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Fédération internationale des Ceméa
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>> Forum mondial de Dunkerque : 29 juin au 6 juillet 2003
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Laïcité, sphère publique, sphère privée
Voici le texte introductif au travaux La laïcité repose sur un ensemble de valeurs, de principes et de modalités de mise en pratique qui en guident la concrétisation. Au niveau des valeurs La laïcité proclame la liberté absolue de conscience (droit de croire, de ne pas croire, ainsi que droit de changer de croyance, impliquant bien entendu la liberté de critiquer les contenus des religions). Elle n’implique pas une négation ni une interdiction des croyances et de la foi religieuse, dans la mesure où celles-ci respectent les droits de l’homme, de la femme et de l’enfant... et l’intérêt collectif. Toutefois, elle se refuse à accepter le cléricalisme qui est la prétention des milieux confessionnels, des clergés, des organisations et communautés religieuses à intervenir et à peser, au nom de leurs certitudes, sur la vie publique, politique, sociale ou éducative. La tolérance est le second pilier de la laïcité, mais dans les limites où elle s’exerce envers des gens qui la pratiquent également : un laïque ne peut tolérer un nazi, un fasciste, ou même un raciste, un sexiste et tout autre partisan d’un « totalitarisme » oppresseur (politique, religieux, social ou économique). Le laïque est un homme ouvert à la critique, prêt à remettre ses convictions en question. Reprécisons que la tolérance n’est pas le respect des opinions mais bien le respect de la personne avec tout ce qui la compose y compris ses différences, son éducation, sa culture ou sa religion. Cela implique que les opinions, le contenu de la religion, de la culture et de l’éducation peut être critiqué et même attaqué violemment. La tolérance est comprise ici comme totale liberté de conscience et non comme un concept ambigu qui suppose une autorité qui tolère et qui peut changer d’avis à un moment ou à un autre. Enfin, la laïcité est un idéal positif. Il s’agit de promouvoir ce qui unit les hommes et non ce qui les divise sans pour autant ignorer ce qui concrètement conduit les hommes à s’opposer les uns aux autres. La laïcité doit être perçue comme un idéal humaniste, un idéal de référence qui promeut l’égalité absolue de tous les citoyens au même titre que les Droits de l’Homme. Des modalités pratiques d’application garantes des principes fondamentaux de la laïcité. La mise en œuvre des valeurs laïques nécessite la totale et effective séparation de la société civile et de la société religieuse. Un système laïque doit garantir la stricte indépendance du domaine de droit public vis-à-vis de la sphère de droit privé à laquelle appartiennent les religions et les influences confessionnelles. C’est ainsi que peuvent être garantis à la fois les besoins collectifs des citoyens et les libertés religieuses et philosophiques individuelles. Ce système ne peut se confondre avec l’athéisme d’état tout comme il s’oppose aux religions d’état. Les laïques récusent toute forme de communautarisme menant à la ségrégation des groupes humains ; l’élément fondamental d’une société laïque est le citoyen, libre et émancipé de toute domination doctrinaire instituée. Cette position implique que chacun a le droit d’appartenir à une religion et à une philosophie de son choix, y compris le droit de n’appartenir à aucune. La laïcité lutte contre les tabous dogmatiques et les interdits religieux, pour l’émancipation des femmes et le respect des enfants, le droit universel à la qualité de l’environnement. Sur le plan économique, les laïques refusent radicalement les idées dominantes « politiquement correctes », la pensée unique présentée comme incontournable... La globalisation de l’économie, renforcée par les moyens de plus en plus performants et rapides de la communication et de l’information, devrait accroître le sentiment d’appartenance au « Village Mondial » ; au lieu de cela, nous assistons à la montée de l’intolérance, de l’intégrisme, de la discrimination et des nationalismes. La laïcité s’oppose à la dictature des « lois du marché » exploiteuse non seulement de l’être humain, mais aussi des ressources naturelles de la planète. Elle veut fonder un avenir de l’homme basé sur la créativité et l’accomplissement des personnes, pour offrir aux citoyens de véritables pouvoirs de décisions et d’action sur leur environnement. La diversité culturelle est menacée par la mondialisation économique. Celle-ci a pour objectif de récupérer la culture, d’homogénéiser les différences et crée, par là même, une culture de masse qui nie et refuse les dissemblances. Le combat des laïques est précisément de lutter pour la diversité culturelle, contre l’uniformisation économique, linguistique et sociale, de soutenir les cultures marginales. Toutefois, tout comme le concept de « tolérance », le terme de « culture » est ambigu. En effet, jusqu’où peut-on accepter et soutenir certains traits culturels qui iraient à l’encontre de l’intégrité physique et morale de l’homme et de la femme, certaines traditions qui maintiennent, sous couvert de culture, la femme dans une position d’infériorité et de soumission à l’homme ? Pena-Ruiz, dans sa conférence sur les fondements de l’idéal laïque, précise à juste titre : « Ne faudrait-il pas dire plutôt que toutes les cultures sont respectables, mais que tout n’est pas respectable dans ce qui se donne comme culturel ? ». C’est dans cette optique d’appropriation critique et humaniste que les laïques se positionnent. Dans cette perspective, les rapports entre les gens ne seraient plus basés sur une relation d’esclave-producteur-consommateur, mais bien sur le respect et la prise en considération de l’autre, la fraternité. Les CEMEA, défenseurs d’un idéal laïque C’est dans ce contexte socio-économique que se situe notre projet de transformation sociale. Nous pensons que c’est l’éducation de chaque instant qui peut offrir à chacun les outils pour être acteur de sa vie, pour maîtriser son milieu et sa culture au lieu de les subir. Une éducation qui procure les éléments essentiels à l’évolution des individus dans leur projet personnel et dans le projet collectif, sociétal, nous semble indispensable pour affronter l’avenir. Elle doit s’inscrire dans le cadre du service public et ne peut être soumise au « cléricalisme d’entreprise » qui cherche à soumettre l’enseignement aux intérêts et à l’idéologie des groupes économiques dominants. Nous refusons un enseignement au rabais pour les plus pauvres. L’école et l’éducation en général doivent être accessibles à tous : filles et garçons, riches et pauvres, et offrir des moyens de développement des potentialités physiques, intellectuelles, affectives et sociales, ainsi que des outils pour agir sur le monde. L’éducation comme service public, doit démocratiser la culture non pas dans le sens de la consommation de masse et des objets culturels soumis à la prédominance du marché, mais en aidant chacun à poser un regard critique sur sa culture et sur celle de l’autre, en formant les enfants comme les adultes à l’écoute et à l’ouverture aux autres. Mais l’éducation, c’est aussi agir sur le milieu, l’environnement, la culture pour mieux se les approprier... En effet, selon un de nos principes formulé par Gisèle de Failly, le milieu est primordial pour le développement de la personne. En tant qu’éducateur, nous devons agir afin que ce milieu, dans toutes ses dimensions, garantisse les conditions nécessaires pour que la personne puisse vivre, se construire, grandir, devenir autonome, critique, actrice de sa vie, pour que ce milieu favorise les relations avec les autres : les enfants, les professionnels de l’éducation, les parents, ... parce que chaque individu a une responsabilité dans le développement individuel et collectif. Une des priorités de l’éducation exprimée par Stefano Vitale est que « l’éducation doit promouvoir l’autonomie de la personne dans un espace institutionnel de droits et de libertés ». Cet espace institutionnel doit faire partie du domaine public, c’est-à-dire qu’il doit être commun à tous, « transcender » les différentes conceptions idéologiques, philosophiques ou religieuses et apprendre à développer l’esprit critique de chacun. En guise de conclusion La laïcité dont nous nous revendiquons est étroitement liée à un courant de pensée humaniste qui repose sur une éthique fondée sur la vie présente, sur la responsabilité de chacun, sur le droit de disposer de son propre corps, de sa propre vie. Son objectif est de permettre à chacun de devenir acteur de son existence, de se placer dans une posture d’ouverture, non pas pour se perdre dans l’autre, s’y assimiler, mais pour l’accueillir. L’école, mais aussi les loisirs et les vacances, permettent de se côtoyer, de se rencontrer et de se confronter dans une dynamique d’apprentissage de l’autre. Nous, éducateurs, sommes là pour permettre l’expression des différences et des ressemblances, pour susciter des discussions, des échanges interculturels qui aident chacun à poser un regard critique sur sa culture, sa religion sans pour autant devoir abandonner cette dernière. Nous sommes là pour aider à dépasser la fatalité des inégalités sociales, pour créer de nouveaux rapports entre individus basés sur plus de liberté et plus d’autonomie. Le concept de laïcité, pris dans le sens le plus actif et non neutraliste du terme, répond à ces objectifs et représente pour nous, Centres d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active, Fédération Internationale regroupant des musulmans, des juifs, des catholiques, des protestants ou encore, des agnostiques et des athées, un des socles de l’éducation, un lien fondamental qui nous unit tous dans notre lutte éducative et sociale. Des questions pour aller plus loin Sommes-nous en accord avec ces options ? Dans l’environnement local (système éducatif, présence et importance des religions, structures sociales...) où nous menons notre action, qu’est-ce qui est du domaine de la sphère privée, de la sphère publique..., comment est, ou peut être, vécue la laïcité ? Comment mettons-nous ces options en œuvre dans nos actions ? quelles sont nos pratiques dans les situations précises de la vie de quartier, à l’école, dans les collèges, dans nos projets sociaux, nos formations, face aux institutions ? quelles difficultés rencontrons-nous ? quelles questions cela nous pose ?
Rudi GITS Le 19 décembre 2002
Le rapport d’atelier en téléchargement
(poids : 100331 - Format : PDF) Maj :12/06/2006
Auteur : ficemea |