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Fédération internationale des Ceméa
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>> Forum mondial de Dunkerque : 29 juin au 6 juillet 2003
>> Réactions dans les pays participants
Madagascar
Ensemble de nos réflexions sur le document "LE FIL CONDUCTEUR DE NOS TRAVAUX"
Méthode de travail : Lecture collective et premier échange lors de notre réunion du 08 Février 2003,
Constat : Nous constatons, et nous en sommes fiers, que les 4 idées forces qui sous-tendent notre action n’ont rien perdu de leur actualité à l’époque de la mondialisation, et pour notre pays en particulier, elles s’affirment de plus en plus comme les pôles d’orientation qui guident les différentes réformes du système éducatif post-colonial. Ce constat est devenu d’ailleurs la principale raison de notre motivation à militer au sein des CEMEAM, tous nos membres actifs étant bénévoles, et nos pratiques quotidiennes nous confortent chaque jour davantage dans le bien-fondé de ces idées énoncées il y a près d’un demi-siècle maintenant. L’évolution générale de la politique éducationnelle, et même de la politique tout court dans notre pays va dans le sens de nos idées. Les exclus : Certes, il y a encore un long chemin à passer des intentions, et même des discours et des textes officiels, à la réalité : L’école que nous a léguée la colonisation reste élitiste, et la déperdition scolaire est importante : Sur 100 élèves qui entrent en 11ème, 35 parviennent en 7ème (40% pour les garçons et 30% pour les filles). La distorsion entre la langue d’enseignement (l’adoption du français comme telle est chaque fois la monnaie d’échange de la reconnaissance des nouveaux pouvoirs par l’ancienne métropole) et la langue de la vie quotidienne (le malgache) écarte systématiquement les ruraux qui constituent près de 80% de la population : peu ou pas de pratique du français en dehors des villes. La maîtrise du français incite d’ailleurs de nombreux jeunes à l’exode rural (Cf. extraits du séminaire "Civilisation et culture" joints à nos réflexions). C’est ce qui explique d’ailleurs l’engouement pour les écoles privées, confessionnelles essentiellement, qui sont plus présentes à la campagne que les écoles publiques, car les enseignants y ont plus de liberté pour enseigner en malgache. Mais même en ville, l’éducation des enfants en situation difficile est la plupart du temps pris en charge par les ONG confessionnelles (catholique surtout) qui laissent une place importante à l’éducation spirituelle. Le Taux de redoublement au niveau primaire est de 33,9% pour le public et 17,4% pour le privé. C’est notre idéal de Laïcité et la gratuité de l’éducation qui sont remis en question. Le phénomène d’exclusion est donc important (non scolarisation et déscolarisation) Que faisons-nous pour améliorer cette situation ? Elargir le plus possible notre public : en effet, nos différentes activités nous permettent d’être en contact quasi-permanent avec diverses catégories de personnes : enfants en situation normale, enfants des rues, enfants des écoles françaises, enseignants de tous les niveaux, futurs cadres et cadres en place de l’Education Nationale, animateurs, éducateurs et leaders de quartier, parents d’élèves, etc...
Concernant le formel et le non-formel : A notre point de vue, l’éducation formelle telle qu’elle existe dans notre pays est sélective et diplômante. Le non-formel est ouvert, et permet plus facilement la mise en pratique de nos idées, mais il n’est pas diplômant, non lucratif. Si au niveau des enfants, le non-formel est constitué essentiellement par tout ce que nous appelons péri, para, post et extra-scolaire, il convient à notre avis de mieux le généraliser, mieux l’organiser, peut-être même le comptabiliser dans le travail de l’éducateur et le valoriser dans le cursus de formation de nos enfants. Au niveau des adultes, le non-formel constitué essentiellement par les loisirs doit également être organisé et vulgarisé. Nous pourrions sans doute proposer une politique de gestion saine du temps libéré. Les NTIC permettent aussi à notre avis d’intégrer une partie du non-formel à la vie familiale (importance de la vie familiale dans l’éducation de l’enfant, et importance de l’éducation des parents). Tout être humain peut se développer et même se transformer au cours de sa vie. Il en a le désir et les possibilités. C’est surtout la deuxième partie de cette idée qui a fait l’objet d’échanges importants dans notre association.
La personne est un tout. Le contenu de l’enseignement, surtout au niveau du secondaire, est encore en partie copié sur le modèle français, avec les différentes disciplines littéraires et scientifiques et une approche parcellaire des connaissances. A la campagne, l’école constitue encore un monde différent de celui de la vie : dès qu’on franchit le portail de l’école, on change de comportement et de relation, on change de langue. Au lieu d’aller chercher l’eau au puit ou à la rivière, il suffit de tourner un robinet pour en avoir. Si à la maison on s’éclaire encore le soir à la bougie ou avec une lampe à pétrole, à l’école, il suffit d’appuyer sur l’interrupteur. Et ce monde de l’école qui offre un modèle de vie facile et véhicule une autre culture, déracine les enfants et les jeunes qui auront par la suite tendance à aller le retrouver ailleurs (exode). Que faisons-nous ? Dans les stages que nous organisons pour les enseignants, l’interdisciplinarité et le travail d’équipe sont, non seulement encouragés, mais vécus dans le quotidien et dans la pratique des activités. L’exemple de l’équipe des formateurs leur permet de constater que ce n’est pas une utopie.
Quelle place pour la machine ? Très peu encore à Madagascar, surtout à la campagne. Concernant notre engagement en faveur d’une alphabétisation scientifique pour tous. Nous pensons qu’il faut intensifier notre action, peut-être en ne perdant pas de vue les Sciences humaines. L’éducation doit se fonder sur l’activité, essentielle dans la formation personnelle et dans l’acquisition de la culture. La pédagogie du projet est encore balbutiante à Madagascar au niveau de l’école. Les CEMEAM l’ont mise en œuvre dans la formation des animateurs/éducateurs qui travaillent auprès des enfants et des jeunes en situation difficile, mais c’est un thème qu’il faudrait débattre dans le pays ou même dans la zône (un projet à soumettre à la FICEMEA ?) L’image de « la classe équipée de matériel, de documents, d’un mobilier qui permet le travail individuel et le travail de groupe » est encore du domaine du rêve à Madagascar. Le maître ne dispose que d’un seul mode d’intervention, le mode traditionnel dans lequel il explique et fait exécuter. Le travail individuel se limite souvent au devoir à faire à la maison. C’est depuis nos interventions institutionnalisées dans la formation des enseignants et cadres de l’Education Nationale que les travaux de groupe entrent petit à petit en classe, bien que les conditions matérielles (effectif, mobiliers, espace et disposition) ne s’y prêtent pas. L’être humain est un être social Nous souhaitons avoir plus d’informations (Pourquoi pas une formation) sur la « pédagogie institutionnelle » et surtout sur les pratiques. En tout cas, l’internat limité ou temporaire que nous pratiquons dans nos stages et dans nos centres de vacances offre réellement une bonne occasion pour apprendre à vivre ensemble. Nous constatons d’ailleurs que les résultats sont positifs si tout le monde participe à la mise en place de l’organisation et à la régulation de la vie de groupe. Il faut certes maintenir un certain équilibre pour que l’individu puisse se retrouver seul (Gestion du temps et des lieux de vie) Concernant la culture et les cultures Nous renvoyons au texte joint concernant le séminaire sur la « Civilisation et culture » pour affirmer que la langue n’est pas un simple véhicule de la culture, elle est elle-même culture. Nous constatons que les cultures dominantes qui tendent à déferler et à engloutir les autres sont celles du Nord en général, celles des anciennes puissances coloniales en particulier. Ce déferlement est à la mesure des moyens financiers et des NTIC dont disposent ces pays. Il y a 1 chinois sur 3 ou 4 hommes sur la terre, mais la culture chinoise reste endiguée par exemple à l’exception de certaines pratiques médicales et culinaires. Un métissage culturel est certes souhaitable, mais il ne faut pas le comprendre comme un phagocytose des richesses culturelles des peuples du Sud par une culture dominante du Nord. Les cultures propres à chaque peuple ne doivent pas se réduire à des folklores. THEMATIQUE 1 L’EDUCATION PERMANENTE, L’EDUCATION TOUT AU LONG DE LA VIE Très peu de chose à dire sur ce thème. Nous constatons à Madagascar que l’éducation des adultes se focalise surtout sur "l’éducation familiale", entendez- par là le planning familial. Mais d’autres thèmes sont de plus en plus traités : la propreté dans la lutte contre les épidémies, la protection de l’environnement, les nouvelles techniques de culture et d’élevage, etc... Très peu encore d’éducation à la démocratie en dehors des périodes électorales. Cette éducation des adultes est surtout l’œuvre d’ONG et des organismes internationaux comme le FNUAP, le FAO ou le PNUD, en partenariat avec les ministères concernés. L’éducation à la citoyenneté commence à peine. Les CEMEAM l’introduisent partiellement dans la formation des Leaders de quartier, mais cela se limite pour le moment à la ville d’Antananarivo. THEMATIQUE 2 Education nouvelle, écologie et globalisation A la question : La globalisation comme espoir (pour certains) et comme menace (pour d’autres) : comment éviter les erreurs, comment rendre positives les opportunités ? Voici quelques aspects positifs de la globalisation à Madagascar :
Que faisons-nous ? Les CEMEAM font depuis une dizaine d’années de l’écotourisme pour des enfants et des jeunes (colonies de vacances, classes vertes pour les écoles françaises d’Antananarivo).
THEMATIQUE 3 Laïcité, sphère publique, sphère privée Nous sommes entièrement en accord avec les options présentées dans le document.
Voici cependant quelques remarques concernant Madagascar :
Que faisons-nous ? Dans nos stages, même si aucune prière et aucun culte n’est prévu dans le programme, lorsque la session dure au-delà empiète sur un jour de prière (vendredi soir pour les musulmans, samedi pour les adventistes, dimanche pour les chrétiens), nous accédons à leur demande pour qu’ils puissent organiser un moment de prière ensemble sans empiéter sur le programme des activités prévu. Généralement ce culte œcuménique (15 à 30 minutes) se fait très tôt le matin du dimanche, présence non obligatoire. Mais des représentants volontaires des différentes religions le préparent dès le samedi soir, se répartissent les tâches et établissent le timing.
Nous avons constaté que la séance permet aux uns et aux autres de mieux se connaître : les musulmans y expliquent par exemple la signification du Ramadan, ou le véritable sens du Djihad.
Souvent la séance suscite des échanges informels entre stagiaires.
A notre avis, il y a là occasion d’apprentissage de la tolérance.
THEMATIQUE 4 Pour une éducation à la citoyenneté démocratique A Madagascar, l’éducation à la citoyenneté démocratique est encore embryonnaire, et elle se réduit souvent à tout ce qui se fait en période électorale : les explications données par les autorités et quelques ONG (Justice et Paix, Education Citoyenne, etc...) sur l’importance et la nécessité de voter, sur ce que l’électeur doit et peut faire en tant que citoyen. L’importance du taux d’analphabétisme est pallié par le recours à l’oral (c’est un élément important de la culture malgache, l’écrit ne s’est développé que tardivement), et surtout aux images. Par contre, la solidarité sociale est un élément caractéristique de la culture malgache et elle reste forte dans toutes les circonstances et même en ville,chez les couches les plus occidentalisées de la population. C’est sans doute ce qui explique en partie la réussite des mouvements populaires de 2002 pour faire partir les anciens tenants du pouvoir sans trop de mal, socialement parlant. Que faisons-nous ? La pratique systématique de la démarche participative dans tous nos stages est déjà, à notre avis, un apprentissage à la citoyenneté démocratique.
THEMATIQUE 5 Education nouvelle et nouvelles technologies de la communication Nous constatons à Madagascar que la mondialisation tend à creuser l’écart entre ville et campagne : Si la population urbaine (environ 20% de la population totale) est entrée dans l’ère des technologies nouvelles de communication et est devenue un marché potentiel pour les produits des multinationales, la grande majorité de la population, les ruraux, n’a accès ni aux multimédia, ni au téléphone, ni à la télévision, ni à la presse, ni même à la radio, sauf des cas limités où on reçoit des émissions locales de musique essentiellement. Cette frange de la population exclue de la mondialisation est épargnée également par la globalisation car elle vit en économie d’auto-subsistance. Que faisons-nous ? Le multimédia n’est pas encore entré dans nos stages sauf des cas très rares, mais nous épousons la position des CEMEA pour une éducation aux moyens modernes de communication, bien que pour le moment, le coût des installations reste prohibitif. Documents annexes Nous rapportons ici quelques extraits du document final du séminaire "Civilisation et culture" Organisé par l’Université d’Antananarivo du 29 au 31 mai 2001. "On parle de civilisation pour un groupe d’êtres humains qui se reconnaissent dans un modèle de vision du monde. Le phénomène de culture est l’ensemble de toutes les expressions par lesquelles une civilisation témoigne sur elle-même. Parmi celles-ci, la langue n’est pas un simple véhicule de la culture, elle est elle-même culture.
De ces définitions, il a été établi :
"Les termes qui traduisent en malgache les notions de développement sont fivoarana / fandrosoana /fandrosoana et fampandrosoana. Ils rendent compte d’une part, pour les premiers termes, du stade de développement et donc du développement endogène, et d’autre part, pour les seconds termes, des formes induites de développement..." "La vision linéaire ethnocentriste du développement est toujours en rapport à l’Occident selon les thèses des étapes historiques évolutionniste et diffusionniste. Dans ce contexte, le développement touche aux aspects technico-économiques, sociaux et culturels, et se fonde notamment dans les [...] du transfert de technologie." "Les mouvements développementalistes récents, après les échecs des divers programmes initiés de la mondialisation, ont décidé d’intégrer l’aspect anthropologique (la dimension humaine) dans toutes les actions de développement : c’est le développement endogène, par opposition à développement induit, volontariste, etc...Mais cette option est loin d’être effective." "Le droit pour les partenaires de choisir les formes et les contenus des actions de développement et d’avoir leur rythme est à le base de ce choix. Il faut alors réviser les actions dites induites et notamment celles des intervenants extérieurs afin de les inclure dans le cadre des valeurs et des pratiques socio-culturelles auxquelles les partenaires tiennent et qui leur servent à se définir eux-mêmes. Il en est de même pour les formes endogènes ... où la définition du développement doit venir de la population elle-même" (Pages 5 et 6) "L’émergence de la dimension culturelle et linguistique s’explique par le fait que nous vivons une crise économique et sociale qui vient ébranler les certitudes prônées par l’approche technico-économiciste du phénomène de développement. Cette crise met en évidence la nécessité de prendre en considération un facteur jusque là négligé : la culture et, partant, la langue." "Cette prise en compte s’inscrit dans une conception du développement compris comme l’expression de la capacité d’une société à créer des solutions originales à ses problèmes spécifiques. Le développement est donc appréhendé comme un phénomène qualitatif et multidimensionnel s’inscrivant dans une perspective historique, et qui apparaît comme une question plus culturelle qu’économique." "Dans cette conception, la culture et la langue occupent une place centrale. En effet, toute stratégie de développement opère dans un espace social défini par des relations de communication ; par ailleurs, le langage est la caractéristique fondamentale des sociétés humaines. Enfin, c’est la culture qui donne un sens et un contenu au développement." "Les expériences démontrent par ailleurs que les stratégies de développement réussissent lorsqu’elles se nourrissent du terreau culturel local. Cette prise en compte de la culture et de la langue locale est une des conditions de la participation des populations au processus de développement." "Mais le primat de la dimension culturelle dans le processus de développement n’est pas une raison pour évacuer la problématique de la productivité qui est celle de l’économie. En effet, le refus d’une approche économiciste ne doit pas nous amener à substituer à la problématique économique une problématique purement culturelle, ce serait retomber dans une approche réductionniste." "Si la dimension culturelle est une dimension stratégique du développement, le programme d’ajustement structurel (qui pose les bases d’une nouvelle société), la stratégie de lutte contre la pauvreté ou la bonne gouvernance peuvent difficilement faire l’économie d’un débat sur la question culturelle et linguistique. En effet, les mesures que ces choix politiques préconisent s’inscrivent dans une dynamique interculturelle, voire de choc de cultures, et nécessitent un véhicule linguistique pour diffuser les nouvelles valeurs et les nouvelles normes." "Mais la langue n’est pas dans cette problématique un simple outil de communication, elle est en même temps un moyen et un lieu d’expression de l’individu en tant qu’être social. Marqueur d’appartenance à un groupe, la langue est aussi un instrument de pouvoir et de domination, fonction qu’elle assure notamment au travers de la politique linguistique qui est à la fois l’agent et le produit du processus de stratification sociale et l’outil nécessaire pour la conquête et l’exercice du pouvoir politique." "En admettant que le problème fondamental de Madagascar est celui de son développement, et sachant qu’il n’y a pas de développement sans véritable participation de la population aux décisions, à toutes les étapes du processus, nous pouvons émettre l’hypothèse que si Madagascar se trouve dans la situation actuelle, c’est notamment parce que les politiques linguistiques que le pays a connues depuis la colonisation jusqu’à aujourd’hui ont exclu une grande partie de la population du processus du développement". (Pages 6 et 7) "La communication en milieu rural, au sens large du terme, pose problème et pourtant elle est au centre du développement qu’il veut induire.. En effet, le milieu rural est défini par sa pauvreté légendaire, et particulièrement remarquable par l’absence ou le mauvais état des moyens de communication : routes et moyens audio-visuels." "Les exigences des transferts de technologie imposent des communications entre le milieu rural et les intervenants qui servent de courroie de transmission de la mondialisation dans le contexte de contact des cultures. Pourtant des blocages divers ne favorisent pas cette communication et entravent le développement. Il s’agit en particulier des visions et des attitudes vis-à-vis du milieu rural, visions négatives, péjoratives, attitudes de méconnaissance, voire de mépris vis-à-vis des paysans." "Les blocages viennent également des attentes non prises en compte et des incompréhensions entre les priorités des ruraux et les visions des intervenants." "Les déséquilibres viennent de la communication à sens unique entre développeurs et ruraux : on vient toujours pour leur apprendre quelque chose, leur enseigner le développement, mais rarement on vient apprendre ou connaître et valoriser les modes de pensée, de pratiques et les potentialités du milieu rural." "La connaissance et le respect des valeurs, des structures et des pratiques traditionnelles sont primordiales dans toutes les formes de communication en milieu rural malgache" (Page 12) Maj :12/06/2006
Auteur : ficemea |