Ce matin un jalon crucial a été posé par le conseil des droits de l’Homme. Pour la première fois, une agence intergouvernementale reconnait l’impact dramatique de la marchandisation de l’éducation et évoque la responsabilité des Etats dans la régulation et le contrôle des écoles privés. Cette résolution officielle émane d’une agence des Nations Unies : le conseil des droits de l’Homme (HRC).
Une résolution d’importance
Huit organisations de la société civile ont aujourd’hui accueilli la résolution du conseil des droits de l’Homme des Nations Unies exhortant les États à réguler et contrôler les prestataires privés de l’éducation et à reconnaitre le possible large impact de la commercialisation de l’éducation sur le droit à l’éducation.
Le Conseil des droits de l’homme (CDH) est l’organe politique des Nations Unies traitant des questions de droits de l’Homme. Dans la résolution adoptée par consensus par les 47 États membres, le CDH a pour la première fois réagi au phénomène grandissant de la privatisation et commercialisation de l’éducation.
Ce phénomène, et en particulier l’émergence à grande échelle des chaînes d’écoles privées à bas coûts ciblant les familles pauvres dans les pays en développement, a fait l’objet d’une vigilance accrue des organisations de la société civile et des Comités d’experts des Nations Unies au cours des derniers mois.
Camilla Croso de la Campagne Mondiale pour l’Éducation a réagi : « Le caractère rapide et incontrôlé de la croissance des prestataires privés de l’éducation a engendré une violation du droit à l’éducation, menaçant de faire disparaître les progrès de ces cinquante dernières années en matière d’accès a l’éducation. Cette résolution montre que les Etats ont réalisé qu’ils doivent agir maintenant pour réguler ces acteurs privés avant qu’il ne soit trop tard ».
Sylvain Aubry, de Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights, réagit : “Nos recherches ont systématiquement démontré que la privatisation de l’éducation entraine une ségrégation et une discrimination socio-économique dans les écoles envers les enfants les plus pauvres, en violation des obligations des Etats, comme cela a été reconnu dans le cas du Chili. La résolution adoptée aujourd’hui a mis en lumière l’obligation de mettre en œuvre l’égalité des chances dans l’éducation pour tous sans discrimination. »
La résolution demande aux Etats de « mettre en place un cadre réglementarire» qui établisse un des normes et standards minimums pour « contrôler les prestataires de l’enseignement privé ». Delphine Dorsi, du Right To Education Project, commente : « Il est fondamental de rappeler aux Etats leurs obligations, tel qu’établies par le droit international, de réguler les acteurs privés, à un moment où où un nombre important d’entre eux se multiplient, particulièrement les entreprises éducatives multinationales, en tirant profit d’une faible régulation dans certains pays, et cela au détriment des droits des enfants et des parents».
La résolution du CDH appelle les Etats à s’assurer que l’éducation soit en cohérence avec les principes des droits de l’Homme. Angelo Gavrielatos de l’Internationale de l’Éducation explique : « Il est évident que la croissance de la marchandisation et de la privatisation de l’éducation compromet le droit à une éducation de qualité. Les gouvernements ne peuvent pas être autorisés à se désengager de leur obligation de fournir une éducation publique de qualité pour chaque enfant. Comme stipulé dans les traités des droits de l’Homme, l’éducation est un pilier fondamental pour une vie digne et doit être protégée en tant que tel».
Cette résolution confirme de manière décisive que l’éducation est un bien public. Selon Tanvir Muntasim, d’ActionAid International, « c’est la troisième fois en un an, à la suite de l’accord de Mascate de mai 2014 et de la déclaration d’Incheon de Mai 2015, que les Etats déclarent l’éducation comme un bien public. C’est une réponse ferme aux acteurs qui essayent de réduire l’éducation à une marchandise quand c’est un droit universel.
Le CDH insiste dans sa résolution sur « l’importance significative de l’investissement public dans l’éducation en utilisant toutes les ressources disponibles». Pour Katie Malouf Bous de Oxfam International, « trop de gouvernements ont négligé leur obligation de financer l’éducation de manière adéquate, entraînant l’ affaiblissement des écoles publiques et le renforcement de la privatisation des écoles. Des Investissements conséquents et adéquats pour offrir une éducation publique de qualité doivent être le remède à la privatisation».
Enfin, la résolution demande aux Etats de « soutenir les activités de recherche et sensibilisation pour une meilleure compréhension de l’impact majeur de la privatisation de l’éducation sur l’exercice du droit à l’éducation ». Ian Macpherson, de Privatisation in Education Research Initiative, affirme : « Nous avons travaillé avec nos partenaires au cours des dernières années sur les conséquences en matière de justice sociale de la croissance des prestataires privés de l’éducation et nous sommes prêts à collaborer avec les Etats pour mettre en œuvre cette résolution, étendre et renforcer nos recherches et le dialogue sur cette problématique cruciale».
obtenir une éducation gratuite et universelle pour tous d’exploiter la puissance de l’éducation pour briser le cycle de la pauvreté
« Il est maintenant temps pour tous les parties prenantes d’agir fermement pour mettre en œuvre cette résolution » conclut Tony Baker de Results Education Fund. « Cela concerne particulièrement les Etats mais aussi les institutions internationales et les donateurs, tels que la Banque Mondiale, qui ont investi dans les écoles payantes au cours des dernières années. Ces investisseurs doivent se mettre en adéquation avec les efforts nationaux et mondiaux pour parvenir à une éducation gratuite et universelle pour tous et mettre à profit le pouvoir de l’éducation afin de briser le cycle de la pauvreté. Les acteurs du développement, en plus des gouvernements, doivent agir en conformité avec le droit international des droits de l’Homme.
Notes
Les Organisations accueillant cette résolution sont:
- The Global Initiative for Economic, Social and Cultural Rights
- The Right to Education Project
- Privatisation in Education Research Initiative
- Results US
- The Global Campaign for Education
- ActionAid International
- Oxfam International
- Education International
Documents
- La résolution du conseil des droits de l’Homme: http://bit.ly/1IQEGAj
- Un résume des récentes observations finales des organs des droits de l’Homme de l’ONU sur la privatisation de l’éducation: http://bit.ly/1QPZmlz
Le dernier rapport du rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’éducation concernant la commercialisation de l’éducation: http://bit.ly/1CsI569
Traduction Ficeméa