Le professeur a-t-il un sexe ?
Les débats autour de la présence d'hommes dans
l'enseignement secondaire féminin, 1840-1880.
Rebecca ROGERS
Paru dans CLIO, N°4-1996
http://clio.revues.org/document445.html

Instituteur a un féminin, professeur n'en a pas. (Déclaration d'un professeur homme en 1845)

La première de toutes [les innovations à faire], et qui permettraient des améliorations actuellement impossibles, ce serait de ne confier l'enseignement des femmes qu'à des femmes elles-mêmes. (Josephine Bachellery en 1839).

Deux images fortes accompagnent généralement l'éducation féminine bourgeoise du dixneuvième siècle : la soeur enseignante et la mère éduquant sa fille. L'enseignement des demoiselles semble être une affaire de femmes. Les historiens ont d'ailleurs renforcé cette idée par leurs analyses qui, en s'attachant aux enseignantes, délaissent les figures masculines, pourtant très présentes.3 Évoquer cette présence et ses enjeux est une manière de saisir les représentations sociales du savoir intellectuel. Si les directrices de pensionnats font largement appel aux professeurs de sexe masculin, c'est en effet parce que leurs connaissances sont des garants du sérieux et du niveau d'une institution. Ces professeurs, cependant, sont aussi des hommes, dans une société où le cloisonnement entre les sexes se renforce. Leur présence parmi des jeunes filles provoque donc des débats publics, à des moments précis _ dans le cadre du courant réformateur des années 1840, lors de la création des cours secondaires en 1867 puis des lycées de jeunes filles en 1880 _ débats où se heurtent des conceptions différentes des relations entre les sexes.

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