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les TICE au-delà des frontières, les technologies pour l’enseignement de base en afrique subsaharienne par Jacques Wallet

« La vraie question devrait être : les TIC peuvent-elles contribuer à l’amélioration de l’enseignement élémentaire et surtout au doublement des effectifs du secondaire sous dix ans, à moyens constants de fonctionnement ?"

L’usage des réseaux se développe rapidement en Afrique de l’Ouest, il suffit de voir la densité des cybercafés ou la multiplication sur le Web des sites culturels, commerciaux ou institutionnels. On peut certes encore évoquer une fracture numérique si l’on compare avec les.pays du Nord, mais il convient aussi de souligner le saut technologique entraîné par l’usage d’Internet entre, par exemple, le moment où la transmission du courrier postal n’existait pas ou était totalement aléatoire et celui où l’usage du courrier électronique permet de rompre l’isolement des régions distantes des capitales.

Un luxe, un gadget ou une nécessité ?

Dans l’éducation, la question de l’usage de l’informatique et des réseaux est souvent mal posée, même si les intentions semblent généreuses : ainsi, l’Union internationale des télécommunications a récemment déclaré qu’en 2006 tous les lycées africains devraient avoir accès à Internet et en 2011 tous les écoliers du primaire. Soulignons l’origine de cette déclaration : l’UIT et non les représentants de l’éducation dans les pays concernés. Ce volontarisme s’explique par le désir de réduire la fracture numérique. Mais celle-ci peut-elle être réduite si d’autres - économique, électrique - ne le sont pas en parallèle ?

Ne pas laisser le continent africain à l’écart des réseaux et plus généralement des évolutions technologiques est une priorité de la communauté internationale, notamment de la Banque mondiale... Mais si l’intention d’équipement des classes à travers l’Afrique subsaharienne est louable, quid de l’augmentation par tête d’élève des coûts de scolarité dans les systèmes éducatifs qu’entraînerait l’installation des micro-ordinateurs ? Alors que la.plupart des États ne.peuvent scolariser la totalité des jeunes, faute de moyens. La vraie question devrait être plutôt : les TIC peuvent-elles contribuer à l’amélioration de l’enseignement élémentaire et surtout au doublement des effectifs du secondaire sous dix ans, à moyens constants de fonctionnement ? Dans cette perspective, ce n’est pas l’équipement des lycées avec des ordinateurs (en dehors d’un poste d’accès au centre de documentation) qui devrait être privilégié, mais plutôt l’équipement des inspections régionales afin de faciliter une re-construction de la planification et de la gestion scolaire, une aide à la prise de décision au plan local. La mise en réseau des instituts de formation des enseignants, le partage des ressources pédagogiques développées en ligne, la modernisation de la formation des formateurs tendraient vers le même obiectif : permettre Aux personnes ressources (formateurs de formateurs, décideurs, universitaires ... ) l’accès aux ressources d’Internet. Pas plus que dans les pays du Nord, l’approche pédagogique sur les TICE ne se suffit à elle-même ; elle s’inscrit dans une dimension systémique qui touche les politiques institutionnelles, la propriété intellectuelle des contenus mis sur la Toile et l’usage des produits open source.

Dans l’enseignement supérieur, une autre tentation menace : le e-learning, qui abolit temps comme distance, constituerait à J’évidence une réponse commode à la crise des universités africaines, un accélérateur formidable, mais le transfert de formations du Nord clefs en main peut briser l’émergence de compétences au Sud. Il faudrait surtout privilégier les actions durables qui s’appuient sur des compétences locales.

Pour ne citer qu’un exemple qui illustre bien ce saut technologique et identitaire, dans l’enseignement secondaire, sur le site sénégalais www.examen.sn, on trouvera en accès libre les annales corrigées des examens dans plusieurs disciplines scientifiques. il n’existait pas Jusqu’alors, pour des questions de coûts et de diffusion de publication imprimée dans ce domaine. on imagine sans peine le succès d’un tel site auprès des enseignants et des élèves.

Resafad-Tice

En 1997 est née, grâce au soutien du ministère français des Affaires étrangères, l’initiative « Resafac-Ticel », d’abord au Burkina Faso, en Guinée. au Mali et au Togo, puis au Bénin et, plus récemment, au Sénégal, en Mauritanie et en Guinée équatoriale. Dans chaque capitale est implanté un centre de ressources multimédias comportant plusieurs serveurs, une salle de formation d’une douzaine de postes et un espace de production de ressources éducatives. Chacun de ces centres travaille en réseau, d’une part avec des antennes situées dans le pays, d’autre part avec les centres des autres capitales.

Voici trois exemples des actions menées dans le cadre de Resafad.

La ré-ingénierie de la formation à distance des directeurs d’école menée en parallèle au Burkina, en Guinée, au Mali et au Togo Une douzaine de concepteurs-formateurs (inspecteurs, conseillers pédagogiques, formateurs) par pays ont été initiés à la formation à distance et à la production de contenus médiatisés. Puis, chaque pays, de façon concertée, a produit une série de modules dans le but de mutualiser, d’échanger via Internet avec les autres équipes. Plus de 80 modules qui touchent à la professionnalisation de la fonction de directeur d’école sont aujourd’hui disponibles. Une fois les contenus mis au point, c’est par une formation à distance classique (imprimés, tutorat) que des milliers de directeurs ont été formés. L’usage de l’informatique a permis une communication interpays inédite, un renforcement des relations entre les capitales et les régions éloignées, les frais d’édition des modules ont été limités, enfin la conception des modules par des locaux a favorisé l’élaboration de contenus adaptés, loin de l’utilisation passive des ouvrages pédagogiques venus du Nord.

L’adaptation du e-leaming dans la formation de communicateurs multimédias Un cursus de formation menant à un diplôme universitaire de formation à distance de communicateur multimédia (DU), codélivré par chaque université nationale concernée et, en France, par l’université du Maine, a été expérimenté au Burkina Faso et au Togo, puis élargi à Madagascar et au Sénégal. La certification visait avant tout à faciliter la reconnaissance professionnelle

il s’agissait de former, au sein des ministères de l’Éducation, des personnes ressources en TICE : webmestres ou spécialistes de médiatisation. Lenvironnement de travail fut, depuis 1999, la plate-forme webCT. Dans chaque pays, des tuteurs locaux venaient en aide aux étudiants. Cent cinquante personnes ont passé le diplôme ou sont en cours d’études.

Le travail collaboratif dans le cadre du Séminaire interactif des responsables de planification

Le séminaire à distance réunissant les équipes nationales de planification a d’abord été axé sur l’échange de méthodologies en matière de statistiques, puis sur les classes multigrades (en France on utiliserait le vocable de classe multiniveau). il s’agissait de montrer l’intérêt du travail collaboratif entre les spécialistes de plusieurs pays. 1’environnement logiciel principal choisi fut QuickPlace. Il a permis d’atteindre les objectifs, même si les problèmes de bas débit furent souvent une gêne dans le cadre de travaux synchrones.

En conclusion, le site-portail www.edusud.org donnera des précisions à ceux qui le souhaitent sur les initiatives évoquées. Il offre également de nombreuses ressources éducatives en accès libre et recense les sites éducatifs de la zone géographique concernée.

1. Resafad-Tice, ou RESeau d’Appui Francophone pour l’adaptation et le Développement des Technologies de l’Information et de la Communication en Education, regroupe un consortium de cinq universités et de deux IUFM, et est coordonné par Jean Valérien, Jacques Guidon et Jacques Wallet.

Les dossiers de l’ingénierie éducative - numéro 42 - mars 2003




Maj :12/06/2006
Auteur : ficemea