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LES « CLOS D’ENFANTS » EN AFRIQUE FRANCOPHONE

L’UNESCO a organisé en avril 2012 une manifestation sur la petite enfance.

La Ficemea a profité de cette occasion pour rassembler quelques points de réflexion tirés de son expérience sur les clos d’enfants en Afrique francophone et faire un bref rappel historique de l’action menée au cours des dernières décennies.

Le texte s’organise en 3 parties :

1. une introduction

2. un rappel des idées forces

3. un historique

1.Introduction

1.1 Genèse du projet

Le projet « Clos d’enfants » à pris corps dans le cadre des activités d’un Réseau Africain Francophone Prime Enfance (R.A.F.P.E) qui regroupe des professionnels de la Prime Enfance de 14 pays d’Afrique de l’Ouest. Ce réseau est né lors d’un séminaire en 1996 à Ouagadougou.

Le premier « Clos d’enfants » a été crée en 1997 à Bamako (Mali) dans le quartier de Niarela, à l’initiative des Ceméa Mali.

En 1998 à Niamey (Niger) un clos d’enfants dit « Zankiyey Kwara » a ouvert ses portes soutenu par une équipe locale extrêmement dynamique. En parallèle une association, l’organisation Nigérienne pour la Promotion de la Prime Enfance l’ONPPE voyait le jour, et demandait son adhésion à la Ficeméa et démultipliait de manière importante la création de ces structures.

Ce réseau était soutenu par

- l’UNESCO

- et la Fédération Internationale des Ceméa (FICEMEA).

1.2 Qu’est-ce qu’un Clos d’enfants ?

« Un groupe de vie dans un espace de vie »

C’est un groupe d’une quinzaine d’enfants, de 3 à 6 ans, qui bénéficie d’un lieu d’accueil rustique aménagé et équipé, et de l’encadrement par un groupe de « mères éducatrices » volontaires et bénévoles, ayant reçu une formation étalée sur deux ans comprenant :

- une session de base (une semaine),

- un stage pratique (plusieurs mois),

- une session « bilan et approfondissement » (une semaine).

Il existe une cinquantaine de « Clos » notamment au Bénin, au Mali, au Niger, et au Sénégal.

1.3 Pourquoi le choix de cette organisation ?

Le « Clos d’enfants » s’appuie sur plusieurs constats :

• Il y a peu d’argent dans les communautés locales villageoises ou urbaines, mais beaucoup de ressources humaines mobilisables - notamment les mères : elles ont des compétences sur lesquelles s’appuyer.

• Les habitudes d’entraide font partie de la culture traditionnelle africaine.

• Les modèles scolaires des pays du Nord sont peu adaptés aux situations africaines.

-  La nécessité d’inventer des formes d’organisation généralisables, qui s’inscrivent dans la culture africaine et mobilisent peu d’argent.

2 - LES IDEES FORCES

2.1 Une affaire de toute la communauté

Pour que le projet réussisse et se pérennise, le clos doit être l’affaire de toute la communauté (le quartier, le village). Partout il existe un intérêt collectif pour les enfants, mais il faut toujours sensibiliser la population et les autorités locales à l’importance des premières années de la vie, à l’intérêt d’améliorer le sort des jeunes enfants (nutrition, hygiène, santé, éducation…) et inscrire cet effort dans les perspectives globales de développement de la communauté. Pour cela il a fallu mobiliser une quinzaine de femmes (mères, grand-mères, futures mères à raison de 2 à 3) et leur permettre de bénéficier d’une formation à l’encadrement des enfants, sans les obliger à abandonner leurs occupations habituelles.

Dans cette formation, la présence d’experts (nationaux ou étrangers) a eu pour rôle de former et d’aider à la structuration d’équipes locales. Ce sont ces équipes locales composées de quelques personnes (hommes et femmes) qui ont pris par la suite la responsabilité de la formation et du suivi.

Au Bénin, au Mali, au Niger, au Sénégal, des équipes nationales, très différentes, se sont constituées pour la mise en place d’un processus de formation permanente. Elles ont constitué des noyaux d’équipes de mères éducatrices et d’équipes locales et ont détecté des personnes capables d’assurer des responsabilités dans la durée.

2.2 Une organisation qui facilite le travail des « mères éducatrices » :

- Une formation de base qui permet à des non-professionnelles disposant d’un espace sécurisé et équipé, de s’occuper d’un groupe d’une quinzaine d’enfants de 3 à 6 ans.

- Trois adultes : 1 mère, 1 grand-mère, 1 jeune fille qui sont là chaque jour. Elles s’organisent sans qu’il soit nécessaire de créer une hiérarchie et se répartissent les tâches (une à la cuisine, une sous l’apatam,…)

- un équipement du Clos qui se compose d’un matériel et de matériaux rudimentaires (eau, sable, accessoires, jeux…).

- Des enfants qui se répartissent vers des activités diversifiées où des relations entre les âges peuvent se développer librement.

Une quinzaine d’enfants, avec deux ou trois adultes, constitue un groupe dans lequel l’enfant garde une perception de l’ensemble et de sa propre place. Ce groupe permet aussi d’offrir une grande variété de situations et de relations interpersonnelles. Enfin, ce groupe vit d’autant mieux qu’il bénéficie d’un lieu de vie équipé. Les besoins du village et l’implication de la population déterminent le nombre de Clos : 4 à Samantara et Sandaré au Mali, 8 autour de l’école communautaire de Besseh au Bénin, etc.

2.3 Une formation des mères

Les futures « mères éducatrices » ont des compétences qui leur viennent de la « vie » (mères, ménagères, actrices de la vie sociale de leur communauté…). Ces compétences ont besoin d’être améliorées, par exemple dans le domaine de la nutrition, de l’hygiène, de la santé et des pratiques éducatives. La formation leur permet de valoriser leurs expériences et de les structurer.

Cette formation se déroule en trois phases :

1. Une session de base d’une semaine, pendant laquelle elles installent le clos, et se préparent en acquérant des savoirs faire qui portent sur :

• L’organisation de la vie du groupe, • La proposition des activités, • La création d’un climat relationnel favorisant les échanges Enfant/Enfant, Enfant/Adulte et Adulte/Adulte. Pendant cette semaine, les femmes « font » et elles parlent de ce qu’elles font de façon à s’approprier collectivement leurs acquis.

2. Une session de stage pratique de plusieurs mois, durant laquelle elles encadrent, à tour de rôle, le groupe d’enfants. Cette session est soutenue par l’équipe locale et l’expert qui a assuré la formation de base.

3. Une session de bilan et d’approfondissement d’une semaine, pendant laquelle :

• Elles enrichissent les différents répertoires d’activités (jeux, chants, histoires…), • Elles réfléchissent à ce qu’elles ont vécu, à ce qui a bien marché, à ce qui doit être amélioré, • Elles approfondissent leurs connaissances à partir d’une réflexion personnelle sur les savoir-faire qu’elles ont mis en œuvre, • Elles se confrontent les unes aux autres et se construisent des débuts de savoirs. C’est aussi, pour celles qui sont le plus intéressées, le début d’un processus de formation continue, qui revêtira des formes variées.

2.4 Un lieu de vie organisé

Le clos est un lieu de vie organisé pour l’éducation des enfants, et accessoirement pour la formation des mères, dans le cadre d’une éducation interactive.

Cet espace permet et propose :

- des activités qui misent sur les capacités des personnes et de leur créativité,

- la création d’un climat relationnel qui favorise les échanges, l’expression, l’écoute.

- un matériel simple fabriqué par les mères et les artisans du village : un bac à sable, des accessoires divers, une vingtaine de sacs contenant des jeux, puzzles, jeux de paires (Memory), des lotos, des dominos, des perles, des bilboquets… matériel fabriqué en majorité à partir d’éléments naturels environnants au de matériaux de récupération.

- un abri, protégé du soleil et équipé de nattes et de tabourets en bois, un lieu où les enfants trouvent de l’eau pour boire, se laver les mains, jouer… Dans ce milieu enrichi, les enfants peuvent jouer librement, à l’intérieur d’un cadre dont l’adulte est le garant.

Les mères éducatrices ayant fabriqué des jeux pendant la formation, retrouvent, en les utilisant elles-mêmes, le plaisir du jeu et de l’activité, ce qui leur permet de mieux les retransmettre.

Le nombre limité d’enfants, la présence de plusieurs adultes repérés, l’accès libre au matériel, l’espace organisé, permet à chacun des adultes de s’intéresser à chaque enfant, de l’écouter, de converser avec lui. Ces conditions, auxquelles s’ajoute l’éventail des âges, favorisent également les échanges, l’expression, l’écoute des enfants entre eux. L’importance des échanges entre les enfants et avec les « mères éducatrices » est un point fort de la vie du clos et le moment de la collation favorise ces échanges.

2.5 La préscolarisation ne consiste pas à faire plus tôt ce qui sera fait à l’école primaire.

L’objectif des clos est de mettre l’enfant dans les dispositions les meilleures pour profiter de l’enseignement scolaire. C’est pourquoi ce projet se préoccupe de l’hygiène, de la santé et du bien-être affectif de l’enfant. En ce qui concerne la préparation à la scolarité, les activités du « Clos » visent à :

- développer, enrichir le langage,

- soigner l’expression verbale,

- améliorer l’articulation ;

- développer l’expression individuelle, la prise d’initiative, le désir et le plaisir d’explorer,

- expérimenter pour soi et avec d’autres,

- développer l’aisance corporelle, la motricité, l’adresse, l’agilité, l’habileté, la mémoire, en faisant une place particulière à l’utilisation d’une main, des deux mains ;

- affiner les perceptions visuelles et auditives et d’une manière générale affiner tous les sens ;

- mettre de l’ordre dans sa tête, dans l’espace, dans le temps ;

- mettre en place des rituels de vie qui deviendront des repères sécurisants pour le groupe, .

3 - Historique des Clos d’enfants en Afrique de l’Ouest

3.1 Prémices

Pendant les années 80, les Ceméa français ont accueilli pour des formations en France environ 200 africains pour une durée de 6 mois, par promotions d’une quinzaine de personnes par an. Les clos d’enfants sont nés en 1996 à la suite d’un séminaire initié par l’Unesco (Monsieur Combe) et la Fédération Internationale des Ceméa (Mme Poli et M Varier) qui s’est déroulé à Ouagadougou. Mais il est difficile de ne pas les rattacher à des actions antérieures menées par les gouvernements nés des indépendances (Tchad, Gabon, Burkina Faso…), actions dans lesquelles la Fédération Internationale des Ceméa et les Ceméa français ont pris une grande place.

3.2 Naissance

1996 Organisation et réalisation d’un séminaire à Ouagadougou à l’initiative de l’Unesco et de la Fédération internationale des Ceméa sur la thématique de la petite enfance. Il débouche sur la création d’un Réseau Africain Francophone Prime Enfance et sur des projets nationaux. Un de ces projets proposé par le Mali deviendra le premier « Clos d’enfants ».

3.3 Développement

1997 Ouverture des premiers clos au Mali, soutenu et mis en place par l’Unesco, la Ficeméa, et les Ceméa Mali. Une équipe locale est mise en place, et ce couple « clos d’enfant »-« mise en place d’une équipe locale » deviendra la règle.

1998 Ouverture des premiers clos « Zanyey Kwara » au Niger avec en parallèle la mise en place de l’organisation Nigérienne pour la promotion de la Prime Enfance (ONPPE), ONG qui adhère à la Ficeméa.

1999 Ouverture de clos au Bénin dans la zone de Bessey autour de l’école communautaire initiés par le CAEB, la Ficeméa et Solidarité Laïque.

2003-2004-2005 Mobilisation des associations et des communautés villageoises des pays où existent des clos d’enfants pour essayer de les pérenniser, avec :

- expérimentation de modèles dans d’autres milieux que le milieu rural pour pouvoir l’adapter à ce milieu,

- construction d’un argumentaire pour convaincre les autorités locales et persuader les familles des bienfaits de la préscolarisation.

2004-2005, Ouverture de 4 « keur gouneyi » (4 x 15 enfants) à Khodoba par les Ceméa sénégalais avec le soutien de la Ficeméa et du BREDA (Unesco-Dakar).

2004 Réalisation de deux études de faisabilité, l’une au Sénégal à Yeumbeul, (ville de 170000 habitants), l’autre au Niger en zone semi nomade, dans la région de Tillabery, dans le cadre du projet PRODERE AO.

2006 Mise en place à Dakar dans le cadre du Prodere AO d’une formation de formateurs venant de 5 modèles existants au Sénégal, ce qui permet d’amorcer un Réseau national sénégalais des acteurs œuvrant pour la Petite Enfance. Tous les participants à cette formation réclament plus de formation et de savoir-faire pour les encadrants des enfants et plus d’outils pour les formateurs.

2007 Ouverture de 4 clos appelés « oasis des enfants », dans un quartier de Yeumbeul par les Ceméa S dans le cadre du PRODERE AO.

2007 Ouverture de 2 clos à Zalengué (région de Tillabery) par l’ONPPE au Niger avec l’aide du Prodere AO.

2007 (avril) Organisation dans le cadre du Prodere AO d’un séminaire régional à Dakar pour donner suite à la mise en réseau des acteurs de la Petite Enfance de cette sous région. Les participants proposent une ébauche de plate-forme régionale de la Petite Enfance. Les représentants des Clos d’enfants en tant que structures d’accueil communautaires revendiquent leur reconnaissance. La préscolarisation est jugée incontournable pour arriver à la scolarisation du plus grand nombre, et l’éducation des petites filles et des femmes est de plus en plus affirmée et reconnue dans le cadre d’« Une Education pour TOUS ».

2008 Ouverture de 2 clos à Chatoumane dans la région de Tillabéry par l’ONPPE (Niger) dans le cadre du PRODERE AO.

2008, Les équipes nationales du Bénin, Burkina Faso, Mali, Niger, Sénégal suivent, soutiennent, consolident les Clos d’enfants et préparent d’autres ouvertures par un travail de sensibilisation des communautés, en utilisant les Fonds d’Action d’Initiative Locale (FAIL) mis en place dans le cadre du PRODERE AO.

2009, Mise en place dans le cadre du Prodere AO de 2 stages de formations de Formateurs Démultiplicateurs à Niamey (Niger) et à Saint-Louis (Sénégal). Les formateurs qui travaillent dans les Clos font reconnaître leurs expériences de terrain, les valorisent, confortent et enrichissent leurs savoir faire,

2010, Mise en place à Bamako (Mali) dans le cadre du programme PRODERE AO d’un stage de perfectionnement des différents acteurs nationaux œuvrant dans le domaine de la Petite Enfance. Ce stage permet de faire reconnaître officiellement le travail de préscolarisation fait dans le Mandingue par les 28 Clos existants, ouverts en 2005-2006-2007-2008 par les associations CALAO et Karamba Touré. Réalisation à l’occasion de ce stage de perfectionnement d’un travail collectif pour construire un plaidoyer sur le thème « Pour une éducation dès le plus jeune âge ». Ce travail a donné lieu à la réalisation et à la publication d’un CD-Rom.

Pour conclure

- Les Clos d’enfants sont en voie de pérennisation et de dissémination,

- Suite aux actions de formation, des équipes nationales motivées et actives existent sur différents terrains :

• les mères « éducatrices » des clos nouvellement crées au Niger et au Sénégal reçoivent une formation qui leur permet de travailler,

• Au Burkina Faso les Ceméa assurent une formation des « Petites mamans » appelées à travailler dans un « bisongo » (structure alternative accueillant des enfants de 3 à 6 ans).

• La diversité des expériences portées par ces adultes enrichit beaucoup les échanges et la réflexion au cours des formations.

- La mise en place du PRODERE AO a permis, et permet de conduire des formations ouvertes au personnel travaillant dans les divers modèles de structures accueillant les enfants de 3 à 6 ans, au Bénin, au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Sénégal.

- L’apport des Clos est de plus en plus reconnu par les pouvoirs publics comme un outil de l’éducation tout au long de la vie.
- La création des Clos et la formation des Mères éducatrices ont permis, par les problèmes concrets qu’ils posent, d’améliorer la formation des encadrants de jeunes enfants et d’enrichir l’éventail des modèles existants.

- Au Sénégal et au Niger l’apport le soutien financier d’associations étrangères aux pays a permis la mise en place d’Activités Génératrices de Revenus (A.G.R) qui permettent aux mères éducatrices de recevoir une indemnité.

- Au Bénin, les Clos de Besseh ont été dotés d’une éducatrice rétribuée par l’Etat et les Clos sont reconnus comme « Ecole Maternelle ».

3.4 Rappels de quelques abréviations

AFD : Agence française de développement.

AGR : Activités Génératrices de Revenus

BREDA : Bureau Régional pour l’Education en Afrique (UNESCO)

CAEB : Conseil des Activités Educatives du Bénin

CEMEA : Centre d’Entrainement aux Méthodes d’Education Active

FAIL : Fonds d’Action d’Initiative Locale

MAEE : Ministère des affaires étrangères et européennes

ONPPE : Organisation Nigérienne Pour la Promotion de la Prime Enfance

PRODERE AO : Programme de Développement et de Mise en Réseau en Afrique de l’Ouest, programme coordonné par S.L (Solidarité Laïque) avec l’appui du ministère des affaires étrangères et européennes français (MAEE) et financé depuis par l’Agence Française de Développement (AFD) ;

RAFPE : Réseau Africain Francophone Prime Enfance

UNESCO : Organisation des Nations Unies pour l’Education et la Culture

Voir aussi "les clos d’enfants"




Maj :23/01/2013
Auteur : ficemea

Auteur : marc geneve