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Fédération internationale des Ceméa
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Pour un humanisme du divers
Martine Abdallah-Pretceille (Professeur des universités) Notre époque est marquée autant par le retour des intégrismes, des nationalismes et des ethnismes que par une internationalisation et une mondialisation du quotidien. De manière paradoxale, la diversité culturelle est à la fois banalisée et dramatisée. Dans les deux cas, c’est essentiellement la culture de l’Autre qui fait l’objet, soit d’un rejet, soit d’une acceptation, au détriment d’une meilleure reconnaissance de l’Autre en tant qu’Autre, en tant que sujet singulier et universel. En effet, l’autrui culturel est très souvent, trop souvent appréhendé selon une approche différentialiste qui privilégie la culture en tant qu’entité homogène dans laquelle viennent s’inscrire les comportements. La plupart des travaux procèdent par éviction du principe d’altérité au profit d’études sur la culture qui conduisent à une connaissance par catégorisation, description et identification. Conscience d’autrui et connaissance d’autrui sont souvent confondues. Confusion dommageable sur les plans scientifique et éthique car ce type de connaissance n’épuise pas le sujet et n’atteint au contraire que des objets figés. On assiste actuellement à une résurgence de la question sur le mode d’une crise sociale et culturelle. Il s’agit donc de comprendre pourquoi la composition plurielle de la société est aujourd’hui posée comme un problème. Il s’agit aussi de trouver les modes de traitement possibles au plan politique, social et éducatif. En réalité, la pluralité s’énonce dans des termes et dans un contexte totalement différent par rapport au passé. Les difficultés surgissent à partir du moment où l’on cherche à répondre au défi de la pluralité en utilisant des concepts et des analyses qui, si ils avaient une quelconque pertinence dans le passé, n’en ont plus aujourd’hui. APPRENDRE A PENSER L‘HETEROGENEITE L’hétérogénéité est devenue la norme, l’homogénéité est le produit, soit d’une action volontariste et autoritaire, soit d’un enfermement. 1° La diversité s’énonce au pluriel. Le développement des contacts mais aussi la prolifération des groupes d’appartenance, la pérennisation du fait migratoire ainsi que la mondialisation provoquent une recomposition en profondeur du tissu social à partir des principes d’hétérogénéité et de pluralité. Par ailleurs, toute identité (individuelle ou collective) est en fait plurielle. On ne reviendra pas sur les travaux de G. Devereux qui a démontré depuis longtemps que toute identité unidimensionnelle n’est pas loin d’être pathologique. La réalité sociale est, elle aussi, polychrome. Et, ce n’est pas parce que nous avons choisi de travailler sur la dimension anthropologique du problème qu’il faut en nier les autres aspects, notamment sociologique, politique, psychologique. Dans un cas comme dans l’autre, il convient de ne pas remplacer les déterminismes sociaux par des déterminismes culturels (culturalisme ou biologisation du culturel). L’hétérogénéité actuelle qui s’accompagne d’une différenciation maximum générée par la multiplication des pôles d’identification et d’appartenance (européen, national, régional, religieux, professionnel, etc.), n’induit pas une négation des valeurs mais plutôt leur prolifération anarchique et donc un problème de cohérence lié aux dissonances entre les différents modèles culturels. Chaque individu participe à plusieurs univers sociaux et culturels qui sont parfois en contradiction sur le plan des normes. Cette co-existence, cette co-présence de systèmes différents repose donc la question des valeurs et de leur rôle dans la cohésion d’un groupe 2° La pluralité n’implique pas nécessairement le pluralisme
Si ces différentes formes de pluralité nécessitent une volonté politique, sociale, éducative qui implique toutes, une certaine technicité, une mise en forme, elles renvoient aussi à une question fondamentale qui est celle du statut et du traitement de la diversité dans nos sociétés.
Selon la réponse, on aura une configuration sociale différente. Elle s’organisera, soit sur le mode additif comme une juxtaposition d’identités singulières (avec ses dérives « naturelles » qui sont l’exclusion et les rapports de pouvoir), soit sur le mode fusionnel qui conduit à la négation des singularités et qui a pour corollaire, à plus ou moins longue échéance, le refus et le rejet. Ces deux alternatives maximalistes s’enracinent dans un usage et un dosage inapproprié de la différence, par excès ou par défaut.
Le multiculturalisme n’est qu’une gestion mathématique des différences. Il entraîne :
La pluralité actuelle ne se réduit pas à une accumulation de différences. On ne peut déduire du simple constat, de la simple évidence qu’une société est composée de groupes, une organisation de l’Etat à partir d’une logique additive. L’accentuation du principe de différenciation réintroduit la question des valeurs comme condition de la structuration identitaire collective. Dès lors, l’invite est claire, il nous faut apprendre à penser la pluralité et la diversité selon un autre paradigme : entre la mosaïque et le melting-pot, il ne faut pas choisir mais au contraire, innover, repenser l’hétérogénéité et le complexe, non pas à partir des notions de norme et de structure mais à partir de celles de marge, de passage des frontières, d’échange, de chemin de traverse, de diagonale.....etc. 3° Danger de la confusion entre identité et appartenance On évoque souvent une dissolution des identités. Ce n’est pas, à mon avis, aussi simple que cela et la réalité est beaucoup plus complexe. En effet, on assiste, dans le même temps, à une multiplication des appartenances par référence à des groupes de plus en plus petits (classe d’âge, profession, région, idéologie...) ainsi qu’à des groupes de plus en plus grands (Europe par exemple) et à une mondialisation du quotidien. Il y a, à la fois, un regain d’identification à une ethnie, une culture, un groupe, une bande... et internationalisation. Dans un système républicain à la française, les compétences priment sur les caractéristiques groupales ou les appartenances. Cela conduit à reléguer au second plan toutes les formes de préférence, régionale, religieuse, ethniques... à l’opposé du principe de discrimination positive développé dans le monde anglo-saxon. En accordant la primauté aux groupes, on risque de voir la société réduite à la confrontation d’intérêts particuliers et partisans, au lieu de la recherche de l’intérêt général. Il faut donc apprendre à prendre de la distance par rapport aux groupes d’appartenance (nationale, régionale, religieuse, professionnelle...) tout en ne niant pas ces attachements multiples. L’individu comme n’est pas que la somme de ses appartenances. Additive et non plus soustractive ou antagoniste, susceptible d’évolution permanente en fonction de l’histoire individuelle et collective, multiréférentielle et à « géométrie variable », l’identité se pense en termes de pluralité, de complexité, de négociation et de stratégie. Quels sont les éléments fédérateurs ainsi que les éléments centrifuges d’une identité collective ? Cette interrogation invite à reconstruire un civisme fondé sur une volonté générale plutôt que sur le marché et le droit. 4° Le concept de culture ne permet plus de penser la diversité culturelle On lui préfèrera celui de « culturalité » qui renvoie davantage à un processus dynamique, à des échanges, des métissages et des transgressions. On assiste actuellement à des formes de manipulations de la culture par le biais notamment de sa naturalisation (dans cet esprit, tout ce qui culturel devient acceptable car naturel !). Or, la culture s’appréhende non pas à partir de constructions a priori, de modèles totalisants mais au niveau des pratiques, des usages, des actions qui sont autant de formes discursives pour s’exprimer et communiquer. L’évocation de traits culturels est davantage le symptôme d’une situation dégradée que le signe d’une appartenance culturelle. DES CULTURES A UNE ALTERITE PLURIELLE Les approches culturelles inspirées d’un modèle culturaliste sur-valorisent la variable culturelle et présupposent l’existence et donc la cohabitation de groupes culturels homogènes. Le culturalisme, par son accentuation systématique de la variable culturelle débouche sur une forme de « scientisme culturel », une forme de dogmatisme voire d’intégrisme culturel qui induit la négation de la dimension universelle de tout individu. Ces études ne tiennent pas assez compte du fait que la complexité actuelle du tissu social s’explique par des processus de métissage, de bricolage et d’acculturation réciproque. En effet, plus personne n’échappe à la diversité culturelle. La construction européenne, l’immigration, les voyages, la mondialisation, par contacts directs ou indirects via les médias notamment, sont autant d’occasions de rencontre l’Autre. Celui-ci est omniprésent. L’abolition du temps et des distances par la connaissance immédiate des événements se déroulant à l’autre bout du monde banalise l’expérience de l’altérité tout en la rendant de plus en plus difficile. Par ailleurs, l’individualisation de plus en plus forte de références par la personnalisation des conduites et l’autonomisation par rapport au groupe d’appartenance constitue un contrepoids à ce que l’on appelle trop facilement la mondialisation des cultures. La multiplication des contacts pulvérise la notion d’acculturation qui sort ainsi d’une logique binaire pour s’inscrire dans une multipolarité. Plus aucun individu ne se situe dans un cadre culturel unique et homogène. Les emprunts, provisoires ou non, les transgressions, les créations conduisent à des pratiques de « zapping culturel » et au « butinage ». On assiste à une définition de l’appartenance culturelle non plus par filiation mais par personnalisation et création. L’individu n’est plus au cœur d’une seule identité mais de plusieurs, identités qui ne sont pas exclusives les unes des autres et qui sont, parfois en harmonie, parfois en contradiction. On se trouve dans une réalité sociale polychrome, labile et mouvante. C’est pourquoi, il devient de plus en plus difficile de définir l’individu à partir de sa seule appartenance culturelle, ethnique ou même nationale. Les marqueurs traditionnels d’identification (nom, nationalité, âge, culture, statut social et économique...) ont perdu leur pertinence et ne permettent plus d’identifier autrui encore moins de le catégoriser. La formule d’Emmanuel Levinas « rencontrer un homme, c’est être tenu en éveil par une énigme » prend tout son sens. Les cultures n’existent pas en dehors des individus qui les portent et les actualisent. Elles n’existent pas en dehors des discours et des usages dont elles font l’objet. Ainsi, en focalisant l’analyse sur les cultures, on occulte paradoxalement le rapport à autrui. Ancrée dans l’histoire, dans les contextes, dans les relations, les cultures sont des lieux de mise en scène de soi et des autres. Elles sont théâtralisées à travers des comportements, des discours et des actes. Elles se jouent des enfermements et des catégorisations et le « faux en écriture culturelle » affleure en permanence. Il existe une distance indéniable entre les modèles culturels théoriques et les usages de la culture au quotidien dans la communication, dans les relations, c’est-à-dire dans les différentes occasions de rencontres d’autrui. C’est dans cet écart que se situe une éducation à la diversité et à l’altérité. C’est aussi dans cet écart que se situent le sources de dysfonctionnements et de conflits. En situation de diversité et de diversification culturelles, l’enjeu ne peut être de connaître les cultures mais de comprendre l’expérience humaine dans ses singularités mais aussi dans sa totale universalité. Ce qui compte, ce sont moins les connaissances que l’expérience de l’altérité qui s’appuie inéluctablement sur l’éthique. Si la reconnaissance des cultures a, dans un premier temps, développé une demande de formation en ethnographie, une demande d’informations sur les spécificités culturelles des communautés et des groupes, les perspectives sont désormais davantage du côté de la reconnaissance de l’individu et donc d’une philosophie du sujet adossée à une éthique. L’objectif est d’apprendre à interpréter et à comprendre les informations culturelles qui sont ambiguës car elles sont manipulées par les acteurs et les locuteurs. En termes de formation, il s’agit d’apprendre à passer du stade descriptif à la compréhension des processus en s’appuyant sur des savoirs mêlés, sur ce qu’Ed Glissant appelle « la créolisation des cultures », c’est-à-dire sur l’imaginaire d’une identité-relation et non sur l’imaginaire d’une identité-racine. Plus que le métissage des cultures, c’est une culture du métissage qui reste à construire. Face à une « culture ouverte » pour reprendre en la transposant une formule d’Umberto Eco, le concept de culture devient obsolète et nous lui préférons celui de « culturalité » qui renvoie à l’émergence d’une pensée complexe, d’une pensée qui suit les chemins de traverse, les interstices, les diagonales de la communication et de la culture. Le « baroque culturel » est une invitation à sortir du piège identitaire, de récit sur les racines et les origines. Entre les concepts de culture et de culturalité, il n’y a pas qu’un simple jeu sémantique mais surtout le passage d’une analyse en termes de structures et d’états à celle des processus complexes et aléatoires. Le pluralisme moderne s’accompagne d’une dynamique d’où la coordination d’ensemble est exclue. Chaque individu participe en même temps à plusieurs univers sociaux et culturels qui sont parfois en opposition (la famille par rapport au quartier et à l’école, par exemple). Une telle implosion pose des problèmes de cohésion et surtout de cohérence. Nul ne peut plus nier les dissonances entre les modèles en présence. La vulgarisation du relativisme culturel a accentué cette impression d’anomie : toutes les normes et morales étant posées comme équivalentes, l’individu se trouve dans l’incapacité de choisir et donc d’agir. C’est en fonction de ces contradictions que se pose la question des conflits de norme. L’approche interculturelle est une tentative de réponse, il est vrai, très francophone. Un des principes est de respecter la tension entre l’universalité et la singularité de l’individu. De même, la reconnaissance de la diversité n’implique pas l’éclatement du consensus social, d’un « vouloir-vivre ensemble ». Les Québécois cherchent ainsi à définir une « culture publique commune » censée servir de ciment à des communautés qui finissent par co-habiter, par co-exister faute de projet commun. Parallèlement, la question de l’intégration en France ne devrait pas occulter la définition d’un projet commun de société. L’intégration n’est pas une simple question sociale ou scolaire, c’est une question politique au sens éthique du terme. Une telle orientation permettrait d’envisager une définition de l’intégration par affiliation, par un « vouloir-vivre ensemble » et non pas par une simple filiation. POUR UNE ETHIQUE DE LA DIVERSITE E. Levinas fait reposer l’éthique sur l’expérience de l’altérité car « le lien avec autrui ne se noue que comme une responsabilité, que celle-ci soit acceptée ou refusée, que l’on sache ou non comment l’assumer, que l’on puisse ou non faire quelque chose de concret pour autrui. » Il s’agit bien de l’Autre en tant qu’Autre et non pas de sa culture, ni de ses appartenances, de son histoire ou encore de son expérience. Ces éléments peuvent au contraire constituer des filtres qui font obstacle à la rencontre, à la compréhension. En effet, la connaissance d’autrui, à partir de ses caractéristiques culturelles, psychologiques ou sociologiques ne sont que des attributions, des catégorisations. La diversité culturelle renvoie donc, non pas à la connaissance des cultures à partir de descriptions ethnographiques, mais à la découverte d’autrui en tant que sujet singulier et universel. Les informations psychologiques, sociologiques ou culturelles ne sont pas premières dans la rencontres. Elle ne sont, tout au plus que des « béquilles » qui nous permettront éventuellement de mieux comprendre à condition que l’on sache les utiliser, les analyser et non pas les plaquer sur une situation. On ne peut penser à partir de la logique du même, encore moins à partir de la logique de la différence. L’éthique est justement cette rencontre de l’Autre comme Autre. Elle s’appuie sur une exigence de la liberté d’autrui et donc sur le respect de sa complexité, de sa non-transparence, de ses contradictions. L’éthique de la diversité a comme lieu propre la relation entre des sujets et non pas l’action sur l’Autre, même si cette action est généreuse, juste voire charitable. Toute dissymétrie dans la relation transforme les uns en acteurs, les autres en agents et entraîne une relation de pouvoir, réel ou symbolique, source en retour de violence, potentielle ou exprimée. Il s’agit bien d’agir avec et non pas sur autrui et donc d’un exercice de solidarité qui est un exercice difficile, jamais achevé et toujours à reconstruire. C’est ce qui rend l’action éducative pénible mais aussi riche car elle ne se situe pas sur une logique de maîtrise. La réflexion éthique débouche sur une interrogation identitaire (pour tous les partenaires) ainsi que sur une activité communicationnelle. Il s’agit bien d’un travail sur soi autant qu’un travail avec autrui. Il faut voir dans cette incapacité à travailler nos relations avec autrui l’impasse dans laquelle se situent les politiques d’intégration, les politiques éducatives. La logique du contrat ne saurait remplacer l’adhésion à des valeurs communes. La fuite en avant à laquelle nous assistons, dans tous les domaines, école, politique, social... avec la multiplication des initiatives en tout genre malgré leur inefficacité traduit bien l’urgence d’un travail sur le sens. Si la société civile et laïque ne cherche pas à combler dans un projet de société clair et partagé, le vide éthique, il est à craindre que ce que l’on appelle le retour du religieux, mais aussi des sectes et des intégrismes, ne soit qu’un palliatif et surtout un prélude à des conflits dont l’histoire est malheureusement riche. J’aimerais, par ailleurs, insister sur l’importance et la force de la laïcité qui est jusqu’à présent la seule forme de traduction hors du sacré de la notion d’éthique. Il s’agit bien évidemment de la laïcité en tant que valeur et non pas en tant qu’idéologie. La laïcité permet, en effet, de transcender les particularismes, de permettre leur expression sans pour autant perdre le principe d’un « vouloir-vivre ensemble ». C’est au nom du pluralisme que la laïcité s’est imposée -pluralisme religieux-, c’est au nom de la pluralité et de la diversité qu’elle devra se renouveler et être affirmée. La fin de ce que l’on appelle communément, et à mon avis trop rapidement, la fin des idéologies et des récits totalisantes, la fin des systèmes unitaires d’explication a favorisé, dans un premier temps, l’éclosion des individualismes et des replis sur soi ou sur son groupe, mais appelle dans un second temps, le recours au débat démocratique pour fonder ou refonder les bases d’un « vouloir-vivre ensemble » sans lequel il ne peut y avoir ni solidarité, ni groupe. A l’opposé des sociétés traditionnelles, au sens anthropologique du terme, ou des groupes qui fonctionnent sur le mode de la tradition (sectes, par exemple), les sociétés modernes ont de moins en moins de références communes, d’implicites et d’évidences partagées. En conséquence, c’est à un travail d’explicitation et d’objectivation auquel nous sommes invités. Plus que jamais le besoin de développer une philosophie éthique objectivée et rationnelle se fait sentir. C’est en ce sens que l’on peut s’interroger sur l’utilisation excessive d’arguments d’expertise et d’arguments pragmatiques qui tendent à suppléer ainsi aux défaillances de sens. L’action sociale et éducative suppose une orientation fixée sur une volonté commune des acteurs, sur la reconnaissance de normes et de valeurs communes. La question d’actualité sur la violence sociale et scolaire ne peut être résolue sur le seul terrain de l’instrumentation et des mesures, mais exige une réponse sur le terrain éthique. La solution consisterait à renouveler l’accord sur la validité et le partage des références. Aucun groupe, aucun système, aucune éducation ne peut se passer de référence éthique qu’il ne faut pas confondre avec un listing d’obligations morales. Tout contrat, y comprise tout contrat éducatif, non relié à une visée éthique n’est qu’une pragmatique, qu’une technique qui, pour réussir, demandera de plus en plus de règlements, de moyens, d’alinéas, d’évaluations, autant de mesures dont l’objectif est justement de remplir le vide. Ce ne sont pas les actes qui fondent l’éthique mais, au contraire, l’accord éthique qui fonde la validité des actes. C’est en ce sens que l’on peut dire que l’éthique d’une société n’est pas une éthique appliquée à une société mais qu’elle est le fondement même de cette société. Le déficit éthique hypertrophie la logique instrumentale par la recherche de moyens censés canaliser, corriger les dysfonctionnements. Cette logique renforce les pouvoirs externes (juristes, experts, consultants, médiateurs, etc.) alors qu’il conviendrait de remettre la réflexion éthique aux acteurs eux-mêmes car l’éthique ne s’impose pas, elle s’incarne à travers des comportements et des actions. Pour qu’une coordination des actions soit possible, cela suppose l’existence d’une cohérence qui est de l’ordre des valeurs et non plus seulement du fonctionnement. Cette cohésion et cette cohérence ne peuvent être le fruit d’une imposition, d’une décision autoritaire et arbitraire. Cela nécessité un accord sur des bases reconnues par tous les acteurs, accord obtenu par la délibération et la communication. Dans une société marquée par une pluralité structurelle, l’objectivation des normes et des valeurs est d’autant plus indispensable que les implicites ne sont plus autant partagés que dans le passé. De fait, plus la transmission par l’héritage et la tradition est faible plus le risque de dissension est fort et plus la délibération est indispensable. Ces quelques réflexions sont en fait une invitation à construire ce que j’ose appeler un Humanisme du divers. Bibliographie :
Martine Abdallah-Pretceille :
Maj :28/06/2006
Auteur : ficemea |