De 2011 à la fin 2015 en Suisse, la Confédération (au niveau national), les cantons (au niveau régional) et les communes ont mis au point le programme de prévention “Les jeunes et la violence”. Pour de plus amples détails, nous vous invitons à consulter le site www.giovanieviolenza.ch, disponible en trois langues (italien, français et allemand).
Ce programme, sous-divisé en trois rendez-vous nationaux, s’est déroulé dans chacune des régions linguistiques suisses (pour plus d’informations sur la Suisse, visitez www.admin.ch ou www.ch.ch).
Suite à ces congrès nationaux ont eu lieu des rencontres régionales.
Pour la Suisse italophone, la rencontre s’est tenue le 14 novembre à Manno, commune proche de Lugano. La journée était ouverte à tous, professionnels du secteur social aussi bien que personnes sans formation spécifique mais qui sont confrontées à des enfants et des jeunes.
La responsabilité de l’organisation a été confiée à deux institutions du territoire : la Conférence Tandem – Spicchi di Vacanza (que nous appellerons Tandem, www.tandem-ticino.ch) et le Département administration des affaires, de la santé et du social, et plus précisément à la Section travail social de l’Ecole universitaire professionnelle de la Suisse italienne (ou SUPSI, www.supsi.ch/deass).
Nous sommes impliqués dans cette dynamique en tant que Cemea, d’une part comme membre de Tandem, mais aussi personnellement en qualité de Président(e).
Le lecteur peut se demander pourquoi nous donnons ces détails d’organisation et c’est justement parce que ces facteurs ont créé une alchimie que la journée n’a pas suivi de manière servile les indications de ceux qui gèrent le programme “Les jeunes et la violence”.
Donc, se sont retrouvés autour d’une table pour réfléchir une institution chargée d’organiser, durant les vacances d’été, un planning d’évènements pour les enfants du canton de Ticino (Tandem), une École universitaire professionnelle qui s’occupe de la formation de base ou continue de travailleurs sociaux (SUPSI) et les Cemea des cantons de Ticino qui s’occupent de la formation informelle de diverses figures éducatives du territoire (consulter www.cemea.ch/ticino pour de plus amples informations).
Concrètement, c’est à trois institutions impliquées dans la promotion d’activités pour les jeunes, sur lesquels elles portent un regard positif, qu’il a été demandé d’organiser un événement qui a mis dans la même équation jeunes et violence.
Dès le début, le groupe de travail a ressenti le besoin de changer de point de vue, en souhaitant retirer du “pilori” le monde des jeunes, qui en soi n’est pas plus violent que celui des adultes. Au contraire, la différence est souvent dans le geste, moins “chirurgical” que celui d’un courtier financier qui d’un clic de souris décide de l’avenir d’une entreprise.
Donc, nous avons décidé de nous intéresser à ce qui se passe en amont du monde des jeunes, en nous demandant quel rôle peuvent aussi avoir les adultes dans leur façon de se positionner pour donner aux enfants et aux jeunes des instruments leur permettant d’affronter le conflit en évitant que l’exaspération ne les mène à la violence.
Ces deux éléments, l’équipe de travail et l’attention à ce qui se trouve en amont, ont déjà en soi quelque chose de novateur. Cela pourra sembler évident mais, quand on parle du binôme jeunes et violence, les personnes de référence qu’on interroge le plus souvent sont celles qui font généralement face à des jeunes posant problème.
Nous ne voulons pas ici sous-évaluer la situation ni nier qu’il y ait des jeunes ayant besoin d’aide qui hurlent leur mal-être en agissant de manière parfois féroce, loin de là ! Mais vous est-il jamais arrivé de participer à un groupe de travail dans lequel un responsable de colonie résidentielle explique l’importance d’utiliser de jeunes moniteurs et d’avoir autour de la même table un travailleur social (au sens large) qui décrit un projet de prévention secondaire ou tertiaire ? L’attention se focalise sur ce dernier et fait passer l’action dans la catégorie de l’évidence ou de la banalité. Chose que nous savons ne pas être, et tous deux avons le même droit de citoyenneté ! On courrait le risque de croire que l’action éducative n’a de valeur que lorsque nous sommes confrontés à des cas complexes, à connotation négative.
Pour en revenir à l’organisation de l’évènement, des réflexions préliminaires ressort comme trame de fond :
Le conflit est une ressource. Une communication efficace pour la gestion des conflits avec les enfants et les adolescents.
C’est Daniele Novara, pédagogue, consultant et formateur, fondateur du Centre psychopédagogique pour la paix et la gestion des conflits (www.cppp.it), qui a animé la formation.
L’évènement, comme vous l’aurez déjà remarqué s’est tenu après les attentats de Paris.
Ce facteur n’a pu que conditionner cet évènement. Daniele Novara nous a amenés à réfléchir sur les diverses formes à développer pour une communication non violente avec les enfants et les adolescents.
Je ne veux pas faire un résumé, qui ne serait pas exhaustif par rapport à ce qui a été exposé par le pédagogue (vous trouverez son intervention intégrale – en italien – sur le site internet de Tandem, dans la section évènements), mais j’aimerais vous soumettre une réflexion : le souhait des organisateurs de la journée était de discuter du mode de se positionner des participants, en imaginant des pistes où ce seraient les adultes qui modifieraient leur comportement afin de provoquer un changement.
Malheureusement cela n’a pas eu lieu, malgré des stimuli dans ce sens : les participants ont cherché uniquement des réponses excluant un changement de positionnement dans le monde des adultes.
Le contact avec la réalité, avec les évènements de Paris, a sûrement bloqué cette décentration. La question demeure toutefois ouverte et d’actualité.
En tant que Ceméa, je crois opportun d’être parmi les promoteurs de ce point de vue différent.
Comment ?
Sans doute aucun, en soutenant et en donnant droit de cité à ce que les jeunes produisent de positif. Par exemple, un jeune qui donne sa disponibilité pour devenir moniteur en colonie ne fait pas quelque chose de banal mais d’incroyablement significatif, aussi bien pour les enfants qu’il rencontrera que pour lui-même.
En outre, en donnant des chances réelles à ceux et celles qui ont rencontré des difficultés dans leur formation de base qui les ont par la suite fragilisés, on crée des conditions pour éviter le recours à l’illégalité.
Mais surtout, je crois que notre action doit réussir à remuer le monde des adultes, en allant pratiquer l’éducation active partout. Chez soi, dans les bars, sur les places, dans les centres de formation… en cherchant à instiller un point de vue différent, à l’écoute des besoins des personnes et non pas indifférent et maximaliste. Un travail long et sûrement onéreux que nous ne pouvons cependant pas, en tant que Ceméa, nous exempter d’affronter.
Paolo Bernasconi, Secrétaire général des Ceméa du Tessin.
Traduction par l’association “Traducteurs sans Frontières”
Texte original ici