Mes amies, mes amis,
Quel programme de vie vous souhaiter en ce début 2016 ?
Comment répondre aux multiples questions et aux contradictions que nous rencontrons à chaque jour, à chaque instant ?
L’énergie et les capacités multiples d’Edgar Morin peuvent, je le pense, nous aider à construire ce siècle. Aussi, en guise de vœux très sincères et nourris d’espoirs, je vous livre ci-dessous quelques-unes de ses réflexions. J’espère qu’ensemble nous pourrons contribuer à les faire advenir. Ce serait une belle et bonne année 2016 pour vous, pour vos proches, pour FICEMEA, pour moi, pour nous tous réunis en cette humanité que nous constituons.
Yvette Lecomte,
Présidente de la FICEMEA
« La question (…) est bien d’élaborer une voie nouvelle avec une politique de l’humanité et une politique de la civilisation. Une politique de l’humanité peut et doit prendre en charge des problèmes que normalement devrait résoudre le développement, par exemple le problème accru de la faim. Une politique de l’humanité devrait fournir aux pays du Sud les dispositifs producteurs d’énergie verte, dont les centrales solaires et marémotrices. Une politique de l’humanité devrait être aussi une politique humanitaire à l’échelle du monde, qui permettrait de mobiliser la jeunesse des pays qu’on appelle développés dans un service civique planétaire, qui remplacerait les services militaires, afin d’aider sur place les populations dans le besoin. Une politique de l’humanité devrait permettre d’appréhender les problèmes tels qu’ils se posent dans les différents parties du globe et, au lieu d’une formule standard appliquée dans les contextes les plus divers, d’élaborer des actions spécifiques convenant à chaque contexte particulier. Une politique de l’humanité devrait être surtout une politique de la civilisation qui serait la symbiose entre ce qu’il y a de meilleur dans la civilisation occidentale et les apports extrêmement riches des autres civilisations. Une politique de l’humanité devrait respecter les savoirs, les savoir-faire, les arts de vivre des différentes cultures, y compris orales. Une telle politique de l’humanité devrait donc être une politique de symbiose planétaire, prônant le grand rendez-vous du donner et du recevoir dont parlait Léopold Sédar Senghor. En matière de santé, tout en conservant et en approfondissant les bienfaits de la médecine occidentale, elle devrait inclure les apports des médecines indigènes, non seulement des nations de tradition médicale millénaire, comme l’Inde et la Chine, mais encore celles des peuples archaïques d’Amazonie, alliant thérapies chamaniques et connaissance des plantes. Cette politique devrait pouvoir fournir gratuitement les médicaments, notamment contre le sida, aux pays du Sud… Quant à la politique de civilisation, prenant en compte les effets négatifs de notre civilisation occidentale, elle viserait à dépasser l’alternative croissance/décroissance dans la considération de ce qui doit croître/décroître/demeurer stationnaire. Elle viserait à restaurer les solidarités, à réhumaniser les villes, à revitaliser les campagnes et à renverser l’hégémonie du quantitatif au profit de la qualité de la vie, prônant le mieux plutôt que le plus…
(…)
La mise en œuvre de ces politiques implique aussi que soient entreprises un grand nombre de réformes : réforme politique, réformes économiques, réformes sociales, réforme morale, réforme de la pensée mais aussi et surtout réforme de l’éducation et réforme de la vie. Toutes ces réformes (…) sont interdépendantes. Elles s’entr’appellent les unes les autres et par là même leurs développements devraient leur permettre de se dynamiser mutuellement. Seul l’approfondissement de ces réformes, leur cheminement permettront de régénérer assez le monde pour faire advenir la voie vers la métamorphose.
(…)
Tout est à réformer, tout est à transformer. Mais tout a commencé sans qu’on le sache vraiment. J’en veux pour preuve tous ces différents projets qui, tous les jours, éclosent dans toutes les régions du monde (…). Nous sommes (…) porte-voix des innombrables aspirations, efforts, essais, expériences d’une nouvelle civilisation qui veut naître – que j’appelle civilisation du bien-vivre (…) et qui devrait refouler la civilisation hégémonique du calcul, du profit, de la chronométrie, des intoxications consommationnistes, de l’alimentation industrialisée, des pseudo-besoins qui cachent le grand besoin de l’espèce humaine à l’ère planétaire : bien vivre dans l’autonomie et l’épanouissement du JE au sein du NOUS ».
Edgar Morin extrait de Impliquons-Nous. Dialogue pour le siècle. Edgar Morin, Michelangelo Pistoletto . Arles, Actes Sud, 2015
Dessin réalisé par les Ceméa de la Fédération Wallonie-Bruxelles