>

Dicours d’ouverture du Forum
Forum mondial Fédération internationale des Ceméa « Quelle éducation à l’époque de la mondialisation »

Un constat d’inégalité croissante

Pour les mouvements d’éducation nouvelle comme pour les ONG de jeunesse et d’éducation populaire, il est impossible de traiter de l’éducation sans traiter de la société dans laquelle évolueront les jeunes demain.

La jeunesse d’aujourd’hui devra vivre et travailler au XXIème siècle dans un monde qui devient de plus en plus complexe, interdépendant et sans cesse en évolution. La globalisation de l’économie, renforcée par les moyens de plus en plus performants et rapides de la communication et de l’information, aurait dû accroître le sentiment d’appartenance au « Village mondial » ; au lieu de cela, nous assistons trop souvent à la montée de l’intolérance, de l’intégrisme, de la discrimination et des nationalismes.

La jeunesse du monde est confrontée à l’inégalité croissante entre les pays en voie de développement qui s’appauvrissent d’une part et les pays développés où apparaissent de nouvelles pauvreté, d’autre part.

Le bilan de l’économie de marcé et du néolibéralisme triomphan est profondément inégalitaire : 20 % de la population mondiale dispose de 86 % du revenu de la planète.

L’écart des revenus entre ces 20 % et le reste de la planète était : De 11 contre un en 1913 De 30 contre un en 1960 De 74 contre un en 1997

La question centrale du XXIème siècle sera la construction d’un ordre mondial et de sociétés moins négalitaires, ce qui implique une autre conception des rapports Nord-Sud, une meilleure répartition des richesses, du travail et du savoir.

En ce début de 3ème millénaire, plus de 115 millions d’enfants dont plus de 60 % sont des filles, n’ont pas accès à l’enseignement primaire et l’on dénombre près de 900 millions d’adultes analphabètes. Parmi eux, deux sur trois sont des jeunes filles ou des femmes.

Or, comme l’a proclamé le Forum Mondial « l’Education Pour Tous » à Dakar, l’éducation est un droit fondamental de l’être humain. Nous dénonçons à l’UNESCO, le retard pris dans la mise en œuvre des engagements pris à ce Forum, il y a trois ans déjà, et nous nous interrogeons sur l’attitude de la Banque Mondiale, du FMI et des gouvernements occidentaux qui s’étaient engagés à financer les plans nationaux de lutte contre l’analphabétisme élaborés par les Etats.

La priorité des priorités pour les gouvernements, les instances internationales et les ONG consiste à éradiquer cet analphabétisme mais aussi à répondre aux besoins fondamentaux des populations.

Malheureusement, tous les participants des pays du Sud à notre séminaire de Brest en septembre 2001, ont dénoncé la globalisation comme une nouvelle forme de colonialisme qui les appauvris, contribue à les affamer et conduit à une véritable déculturation.

Une nouvelle éducation qui procure les éléments essentiels au développement des individus et à la compréhension internationale semble indispensable pour affronter l’avenir et préparer la jeunesse d’aujourd’hui et de demain à vivre pleinement le XXIème siècle.

Ceci nous conduit à refuser un enseignement au rabais pour les pays les plus pauvres et pour les pauvres des pays riches. Nous réaffirmons que l’école doit être ouverte à tous, filles et garçons, et offrir à tous les futurs citoyens et citoyennes, les conditions optimales d’apprentissage et de développement de leurs potentialités physiques ? intellectuelles, affectives, sociales car pour nous, l’enfant est au centre du processus éducatif.

L’enfant au centre du processus éducatif Rappelons d’abord une évidence, quelle que soit son origine ethnique ? l’enfant qui naît à l’époque de la mondialisation a les mêmes besoins fondamentaux qu’au début de l’humanité.

Comme l’affirmait le philosophe français Jacques DERIDA à l’occasion du lancement de la décennie du savoir à l’UNESCO, notre langage a changé, les notions d’espace et de temps ont changé mais notre corps reste stable dans cet extraordinaire bouleversement même si dans les sociétés occidentales nous sommes capables de ralentir les effets du vieillissement.

Dans les premiers jours de sa vie, l’enfant qu’il soit blanc, noir ou jaune, est toujours totalement dépendant de ses parents ou des adultes qui l’entourent et qui se substituent à leur absence. Il a toujours besoin de boire et manger à sa faim, besoin de sécurité matérielle et affective, besoin d’être aimé, besoin d’agir pour conquérir progressivement son autonomie.

C’est sur ce socle primitif que tout va se construire.

La première priorité de l’éducation consiste donc à satisfaire et s’appuyer sur ces besoins fondamentaux en prenant en compte les besoins et les intérêts induits par la société, par le milieu dans lequel il vit : le village africain, le bidonville, la banlieue d’une grande métropole du nord ou du sud, l’appartement, la maison, le quartier modeste ou cossu. Sa personnalité va être façonnée par ce milieu et les adultes qui l’entourent.

Très vite, dans les sociétés occidentales comme dans les grandes villes du sud, la télévision va entrer dans sa vie avec son ouverture sur le monde mais aussi avec les besoins articificiels qu’elle crée. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les publicités consacrées aux enfants et nous connaissons tous leur fascination pour les spots publicitaires.

Notre deuxième priorité consiste donc à prendre encompte le milieu de vie de l’enfant à faire en sorte que notre action éducative s’enracine dans ce milieu comme l’écrivaient récemment Rudi GITS et Roberta COMETTO à l’occasion du séminaire de la FICEMEA, que j’évoquais tout à l’heure et qui rassemblait des représentants de 15 pays d’Afrique, d’Amérique latine, de l’océan Indien et d’Europe.

Le milieu, primordial pour le développement de la personne

En tant qu’éducateur, nous devons agir afin que ce milieu, dans toutes ses dimensions, garantisse les conditions nécessaires pour que la personne puisse vivre, se construire, grandir, devenir autonome, critique, actrice de sa vie, pour que ce milieu favorise les relations avec les autres : les enfants, les professionnels de l’éducation, les parents mais aussi toutes les personnes... parce que toutes les personnes ont une responsabilité dans le développement individuel et collectif » (fin de citation).

Nous touchons ici à une problématique qui concerne à la fois les enseignants, les éducateurs (au sens le plus large du terme), la société civile et les responsables politiques, problématique majeure pour l’éducation des enfants et des adolescents.

Dans le monde occidental, la pression de la société marchande à tous les niveaux induit fortement de nouveaux intérêts, tantôt positifs et qui peuvent contribuer à mieux assurer une hygiène de vie : se brosser les dents, préserver sa santé, se prémunir du sida... mais aussi négatifs : promouvoir une forme d’alimentation qui accroît considérablement l’obésité comme le démontre une étude menée sur dix années par l’Institut pasteur de Lille et surtout par la création de modes au niveau mondial, la création d’envies pour stimuler les ventes.

Un autre aspect fondamental de notre travail éducatif consiste à faire réapparaître le désir de faire, le besoin d’agir au-delà de la simple envie.

Cela passe par une école où l’on apprend à réussir, autre priorité des CEMEA depuis des décennies. Pas une école où l’on apprend à réussir contre les autres », mais une école où l’on réussit avec eux comme l’écrit Philippe Merieu. Pas une école qui place les individus dans des cases au lieu de faire alliance avec eux pour les aider à surmonter la fatalité sociale.

Cela passe par la création de situations qui mettent l’apprenant au centre du dispositif d’acquisition du savoir afin qu’il soit partie-prenante, agent de ses acquisitions ce qui constitue pour les CEMEA une autre priorité de l’action éducative avec l’apprentissage de l’autonomie et de la responsabilité.

Etre autonome, c’est se connaître, s’affirmer, agir, résoudre des problèmes, avoir des relations sociales, maîtriser sa vie émotionnelle, se poser des questions ? penser par soi-même, choisir, s’exprimer et communiquer.

Etre responsable c’est ne pas oublier les devoirs, envers les autres et aussi envers soi-même : responsabilité de sa vie, de sa santé, ; responsabilité vis à vis des autres, de leur liberté ; responsabilité vis à vis de la société, responsabilité de l’environnement qui est celui de tous.

Ici encore l’école, les activité périscolaires, les activités d’éducation populaire hors de l’école, doivent être des occasions pour les enfants puis pour les jeunes de prendre des responsabilités, d’élire des représentants mandatés dans les instances qui régissent la vie quotidienne de la classe, de l’établissement scolaire, les activités du club, du centre de loisirs, du centre de vacances, d’y exercer un pouvoir, les élus devant ensuite rendre compte de leur mandat auprès de leurs électeurs.

Comme disent les CEMEA français, la citoyenneté active, c’est être consulté et être associé aux décisions, mais aussi participer au suivi de leur mise en œuvre, participer à leur évaluation.

Ceci est encore plus important dans les lieux de vie où l’on essaie d’insérer les enfants et les jeunes en grande difficulté.

Que représente la citoyenneté démocratique quand il faut lutter pour survivre ?

Quand on est analphabète ? Quand la sécurité des populations n’est pas assurée ? Comment s’appuyer sur les structures et les savoirs traditionnels pour progresser vers moins de misère, moins de guerre, plus d’éducation, plus de justice.

Comment capitaliser les pratiques culturelles d’hier et d’aujourd’hui pour progresser sans reproduire les défauts de la société occidentale ?

Vastes questions auxquelles nous restons trop souvent sans réponse.

Des amorces de solutions existent dans les pratiques de l’économie alternative mais elles restent marginales.

C’est une réorientation complète et complexe du rôle de l’ONU, du FMI et de la banque mondiale qu’il faut envisager.

C’est une authentique politique de paix et une réduction systématrique des énormes dépenses militaires gaspillées de par le monde, tant en occident que dans les dictatures sanguinaires du sud, qu’il faut mener systématiquement.

De ce point de vue, la campagne de l’UNESCO « patrimoines pour une culture de la paix », menée en coopération étroite avec les ONG est une excellente initiative, malheureusement démentie par la dernière guerre du golf.

Les amples mouvements citoyens et pacifiques de Porto Allegre, Gênes et autres lieux sont sans doute, en dépit des excès commis par les casseurs organisés, les prémisses d’une citoyenneté démocratique mondiale porteuse d’avenir dont des millions de jeunes sont des agents actifs..

Une éducation au respect de l’environnement

Il y a quelques instants, j’évoquais l’environnement, l’éducation au respect de l’environnement est une autre priorité à l’époque de la mondialisation.

Comme nous l’avions affirmé lors de notre séminaire de Montpellier il y a sept ans, il s’agit là d’une question capitale pour l’avenir de la planète, particulièrement dramatique dans les pays sahéliens.

Cette éducation passe par l’acquisition dès le plus jeune âge d’attitudes et de comportements de respect du milieu immédiat (naturel ou urbain), de plantations d’arbres et surtout d’entretien des espaces verts créés, comme le pratiquent nos amis des CEMEA Burkinabés, ou de Yrya en Colombie, de sensibilisation et d’extrême vigilance à l’égard de la pollution industrielle et des catastrophes irréversibles qu’elle peut provoquer pour les individus et l’avenir du monde.

Le développement de l’esprit scientifique, la vulgarisation scientifique peuvent contribuer à cette éducation à l’environnement et à la recherche de solutions nouvelle adaptées au XXIème siècle.

Mais le développement de l’esprit scientifique ne saurait se limiter à la seule éducation à l’environnement.

Nous attachons en effet une très grande importance à l’alphabétisation scientifique et technique des jeunes à partir de problèmes très concrets comme la réparation des mobylettes si nombreuses en Afrique et le réglage des moteurs afin de les rendre moins polluants comme le font les CEMEA béninois.

Ici mécanique et protection de l’environnement, se rejoignent et peuvent même déboucher sur la création de petites etreprises et dans le même temps, c’est la pensée scientifique qui progresse, outil indispensable au développemet de tous les peuples comme le souligne Albert Varier, outil indispensable aussi pour contrer la diffusion de la pensée, sectaire ou intégriste.

Importance des relations interculturelles et de l’éducation aux droits de l’homme

Nous le disions au début de ce propos :

Un des phénomènes qui a caractérisé la fin du XXème siècle et qui pèse sur ce début du XXIème siècle est la montée des intégrismes religieux et des conflits ethniques, y compris en Europe. Les drames causés par l’intégrisme et les fanatismes religieux dans les Balkans, en Afrique, au Moyen Orient, aux Etats-Unis, nous conduisent à rappeler une valeur essentielle de la pédagogie des CEMEA qui figure dans les principes qui guident notre actio, rédigés par notre fondatrice Gisèle de Failly, en 1957, et reprise dans le rapport de Rudi GITS à Brest dont j’extrais cette citation : le respect de la personne :« ce respect passe par la capacité d’accepter la différence ».

Nous devons agir pour que chacun reconnaisse la différence, l’accepte, sans en avoir peur, sans vouloir que l’autre, que les autres, soient identiques à soi.

Nous devons agir pour que les éducateurs préparent les personnes à être ouvertes et respectueuses des différences individuelles (physiques, sociales...) et de la diversité des langues, des cultures ; pour qu’ils favorisent, sous différents modes (rencontres physiques, internet, et autres), les échanges interculturels dans des relations réciproques, égalitaires, dans la perspective d’un enrichissement collectif.

Cette rencontre permet de mieux reconnaître sa propre identité, sa propre culture et de l’apprécier. Elle est facteur de renfocement de son identité personelle, de celle du groupe, de son appartenance culturelle.

Le respect des cultures ne signifient pas, pour nous, l’acception des aspects conservateurs, de domination (par exemple, des hommes sur les femmes), dont elles peuvent être porteuses. Notre position reste la lutte pour le respect de chacun dans quelque contexte culturel que ce soit ; pour que chacun accède à une citoyenneté, c’est-à-dire assume ses droits et ses responsabilités vis-à-vis de lui-même, de sa famille, du collectif... de la société »(fin de citation).

Pour des chercheurs comme Dominique Wolton ou des écrivains comme Amin Maalouf, la diversité des cultures apportées par les émigrés est une chance pour l’Europe. Encore faut-il que ces cultures soient reconnues et acceptées.

Reconnaître et accepter toutes les cultures Malheureusement, c’est à des réactions de rejets que nous assistons le plus souvent. En effet, dans un monde et à une époque où les phénomènes migratoires vers le Nord et les grandes métropoles (y compris dans les pays du Sud) s’intensifient, dans un monde et à une époque où se constituent des « melting pot » sans tradition culturelle et où les rites d’initiation symbolique de passage à l’âge adulte ont disparu dans le monde occidental et tendent à disparaître dans les énormes ensembles urbains d’Afrique et d’Amérique latine, le seul rituel de passage à l’âge adulte et d’appartenance à un groupe d’adolescents, devient trop fréquemment le rituel de la piqûre et de la drogue.

Un enfant transplanté du milieu rural à la grande ville d’un pays du Sud ou émigré dans une grande banlieue d’un pays du Nord doit d’abord grandir en tant qu’individu appartenant à sa lignée maternelle et paternelle. Il est nécessaire que sa pensée soit suffisamment structurée dans la langue par laquelle il apprend à parler (donc à penser) avant de passer à l’apprentissage d’une autre langue et d’une autre culture. Tout apprentissage trop précoce d’une autre langue, toute rupture brutale avec sa culture d’origine risque d’être déstructurants et être très lourds de conséquences à l’âge de l’adolescence. A deux ans, l’apprentissage de la langue officielle du pays d’origine ou du pays d’accueil n’est concevable que s’il est accompagné d’un soutien linguistique et culturel dans la langue maternelle de l’enfant.

De ce point de vue, les associations de villageois et leurs structures traditionnelles dans les grandes villes africaines ou les associations d’émigrés dans les pays occidentaux peuvent jouer un rôle déterminant de facilitation en intervenant de manière limitée (une heure hebdomadaire par exemple) dans l’école elle-même et dans les activités d’éducation non formelle car rien ne peut se costruire sur le mépris de la culture de la mère.

Tout ceci repose sur une une autre priorité de l’éducation : le respect absolu des convictions de chacune et chacun à partir du moment où ces convictions respectent les droits de l’homme et les droits de l’enfant donc, ne nuisent à autrui, en aucune manière.

L’enjeu de la laïcité Cette position implique pour chacune et chacun le droit d’appartenir à la philosophie et à la religion de son choix, y compris le droit de n’appartenir à aucune.

Dans les travaux où les séminaires auxquels je participe au niveau européen ou mondial, on a trop souvent tendance à traiter du dialogue inter-religieux au lieu du dialogue inter-culturel en se limitant aux trois religions du « Livre » à l’exclusion du boudhisme, de l’animisme, à ignorer qu’il existe aussi une morale, une éthique qui n’est fondée ni sur la croyance en Dieu, ni sur l’immortalité de l’âme mais sur le respect de la personne, le bonheur partagé sur terre, l’évolution de l’être humain vers un monde plus juste, plus solidaire, plus pacifique.

Notre fédération, par exemple, rassemble des musulmans, des chrétiens, des juifs, des athées réunis sur des valeurs fondamentales en éducation. Les croyances des uns et des autres relèvent de la sphère privée et non de la sphère publique. C’est ce qu’on appelle en France, en Belgique, en Italie : la laïcité. Ce concept de laïcité qui commence à être pris en compte en Europe est fondamental pour combattre l’intolérance, les excès des sectes et des intégrismes de toutes confessions. Il est pour nous un des socles de l’éducation.

Nous touchons ici à deux aspects majeurs de l’éducation : l’importance d’une véritable éducation interculturelle d’une part, le refus de la privatisation et de la marchandisation des systèmes scolaires d’autre part, en réaffirmant le caractère public et laïque de l’école.

Agir pour la diversité culturelle

La diversité culturelle qui fait la richesse de la culture humaine est menacée par une culture dominante trop souvent superficielle et mercantile produite par la mondialisation et la standardisation des marchés.

La meilleure façon de lutter contre cette dérive est de nous mobiliser pour la sauvegarde de la diversité culturelle et linguistique en nous appuyant sur des pratiques culturelles diversifiées dans des genres aussi différents que la musique, la danse, le théâtre, les spectacles vivants, les technologies numériques et virtuelles... C’est ce que font la plupart de nos associations des Seychelles à Bruxelles, du Pérou au Liban.

Comme l’affirmait Jacques DEMEULIER au dernier congrès des CEMEA français, démocratiser l’accès aux pratiques culturelles ne signifie pas consommer de plus en plus d’objets culturels.

Les pratiques culturelles de l’éducation populaire comme on dit en France et en Amérique latine, ne visent pas à former des artistes même si cela arrive parfois.

Elles visent à accompagner les personnes dans le contact avec les œuvres et la découverte de ces œuvres, comme nous le faisons depuis des décennies au festival d’Avignon par exemple.

Par les activités que nous proposons, nous permettons à chacun de développer ses capacités d’expression en répondant à des besoins fondamentaux des enfants, des jeunes, comme des adultes.

Capacités d’expression d’abord dans sa propre lange en aceptant d’aller vers un langage universel (l’anglais des pilotes) mais comme le disait encore Jacques DERIDA, dans le même temps, en défendant les idiomes, les langues locales et leur poésie, en inventant des formes nouvelles, en luttant contre l’hégémonie de la langue universelle.

Rappelons-nous le titre proposé par Ettore GELPI pour ce Forum mondial : « Espaces et temps éducatifs contemporains, lutte et espoir ».

C’est l’ensemble de ces pratiques qui s’inscrivent dans un vaste projet d’éducation populaire qui nous permettent d’agir contre l’homogénéisation de la culture et de maintenir une diversité indispensable aux progrès de l’humanité.

Voilà bien une autre priorité et non des moindres de l’éducation aujourd’hui, d’autant que les nouvelles technologies de communication et les médias qui connaissent un développement considérable, contribuent puissamment à la diffusion de la culture dominante occidentale anglo-saxone d’où l’importance de l’éducation aux moyens modernes de communication.

L’enjeu de l’éducation aux moyens modernes de communication

Bien évidemment, ces nouvelles technologies permettent le développement de moyens et de méthodes pédagogiques qui soutiennent l’action éducative des enseignants et peuvent contribuer à lutter contre l’hégémonie de la culture dominante. Tout dépend de l’usage qu’on en fait. Internet est un instrument fabuleux d’acquisitions de connaissances.

Encore faut-il former les enseignants et les éducateurs à cet effet. Encore faut-il réduire le fossé technologique qui sépare les pays du Nord des pays du Sud et le fossé culturel qui sépare les nantis des démunis au sein de chaque pays.

Encore faut-il ne pas confondre information et formation et ne négliger ni le langage verbal ni le livre dont les apports restent essentiels. Encore faut-il sans cesse rappeler le principe de réalité et l‘importance de l’alternance théorie-pratique.

La maîtrise des langages de l’image, des moyens audio visuels de la télévision, de la vidéo et de la télématique revêt aujourd’hui une importance grandissante. Il est urgent de développer l’esprit critique des citoyens du Monde afin de leur donner les outils qui leur permettent de résister aux manipulations médiatiques (développement des chauvinismes, exacerbation ds tendances nationalistes, dont nous avons pu apprécier les sinistres résultats en Yougoslavie ou en Afrique centrale voire même aux Etats-Unis d’Amérique).

N’oublions pas et Jacques DERIDA le rappelait à l’UNESCO, que la logique de l’internet est conduite sur un modèle de guerre - et Ettore GELPI nous le rappelait souvent : la guerre de l’information à usage militaire dans une stratégie de conquête utilisée prioritairement par ou pour le marché, pour le business.

Face à cette pression considérable, je reprendrais la conclusion de Christian GAUTELLIER dans un ouvrage collective intitulé : « Apprendre le multimédia », il s’agit :

de mettre en place une véritable éducation aux medias, citoyenne et critique, permettant le développement de « consommation active » et de résistance à la marchandisation de leur réception » ; de redonner à tous ceux à qui se destinent ces multimédias, le pouvoir de produire du sens, de construire des savoirs et de choisir, sans illusion, ni utopie techniciste, mais avec une lucidité forgée dans un projet global d’éducation » (fin de citation).

Il nous appartient dans ce domaine, comme dans beaucoup d’autres, d’utiliser les aspects positifs de la mondialisation pour atteindre nos objectifs éducatifs et d’agir pour en limiter les aspects négatifs. Comme nous l’avons réaffirmé à Brest :

« L’enfant, le jeune... toute personne doit être maître de sa vie, en harmonie avec le monde qui l’entoure : la famille, les amis, le quartier... les autres régions... le monde...

Il s’agit d’un choix éducatif humaniste, d’un choix de société qui s’oppose à celui qui vise à former des personnes dépendantes, soumises, exécutantes, aliénées. »

Ce qui nous amène à défendre et promouvoir trois priorités réaffirmées par Stefano VITALE, président des CEMEA du Piemont :

l’éducation appartient à tous et pas seulement aux techniciens, aux spécialistes, au marché, l’éducation doit défendre la diversité culturelle, l’expression personnelle et s’opposer à l’homogénéisation et à la virtualité absolue, l’éducation doit promouvoir l’autonomie de la personne dans un espace institutionnel de droits et de libertés.

Cette bataille ne sera pas facile, après le commerce en ligne, l’éducation en ligne connaît un développement considérable aux Etats-Unis. Les grands groupes ont des stratégies résolument mondiales comme l’écrit Philippe Quéau, directeur de la division de la société de l’information à l’UNESCO : « L’université de Phoenix aux USA, a lancé son projet « Mega University » avec 43.000 étudiants, 450 professeurs à temps plein, 4.500 à temps partiel et a déjà ouvert des campus en Chine ».

A quand l’éducation populaire en ligne ? la diffusion massive sur le net des œuvres de Ghandi, de Paolo Ferrer et de Célestin Freinet dans le monde entier ?

Comme le déclarait Koichiro Matsuura, directeur général de l’UNESCO, à l’occasion de la table ronde des ministre de la culture sur le thème « 2000 - 2001 - diversité culturelle, les enjeux du monde » :

« Il nous faut aujourd’hui - face à la privatisation sans cesse plus large de la vie scientifique, sociale et culturelle, veiller à protéger et à renforcer le caractère de « biens publics » de l’éducation, de la culture et de la science. Le statut particulier de ces domaines doit être reconnu, et leur assujettissement à des fins commerciales régulé, de façon à créer les conditions de leur accès par tous.

Dans un contexte de « marchandisation » des produits éducatifs, et plus largement de dérégulation des systèmes d’enseignement, il faut défendre le service éducatif comme un bien particulier, lutter contre la standardisation et l’appauvrissement des programmes éducatifs par la promotion conjointe de la diversité des référents culturels et linguistiques au sein des contenus d’enseignement, et d’attitudes et de valeurs communes permettant de favoriser le « vivre ensemble ». (fin d’une citation) qui pourrait être adoptée à l’unanimité par tous les représentants de la FICEMA présents dans cette salle.

POUR CONCLURE

Un projet aussi ambitieux ne saurait être réalisé par les seules ONG, d’autant plus qu’il doit être complété car je n’ai abordé que quelques points essentiels.

Ce projet a besoin d’être appuyé par les gouvernements et les grandes institutions internationales, d’où l’importance de la citation précédente. Méfions-nous des extrémistes du libéralisme qui pensent que l’enseignement est une affaire trop sérieuse pour être confié aux Etats et qu’il faut laisser le marché s’en emparer ce qui provoque déjà bien des appétits.

Nous, nous sommes pour la complémentarité entre l’éducation formelle, à l’école, au lycée, à l’université qui sont de la responsabilité des Etats d’une part, et l’éducation informelle avec les ONG de progrès qui agissent dans le domaine de l’éducation populaire d’autre part.

Aujourd’hui, et cette tendance s’aggravera au début du XXIème siècle, le pouvoir mondial appartient aux groupes financiers qui nous imposent leur doctrine qu’ils appellent les « lois » du marché.

Il est urgent que le pouvoir politique reprenne la primauté sur le pouvoir économique, les politiques étant les représentants élus par les citoyens de ce qu’on appelle aujourd’hui le village planétaire.

Mais ceci suppose deux conditions préalables : d’abord la revalorisation et la mise en pratique des valeurs d’une démocratie authentique plus proche des citoyens, et nous en avons un urgent besoin dans les pays occidentaux ; la formation de citoyennes et de citoyens lucides capables d’élire des femmes et des hommes sur un véritable projet politique - et non pas seulement sur une campagne de communication - capables d’en évaluer les résultats quelles que soient les pressions publicitaires qu’ils subissent.

La préservation de la démocratie dans les pays du Nord et du Sud comme l’accès à la démocratie des pays qui en sont encore éloignés au Nord comme au Sud sont à ce prix.

C’est pour nous une autre priorité de l’éducation. Elle est urgente et elle est capitale, car nous sommes tous solidaires face à ces questions fondamentales.

Il y va de l’avenir de nos enfants et petits-enfants..

Les travaux de cette journée, comme la réunion des militants de la FICEMEA venus de 36 pays du monde à Zuydcoote et qui sont dans cette salle, poursuivront et approfondiront notre réflexion sur trois plans : celui d’une Europe en extension, celui de l’espace francophone et celui de la mondialisation.

Claude Vercoutère Secrétaire général de la Fédération International des Ceméa




Maj :12/06/2006
Auteur : ficemea