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Violence et mineurs en Italie

Les jeunes qui oppriment et ceux qui sont opprimés sont le fruit d’une société qui tolère la violence, la justifie et l’utilise. Puis, de temps à autre, s’installe un climat d’alarme et parfois de panique suite à des épisodes de violence, parfois dramatiques, ayant pour protagonistes des enfants ou des jeunes à l’école ou dans d’autres lieux de la société, suite auxquels des interventions exceptionnelles et des punitions exemplaires sont demandées. Les mass media et le monde politique amplifient la rumeur publique (en particulier à l’étranger) en privant la question, de réelle attention et réflexion, en donnant des interprétations simplifiées et des réponses répressives.

Si l’on pense seulement pour donner quelques exemples, aux initiatives du gouvernement anglais qui a proposé de punir les mineurs à partir de 10 ans ou d’arrêter les parents quand leurs enfants font l’école buissonnière. Mais il suffit de feuilleter les journaux italiens pour lire des titres tels que "Orange mécanique en classe", "Le phénomène des petits mafieux" et ainsi de suite. Manquent l’analyse, la profondeur et le sérieux nécessaire. Sur le phénomène de la violence à l’école, peu a été fait au niveau scientifique si on pense que la première enquête, assez limitée par ailleurs, menée en Italie date de 1997, sous la direction de Ada Fonzi, professeur à l’Université de Florence, qui a fait une recherche au niveau national (huit régions) dans les années 1996 - 1997 (publiée ensuite dans Bullismo in Italia, Giunti, 1997, et dans une autre publication de 1999). Les résultats confirment que la situation italienne présente une plus grande diffusion ; les pourcentages oscillent entre 41% et 26% dans les écoles élémentaires et dans les collèges. Un autre travail intéressant de recherche a été effectué à Turin, sous la direction du sociologue Franco Prina sur 5 collèges dans le quartier le Vallette et publié par la Ville de Turin. La première donnée qui émerge est que les épisodes de violence et d’abus ne sont pas rares parmi les 1.414 garçons examinés, au contraire : 24% des garçons et 11,1% des filles ont déclaré avoir été tapés, respectivement 19,5% et 14,4% ont été victimes de vols, 23,1% des filles et 18,7% des garçons ont subi des attouchements. Les épisodes ont eu lieu dans 40% des cas en dehors de l’école, 21% à l’école, 16% en classe.

De la recherche de Franco Prina ressortent outre d’autres aspects intéressants. Les garçons prédominent avec 79,4%. Les pourcentages les plus élevés ont été relevés dans la dernière année de collège avec 38% (contre 32% de l’ensemble des élèves interviewés). Parmi eux le nombre de redoublants est le plus élevé 23,2%, et ceux qui aiment peu aller à l’école sont 49,6%. Parmi les victimes la majorité sont les garçons : 65,4%, ils ont en majorité 13 ans 34,4%, ils sont le plus fréquemment en 6ème et en 5ème. Ceux qui vivent soit avec leur père soit avec leur mère sont plus nombreux que les autres. Ils aiment peu aller à l’école et souffrent d’un certain malaise. Ils se sentent peu satisfaits d’eux-mêmes. Mais le phénomène de la violence ne peut être attribué uniquement à ces deux facteurs et à leur rapport conflictuel. Toutes les recherches à la fois en Italie et à l’étranger ont démontré que le contexte est fondamental dans l‘analyse tout comme dans la dynamique de l’action et dans l’intervention éducative. Il est donc important de souligner deux éléments : le monde des adultes et la société dans son ensemble avec leurs valeurs et non-valeurs. Les adultes semblent sous-estimer le phénomène. Les enseignants mettent rarement en acte des stratégies pour le combattre, tandis que les parents en parlent peu avec leurs enfants. Les jeunes qui oppriment et ceux qui sont opprimés sont le fruit d’une société qui tolère la violence, la justifie et l’utilise.

Réprimer et comprendre

Les interventions ne peuvent par conséquent pas s’arrêter uniquement aux seuls intéressés, mais doivent se connoter précisément pour une approche globale, écologique. Il devient alors essentiel d’abandonner l’attitude de prescription et de répression afin de travailler sur la relation. Ce que l’on doit faire c’est passer de la surveillance à l’écoute. Ce point ne peut évidemment pas être structuré, mais devrait inciter les jeunes à parler avec les adultes et entre eux d’eux-mêmes et sur eux-mêmes et devrait prévoir, par exemple à l’école : · Travail avec la classe comme groupe ; · Travail sur le vécu et les émotions ; · Introduction de nouveaux instruments à la place du registre (ou en supplément) etc., comme le journal de bord à la fois pour les enseignants et pour les élèves ; Il est également important de dépasser la division entre école et environnement. En ce sens les projets de médiation scolaire et d’analyse de la violence ne peuvent être gérés indépendamment du contexte social mais doivent faire partie d’un projet plus vaste qui implique d’autres réalités sur le territoire.

Mais en Italie, l’affrontement est ouvert entre une culture de la répression et une culture de l’éducation au conflit. Ce n’est pas tant la philosophie et la pratique de la non-violence qui peut aujourd’hui apporter des solutions originales, mais la multiplication de situations, contextes, opportunités de formation où ne pas nier les conflits, ne pas éliminer la violence en prenant au sérieux la dialectique et la dynamique des relations interpersonnelles. Alors on peut entrer dans une logique préventive et évolutive et non seulement de cure et de répression. Le fait est qu’une dynamique de cette nature devrait intéresser, comme nous le disions précédemment, l’ensemble de la société et de ses structures éducatives en particulier. Mais aujourd’hui en Italie on est en présence d’une offensive de la culture de la droite la plus traditionaliste qui remet au premier plan à la fois les mesures répressives et de pure limitation (sur le modèle anglo-américain : violence contre violence) et l’autorité de la famille comme unique agent éducatif. Un exemple très significatif de cette orientation est représenté par le projet de loi du gouvernement Berlusconi qui consiste à liquider les Tribunaux des Mineurs et à durcir les lois sur les violences commises par les mineurs. Les juges des mineurs seront abolis et remplacés par des juges “génériques et experts en tout”, mais seront surtout éliminés les “juges honoraires” c’est-à-dire des spécialistes tels que psychologues, sociologues, éducateurs qui accompagnaient les juges dans leurs évaluations. Le système précédent entrait directement dans le contexte de la vie des jeunes, impliquait les familles, tentait la voie de la compréhension des phénomènes et l’accompagnement des jeunes. Le tribunal des mineurs a des compétences très vastes : qui vont de la garde des mineurs confiée à l’un ou l’autre des parents aux prescriptions pour les parents en difficulté, aux interventions en cas d’abus et de violence sur les enfants. A l’avenir tout sera toujours plus caché et enseveli et il sera impossible pour les juges d’entrer dans la réalité des familles, qui au nom de leur autorité, resteront toujours plus seules.

Une perspective alternative

Les mouvements éducatifs comme les CEMEA, en cherchant la collaboration des municipalités sensibles et en contact avec d’autres mouvements associatifs se font les promoteurs d’une perspective alternative fondée sur certains points bien définis et élaborés par ailleurs également au niveau international à travers un projet biennal qui a intéressé l’association Eurojeunesse 2000, les CEMEA de Belgique, l’assessorat Animus en Roumanie :

- Il faut inscrire ou réinscrire les actions concernant la violence des jeunes dans un projet politique global, projet où la collaboration des pouvoirs publics et des différents acteurs soit centrale, dans le souci d’un dispositif local qui assure la durée indispensable et les moyens nécessaires à toute intervention éducative,
- L’action doit placer les jeunes dans des situations de responsabilité, d’initiative, de coopération avec les autres. Vivre des expériences de collaboration concrète, prenant appui sur des besoins réels, à chaque fois que possible dans une dynamique de projet, tout cela permet de développer des stratégies d’écoute qui placent les jeunes en situation de « requalifier » des espaces publics de rencontre et d’éducation : c’est-à-dire, dans une double perspective, d’une part de permettre aux jeunes de prendre une place d’acteur et d’interagir avec les autres dans ces espaces, et d’autre part de valider ces espaces publics comme des lieux de négociation, de décision et d’action pour les jeunes,
- Ne pas occulter les situations, les comportements de violence, mais au contraire, créer des espaces-temps permettant l’expression/les manifestations des tensions, des conflits ; des espaces qui doivent permettre d’apprendre à se connaître, à contrôler ses émotions et qui favorisent le dialogue, la compréhension mutuelle ; qui valorisent des dispositifs de transmission, de partage des expériences, d’acquisition de compétences sociales,
- L’action doit prendre en compte le jeune dans sa globalité, son identité propre, son histoire, sa parole...qui oblige à travailler dans une perspective de développement de ses possibilités plus que dans le jugement de la personne,
- L’action doit se centrer sur la préoccupation de la jeunesse dans son ensemble, celle du plus grand nombre, celle qui doit être l’objet du souci de la société, à laquelle il faut faire découvrir, partager, éprouver des valeurs... et pas seulement insérer, enseigner, informer...L’action ne doit donc pas s’enfermer sur les seuls sujets « en difficulté » mais doit être caractérisée par son approche globale et « écologique » ( non pas dans une perspective partielle et réductrice, mais abordée dans sa complexité et comprise par les jeunes, adaptée aux jeunes). L’objectif est de favoriser le développement de processus de changement aux différents niveaux de leurs expériences,
- Il est important d’ancrer l’action dans les besoins, les intérêts des personnes au quotidien, pour développer une culture de la responsabilité, de la citoyenneté, un apprentissage du « vivre ensemble »,
- L’action doit privilégier l’éducation et la prévention par rapport au soin et à la répression : il faut promouvoir des pratiques qui refusent d’enfermer les personnes ou les groupes dans des logiques d’assistance qui produisent la dépendance et le contrôle social,
- L’action doit être préparée et soutenue par la formation et l’accompagnement des acteurs et des équipes de professionnels à travers des séminaires, des études de cas, de la mutualisation de pratiques, de la supervision...qui, par ailleurs, assurent et consolident des positionnements collectifs indispensables. L’action ne doit pas être le résultat d’une « volonté personnelle » mais le fruit d’un processus réfléchi et non improvisé.

Une expérience significative au Collège

Le projet « Parcours pour l’enfance et l’adolescence » est le témoignage de la volonté politique et pédagogique des CEMEA de Turin et la Ville d’Alpignano de proposer un cadre cohérent d’opportunité pour la prévention de la violence et l’éducation au « vivre ensemble ». Quatre projets ont constitué un ensemble complexe qui a permis aux différents acteurs (parents, enseignants, éducateurs, enfants et jeunes) de se rencontrer dans des lieux divers, de croiser différentes exigences et en même temps de respecter la spécificité de chacun.

C’est le volet « Violence ? Non, merci » que nous mettrons en évidence. Les jeunes qui ont participé étaient plus de 100 adolescents entre 11 et 15 ans (École Secondaire). Les objectifs étaient : 1) faire face à des situations de malaise et de conflits dans les classes ; 2) favoriser des processus de socialisation et de connaissance réciproque ; 3) créer des espaces de communication entre élèves et enseignants.

Communiquer, collaborer, chercher des formes d’échange entre groupe et individu. Pour s’entraîner à l’idée qu’il n’y a pas que compétition et agressivité. La relation entre les personnes est une recherche des rôles complémentaires, implique l’organisation des structures relationnelles de coopération. Sans cacher la violence, sans oublier la complexité des situations concrètes. Etre avec les autres, exprimer les conflits, manifester les malaises, raconter ses expériences, apprendre à se connaître et à contrôler ses émotions. Trop souvent les jeunes n’ont pas un espace ou manifester leur point de vue sur la question de la violence, trop souvent ils sont « dans la violence » quotidienne sans pouvoir prendre du recul. Les phénomènes du « racket » même chez les plus jeunes trouve selon les experts un terrain de développement dans l’absence de formes d’éducation au dialogue et à la médiation qui prennent en compte sérieusement l’existence de la violence...

Les méthodes de travail utilisées étaient d’abord le jeu, sous différentes formes, puis la discussion et la recherche sur Internet, la lecture des livres, le visionnage des films... impliquer activement les jeunes avec les éducateurs Cemea, discuter de leurs problèmes, utiliser le corps, préparer une expo et un CD rom...ont été les activités principales qui ont beaucoup mobilisé les jeunes, à l’étonnement des professeurs et du principal du collège.

Voilà une liste des activités réalisées : Le jeu contre la violence ou jouer avec la violence ? Jeux de compétition jeux de collaboration La violence : du concept aux mots en passant par l’action (et l’activité) Recherche des mots-clefs La violence est en relation avec la complexité de l’expérience humaine Représenter la violence avec le corps La violence dans la littérature La violence à la télé La violence dans les films La violence dans la société Jeux de rôle : la violence économique Aborder la violence : le théâtre des opprimés La violence racontée par les jeunes

Le projet était soutenu par la mise à disposition des jeunes, dans l’école (Collège d’Alpignano), d’un expert psychologue qui a assuré 15 rencontres avec les jeunes du mois de décembre 2002 au mois de juin 2003.

Le « guichet d’écoute » sur la violence a soulevé l’intérêt des jeunes : 60 jeunes et au moins 20 ont demandé d’être rencontrés sans pouvoir accéder au service...

Un espace d’écoute à disposition des jeunes pour discuter avec un adulte de ses conflits avec les copains, les parents, les enseignants...pour recevoir des informations et des orientations pour mettre en fonction un réseau de soutien si nécessaire.

Stefano Vitale Président CEMEA Piémont Formateur




Maj :12/06/2006
Auteur : ficemea