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Faire du droit à l’éducation une réalité au delà de 2015

ED-14/CCNGO-EFA/ME/2 Septième réunion de la CCONG/EPT Santiago, Chili, 21-23 mai 2014 Déclaration finale

Faire du droit à l’éducation une réalité au-delà de 2015

Préambule

1. Le présent document contient les points de vue des organisations non gouvernementales et des réseaux nationaux, régionaux et internationaux du monde entier rassemblés à la septième réunion de la Consultation collective des ONG sur l’éducation pour tous (CCONG/EPT) de l’UNESCO à Santiago, au Chili, du 21 au 23 mai 2014.

2. Notre réunion avait notamment pour objectifs de faire le point sur les progrès accomplis dans la réalisation des six objectifs de l’EPT, d’identifier les principaux obstacles et d’envisager des perspectives d’avenir. Notre principal objectif consistait à élaborer une stratégie sur la participation de la société civile à la définition de l’agenda de l’éducation post-2015, qui sera approuvée au Forum mondial sur l’éducation en République de Corée en mai 2015, ainsi qu’à sa promotion en tant que partie intégrante de l’agenda mondial pour le développement qui sera adopté au Sommet des Nations Unies à New York en septembre 2015.

3. Dans le cadre de nos discussions, nous avons étudié la situation de l’EPT, examiné la participation de la société civile à l’élaboration des politiques dans ce domaine, passé en revue les processus concernant l’élaboration de l’agenda de l’éducation post-2015, notamment les résultats de la Réunion mondiale sur l’Éducation pour tous (GEM) 2014 à Oman, et identifié des opportunités et élaboré des stratégies de promotion du droit à l’éducation jusqu’en 2015 et au-delà.

4. Nous rappelons que l’éducation est un droit humain fondamental, qu’elle est essentielle à la promotion de la justice sociale, économique, environnementale et à l’égalité des genres, et que les États ont le devoir de garantir un enseignement public gratuit et de qualité pour tous. Nous réaffirmons la nécessité de poursuivre l’agenda de l’EPT après 2015 et sommes d’accord pour dire que cet agenda devrait refléter des perspectives fondées sur les droits, universelles, holistiques et d’apprentissage tout au long de la vie.

5. Nous restons fondamentalement attachés à la participation active de la société au dialogue sur les politiques et à la conception et au suivi efficaces des politiques, en tant que moyen d’affiner et de légitimer les politiques publiques. Nous pensons que le renforcement de l’engagement démocratique favorise l’élaboration de politiques publiques plus durables.

Bilan

6. À la sixième réunion de la CCONG/EPT en 2012, nous avions déploré l’effet négatif sur l’éducation des crises financière, économique et climatique mondiales, des inégalités croissantes et de la dégradation de la situation des migrants et des populations autochtones, ainsi que de l’incidence constante du VIH et du SIDA. Nous constatons avec regret que peu de choses ont changé.

7. En 2014, nous notons avec inquiétude l’augmentation de la violence contre les enfants et le personnel enseignant. Nous condamnons fermement les attaques contre l’éducation. L’enlèvement récent dans leur école de plus de 200 filles par des terroristes au Nigéria n’est qu’un des nombreux exemples dans le monde. Nous réaffirmons le droit de chaque enfant, jeune et adulte, d’aller à l’école en toute sécurité et d’apprendre dans un environnement sûr et favorable à la santé.

8. Nous sommes conscients que les guerres, les conflits et les catastrophes naturelles peuvent priver des générations entières de l’accès à l’éducation. Sur les 57 millions d’enfants en âge d’aller à l’école primaire qui ne sont pas scolarisés, la moitié vivent dans des pays touchés par des crises. Nous reconnaissons l’influence perturbatrice des situations d’urgence et de la migration forcée des populations sur la pleine réalisation du droit à l’éducation.

9. Nous reconnaissons que des progrès ont été accomplis dans l’accès à l’éducation préscolaire et à l’enseignement primaire, ainsi que des améliorations en matière d’égalité des genres. Nous prenons acte du multilatéralisme et de l’architecture de l’EPT dotée de mécanismes de financement et de participation de la société civile en tant que développements positifs.

10. Nous sommes vivement préoccupés de constater que 57 millions d’enfants ne vont toujours pas à l’école, parmi lesquels on estime que 17 millions de filles et 11 millions de garçons ne seront jamais scolarisés, et que 69 millions d’adolescents n’ont pas accès à une éducation de base de qualité. Les niveaux d’alphabétisation extrêmement faibles parmi les jeunes et les adultes nous préoccupent beaucoup, près de 774 millions d’adultes, dont deux tiers de femmes, n’étant pas capables de lire ou d’écrire. Malgré l’absence de données spécifiques, nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que les enfants, les jeunes et les adultes handicapés et issus de minorités ethniques sont particulièrement défavorisés et souvent exclus des opportunités d’éducation.

11. Nous observons que de nombreux pays ne sont pas parvenus à allouer au moins 6 % de leur PNB ou 20 % de leur budget national à l’éducation, tandis que l’aide à l’éducation a diminué de 6,3 % entre 2010 et 2011, laissant un déficit de financement annuel de 26 milliards de dollars des États-Unis. L’aide humanitaire en faveur de l’éducation a diminué depuis 2010, créant un déficit de financement de 229 millions de dollars des États-Unis. L’éducation, qui représentait seulement 1,9 % des appels humanitaires en 2013, reste l’un des secteurs les moins financés par l’aide humanitaire.

Obstacles

12. Financement : Nous considérons les systèmes fiscaux régressifs, la fraude et l’évasion fiscales, la corruption ainsi que les dépenses d’armement comme étant les principaux obstacles qui empêchent de combler le déficit de financement de 26 milliards de dollars des États-Unis dans l’éducation. Les pays en développement perdent 189 milliards de dollars des États-Unis au profit des paradis fiscaux chaque année, tandis que les montants offerts au titre des exonérations fiscales approchent les 3 milliards de dollars des États-Unis par semaine. Le coût de la corruption est estimé à plus de 2 600 milliards de dollars par an. En 2013, le déficit de financement du secteur de l’éducation aurait pu être comblé en réaffectant 1,5 % des dépenses militaires mondiales à l’éducation.

13. Structures sociales : Nous identifions toutes les formes de discrimination comme des facteurs empêchant la réalisation du droit humain à l’éducation et le développement de sociétés justes. Nous considérons le manque de sensibilisation à la discrimination fondée sur l’origine ethnique et envers les personnes handicapées comme l’un des principaux obstacles à l’éducation pour tous, et nous soulignons le droit à une éducation inclusive. En outre, nous identifions le patriarcat comme un obstacle majeur à la réalisation de l’égalité des genres dans l’éducation et au-delà.

14. Statut des enseignants : Nous sommes vivement préoccupés par la pénurie très répandue d’enseignants qualifiés, aggravée par une formation initiale et continue des enseignants peu favorable, des conditions de travail et des salaires inadaptés ainsi que par le faible statut de la profession, qui constituent selon nous des obstacles majeurs à la fourniture d’une éducation de qualité pour tous.

15. Privatisation : Nous considérons que les tendances croissantes à la privatisation et au rendement dans et par l’éducation constituent de sérieuses menaces pour l’éducation gratuite et universelle en tant que droit humain fondamental, en affaiblissant les systèmes d’enseignement public, en favorisant des perceptions étroites de la qualité, en réduisant la gouvernance démocratique et en renforçant la segmentation sociale.

16. Criminalisation : Bien que nous ayons observé quelques progrès dans la participation de la société civile à l’élaboration des politiques à tous les niveaux, nous restons vivement préoccupés par la criminalisation croissante des mouvements sociaux, par la fermeture des espaces participatifs et par l’adoption de lois qui réduisent la liberté d’expression.

L’agenda de l’éducation post-2015

17. Depuis la sixième réunion de la CCONG/EPT, différentes initiatives ont contribué à la définition de l’agenda de l’éducation post-2015, notamment la Consultation thématique mondiale sur l’éducation, les débats à la 37e session de la Conférence générale de l’UNESCO, les réunions du Comité directeur de l’EPT et les réunions mondiales sur l’EPT. D’autres processus ont été élaborés, qui ont aidé à définir le programme global de développement pour l’après-2015 et la place qu’y occupe l’éducation, notamment le rapport du Groupe de personnalités de haut niveau et le Groupe de travail ouvert sur les objectifs de développement durable.

18. Nous pensons que le mode d’élaboration de l’agenda de l’éducation post-2015 est un processus exigeant et complexe, qui a rendu difficile la participation de la société civile à tous les niveaux. Néanmoins, l’existence de mécanismes institutionnalisés de participation de la société civile dans l’architecture de l’EPT nous a permis de participer activement à la définition de cet agenda.

19. Nous observons également que jusqu’à récemment, la participation des États membres était insuffisante. Nous nous félicitons du renforcement de leur participation par le biais du Groupe de travail ouvert et de l’architecture et des processus de l’EPT qui favorisent l’implication et facilitent l’engagement et l’appropriation civiques.

20. Nous appuyons l’objectif primordial qui consiste à « assurer une éducation et un apprentissage tout au long de la vie équitables, inclusifs et de qualité pour tous d’ici à 2030 » en tant qu’objectif global de l’agenda de l’éducation post-2015. Nous accueillons également avec satisfaction la proposition conjointe du Comité directeur de l’EPT sur l’éducation après 2015, en particulier sa perception de l’éducation en tant que droit humain fondamental, la vision et les principes qu’elle définit, ainsi que les domaines prioritaires identifiés.

21. Nous soutenons par ailleurs l’Accord de Mascate adopté à la GEM 2014 et sa référence à la nécessité d’améliorer la formulation des cibles. Nous appuyons en particulier la confirmation selon laquelle l’agenda de l’éducation post-2015 sera approuvé au Forum mondial sur l’éducation 2015 qui aura lieu en République de Corée, et appelons à poursuivre la revitalisation du processus et de la structure de l’EPT jusqu’en 2030. Nous approuvons en outre le fait que le programme global de développement pour l’après-2015, en particulier le rôle central qu’y occupe l’éducation, soit en grande partie façonné par l’agenda de l’éducation post-2015.

22. Compte tenu de la Déclaration de la GEM 2014 et de son appel à améliorer les cibles, nous demandons :

(a) que l’éducation et la protection de la petite enfance (EPPE) soit réintégrée dans la cible 1, en cohérence avec le Cadre d’action de Dakar et la Déclaration de Moscou de 2010, afin de reconnaître explicitement cette dernière en tant que premier stade de l’éducation ;

(b) que la cible relative à l’alphabétisation des jeunes et des adultes reflète la proposition ambitieuse actuellement avancée par le Groupe de travail ouvert, qui appelle à réaliser un taux d’alphabétisation de 100 % d’ici à 2030 ;

(c) que le deuxième cycle du secondaire et l’enseignement supérieur soient explicitement mentionnés dans la cible 4, et que les pourcentages soient les mêmes pour les jeunes et les adultes ;

(d) de conserver une cible relative au financement, cela étant essentiel pour la mise en œuvre de l’agenda de l’éducation pour tous. Il s’agit d’introduire un engagement clair des pays donateurs à enrayer le déclin de l’aide humanitaire en faveur de l’éducation.

23. Nous appelons à renforcer la transparence et l’engagement en faveur de la gouvernance démocratique liée aux processus de prise de décisions au sein de l’architecture de l’EPT, afin de s’assurer que les décisions issues de ces processus soient pleinement respectées.

24. Nous sommes conscients que l’élaboration des indicateurs qui aura lieu dans les prochains mois est un processus politique qui nécessite des conseils techniques. Par conséquent, nous pensons que la prise de décisions finales sur les indicateurs mondiaux doit incomber aux organes directeurs de la structure de l’EPT, chaque pays pouvant définir des indicateurs supplémentaires adaptés à son contexte. Nous recommandons que les indicateurs de l’agenda de l’éducation post-2015 soient conçus de manière à promouvoir l’équité et à réduire les disparités. Nous suggérons aux pays d’adopter des cibles intermédiaires conçues afin de réduire les écarts entre les groupes favorisés et défavorisés dans leurs plans nationaux de mise en œuvre.

25. Nous reconnaissons que le Rapport mondial de suivi a joué un rôle essentiel dans le suivi indépendant des objectifs de l’EPT. Nous recommandons qu’il soit maintenu dans le scénario post-2015 et utilisé pour informer les politiques au niveau national. Nous sommes conscients de la nécessité de disposer de données solides pouvant être ventilées, ainsi que de formations à l’interprétation des données, afin d’encourager l’élaboration, la mise en oeuvre et l’analyse de politiques éclairées.

26. Nous considérons le Partenariat mondial pour l’éducation comme un mécanisme clé de financement de l’EPT et l’appelons à fournir le soutien financier nécessaire pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques qui soient alignées sur l’agenda de l’éducation post-2015.

27. Nous demandons à l’UNESCO de mobiliser des fonds pour assurer la participation à long terme de la CCONG/EPT à l’architecture mondiale de l’EPT, aux consultations régionales et mondiales sur l’agenda de l’éducation post-2015, au Forum mondial sur l’éducation 2015 en République de Corée, et durant la période allant jusqu’en 2030.
  28. Compte tenu des récents développements et de notre implication dans le processus de l’EPT, nous nous engageons à :

(a) maintenir la dynamique des contributions en faveur de la consolidation de l’agenda de l’éducation post-2015 et du Cadre d’action, en particulier par le biais des conférences régionales qui devraient être menées par l’UNESCO dans l’ensemble des six régions entre août et décembre 2014 ;

(b) poursuivre l’engagement et le dialogue avec l’UNESCO et les autres parties prenantes clés autour de l’élaboration de l’agenda de l’éducation post-2015, et de son articulation avec le programme de développement des Nations Unies pour l’après-2015 ;

(c) encourager tous les gouvernements aux niveaux local, régional et central à s’impliquer et s’engager à participer activement à l’élaboration de l’agenda de l’éducation post-2015 et à sa mise en œuvre ;

(d) favoriser la participation active des familles, des enfants, des jeunes, des enseignants et des communautés, en particulier les plus marginalisées, de façon à ce que leur voix soit entendue lors de la définition de l’agenda et de l’élaboration des politiques ;

(e) intensifier notre plaidoyer en faveur de l’éducation tant au sein du monde de l’éducation qu’en dehors et à considérer les États et les donateurs comme tenus de répondre de leurs obligations ;

(f) diffuser le présent document final auprès de tous les membres de la CCONG/EPT et de la société civile en général aux niveaux national, régional et international ;

(g) collaborer avec l’UNESCO aux préparatifs du Forum mondial sur l’éducation et du forum de la société civile organisé en parallèle.

29. Nous remercions l’UNESCO d’avoir organisé la septième réunion de la CCONG/EPT à Santiago. Nous félicitons et remercions nos hôtes, le Forum chilien pour le droit à l’éducation et la Campagne latinoaméricaine pour le droit à l’éducation. Enfin, nous reconnaissons et apprécions les contributions de l’ensemble des participants aux échanges et aux discussions tout au long de la conférence.




Maj :19/06/2014
Auteur : ficemea