chimiques, terrorisme...).

Ces trois dangers sont souvent tissés ensemble.

Environnement

1972 - Conférence de Stockholm : le thème en était la préoccupation de la Suède a propos de la pollution de la mer Baltique par les pesticides qu’on retrouvait dans les poissons et les oiseaux.

Les déchets industriels étaient à l’ordre du jour : on découvrait qu’il n’y avait pas de frontières pour faire voyager et stocker les déchets toxiques.

On découvrait que le système devait être réglementé et qui il y a des contraintes communes.

En même temps apparaît l’idée qu’un développement infini n’est pas possible dans un espace fermé et avec des ressources naturelles limitées. L’espace global de la planète est considéré finalement comme un système dont la stabilité se fonde sur l’équilibre de ses composantes (population, technologies, alimentation, environnement).

Mais au lieu de favoriser une perspective biocentrique et humaniste (où la science trouverait un rôle non quantitatif), l’idéologie qui s’impose est celle d’un développement durable fondé sur le critère de la stabilité du système même.

La gestion des ressources naturelles devient un thème prioritaire, surtout pour les pays riches.

Le rapport Brundtland de 1987 exprime la « préoccupation de l’impact écologique (dégradation du sol, pollution de l’eau et de l’atmosphère, destruction des forêts..) sur les perspectives économiques.

En même temps, une nouvelle idée prend corps ; celle de la possibilité d’utiliser d’une façon « souple » et « douce » les technologies.

Mais un autre thème ambigu apparaîtt celui du rapport entre théorie du développement et lutte contre la pauvreté.

La revendication d’élimination de la pauvreté est le prétexte de l’idéologie du développement. Pendant plusieurs années personne n’a dénoncé la relation entre pauvreté et dégradation de l’environnement. Cette dernière était le résultat de l’action de l’homme industrialisé et les pauvres de la terre étaient considérés comme des demandeurs d’un style de vie plus moderne (qui aurait résolu tous les problèmes).

Le Rapport Brundtland (1987) introduit l’idée que la pauvreté réduit la capacité des populations à bien utiliser les ressources etqu’elle est un facteur de pression négative sur l’environnement...une condition indispensable (mais non suffisante) pour éliminer la pauvreté est une croissance relativement rapide du revenu pro-capite dans le Tiers Monde ».

Le lien entre développement et environnement est fait.

Le développement doit, donc, être durable. La dynamique est intéressante : on reconnaît les effets négatifs du développement et on déplace la limite (trop de mercure dans l’eau ? On augmente la quantité tolérée). Le développement reste ce qu’il est : des mesures pour augmenter le PNL (et réduire la qualité de l’environnement, forcément).

Une ambivalence à développer

L’écologie est une discipline scientifique et en même temps exprime un positionnement politique et culturel.

Sans un lien avec la science, l’approche écologiste reste un vague sentimentalisme, même une idéologie moraliste sans perspective.

Mais si on considère les théories des écosystèmes qui intègrent la physique, la chimie, la biologie on peut travailler sur des enjeux bien constitués.

La notion de système où l’intégration entre le « tout et ses parties » reste dialectique et possède une dimension scientifique. La notion de « nature » comprend non seulement les plantes et les animaux mais aussi le monde humain et son histoire et fait sauter la vision idéaliste (mais aussi du matérialisme mécaniste) de la nature au service de l’homme. La notion de « biodiversité » des différents écosystèmes devient centrale pour comprendre l’ordre du monde qui est conçu en termes de « réseaux » interdépendants entre eux dont toutes les parties demandent attention et respect.

Mais il y aussi une ambiguïté : la théorie des écosystèmes ne se sépare pas définitivement de la tradition du contrôle sur la nature. L’image est toujours celle de la « machine autoreglèe » qui s’organise toute seule en relation avec des conditions extérieures différentes. Donc, quel que soit l’objet (l’usine, la famille, la mer...), subsiste l’idée que ce sont les mécanismes de régulations internes que le système utilise pour répondre aux mutations de l’environnement et sont au centre de l’attention.

La liaison entre environnement et développement ne met pas en discussion, pour l’instant, la logique de la production compétitive et réduit l’écologie (et l’éducation à l’environnement) à une stratégie du management de l’efficacité de la gestion des ressources et des risques comme s’il ne s’agissait que d’un problème technique.

On oublie la question, aussi, éthique, du comment doit vivre une société et du quoi et combien et comment elle doit produire et consommer.

Le style de vie et l’objectif du capitalisme occidental sont donnés comme inéluctables et une société qui pense ne pas mettre toutes ses énergies au service de la production est tout simplement impossible à penser (un être irrationnel).

Mais le problème du développement est aussi le problème du poids de la consommation de chaque habitant. Dans ce cas la croissance démographique n’est pas un problème en soi, mais c’est un problème si on a dans dix ans un milliard de plus « d’américains » en terme de consommation.

Extrait du document « Les Cemea et l’éducation à l’environnement » (de Vincent Chavaroche et Jean Louis Colombies)

Notre action est menée en contact étroit avec la réalité. Le milieu de vie joue un rôle capital dans le développement de l’individu.” Gisèle de Failly, co-fondatrice des CEMEA rappelle ici l’ancrage historique et l’actualité de cette conception de la place de l’homme, citoyen, dans ses relations avec la planète. Il faut réaffirmer, comme l’éducation nouvelle s’y attache, la nécessaire prise en compte des potentialités des individus, de leur capacité et de leur volonté d’évoluer. Une éducation à l’environnement (EE) qui nierait cet humanisme ne saurait être une véritable éducation. L’éducation à l’environnement ne peut esquiver aujourd’hui son rapport à la science, aux sciences. Elle doit contribuer à développer la culture scientifique sans exclure le doute et la critique L’EE est un facteur d’éducation à la citoyenneté. Dans une période où le rapport au politique et la politique sont en crise, il ne faut pas négliger tout ce qui peut réhabiliter auprès de chacun les notions d’appartenance, de collectivité. L’approche sensible, ludique, est à la fois une dimension éducative à part entière et un moyen, un outil de sensibilisation. Selon nos objectifs, ce sera une étape dans la démarche et une dimension qui peut rester présente. Cette approche pourra être complétée par la dynamique de la découverte et de l’étude du milieu qui nécessairement devront intégrer la dimension scientifique. Refuser le sensible ou le ludique serait priver l’EE de réels moyens pédagogiques, l’amputer d’un aspect culturel et l’enfermer dans une austérité et un dessèchement rébarbatif. Mais, réduire l’EE à ces démarches ludiques ou sensibles revient à l’inverse à transformer celle-ci en une sorte de “ religiosité ”, sentir et rencontrer la Nature pour l’aimer et la protéger. Une politique plus cohérente et plus concertée de l’EE, composante à part entière de l’éducation, est à construire. L’EE est un devoir de la société et donc aussi un droit pour tous, qu’il s’agit de reconnaître et dont il faut organiser la mise en œuvre sans la rigidifier. Il faut relier l’évolution et l’extension du champ des préoccupations de l’EE à notre propre évolution sociale. La seule réflexion sur le “ partenariat ” de l’Homme et de la Nature s’élargit aussi à la réflexion sur le « partenariat » entre les hommes eux-mêmes. Cet élargissement fondamental de l’EE est aussi une manière de dépasser la réduction par trop fréquente de l’EE à l’écologie. Les questions du tiers-monde et des rapports Nord/Sud sont telles que l’EE ne pourra pas les esquiver. Les enjeux de l’environnement, phénomènes écologiques et économiques obligent, sont planétaires. Il nous faut faire en permanence les liens entre les actions concrètes sur le terrain, aussi minimes soient-elles, et leurs conséquences en interrogeant les questions actuelles de consommation, de qualité des produits, de cultures intensives, de brevetabilité du vivant, de nourriture transgénique et d’information ou de désinformation des consommateurs. .... Ceci vient croiser le développement des actions d’aide humanitaire qui semblent avoir été réhabilitées ces dernières années auprès du public. Notre propos n’est pas de juger ces opérations, qui de toute façon auront toujours l’immense mérite de répondre concrètement à des urgences et aux manifestations les plus criantes des injustices. Il serait plutôt de tenter de les inscrire, quand elles s’adressent à des enfants, dans un véritable projet éducatif. Sans quoi il n’y aurait qu’effet d’annonce et manipulation. Un risque, dénoncé alors au Sommet de Rio se pose aujourd’hui. Les occidentaux “ s’achètent ” une bonne conscience grâce au financement d’opérations d’aide humanitaire et font payer au tiers-monde, par ailleurs, leurs soucis écologiques au prix fort. L’éducation à l’environnement ne peut faire l’impasse sur cette question centrale, car jamais impacts sur la biosphère et économie politique n’ont été autant liés. Il est grand temps de renforcer la mise en œuvre de la notion de développement durable..... »

Questions

Quelles pratiques et action d’éducation à l’environnement sont privilégiées dans les différentes réalités où les CEMEA sont présents ?

La globalisation comme espoir (pour certains) et comme menace (pour d’autres) : comment éviter les erreurs, comme rendre positives les opportunités ?

Agir dans l’incertitude : éduquer à l’adaptabilité, à la flexibilité... mais quelles conséquences pour nos pratiques éducatives ? Quels risques ? Quelles possibilités ?

La notion de développement : comme idéologie du marché ou levier pour l’émancipation des peuples ? Quelles expériences et propositions ?

Globalisation et localisation : quelle articulation possible dans la perspective d’une vision qui met l’environnement dans la liste de ses préoccupations prioritaires ?

Le rapport entre culture scientifique et culture humaniste, entre approche sensible et connaissances : quelles expériences et quelles propositions à partir de nos pratiques de formation et d’éducation sur le terrain ?

Modifier les styles de vie quotidienne : quels enjeux éducatifs ? Quelles stratégies ?

Stefano Vitale



Le rapport d’atelier en téléchargement
(poids : 118230 - Format : PDF)


Maj :14/12/2011
Auteur : ficemea

Auteur : Stefano.Vitale