Cette semaine, au Palais des Congrès, c’était « Eduspot » … « EduSpot France est le rendez-vous de l’ensemble des acteurs de l’e-éducation, de l’e-formation et de l’e-technologie, du Primaire, du Secondaire, du Supérieur, de la formation professionnelle et de la formation tout au long de la vie. C’est à la fois un lieu d’exposition de l’innovation et un temps d’échanges et de débats entre tous les acteurs de l’écosystème dont l’ambition est d’accompagner la transformation de la société par le numérique dans les apprentissages. » Ou bien, en regardant d’un autre angle…. « EduSpot : des entrepreneurs prêts à « se sacrifier pour le bien commun » ou comment la privatisation de l’école, avance à grand pas avec ces entreprises dont l’ambition est d’accompagner la transformation de la société par le numérique en se cachant derrière la pédagogie… »
Arrivé au palais des congrès, des hôtesses scannent mon badge et me remette un sac en tissu blanc couvert des logos des « silver partners » et empli de flyers de ces mêmes « partenaires de l’éducation ». Il y a aussi le programme de la journée ! A droite en entrant, je repère le logo du MEN. C’est l’espace des DANE, je ne sais pourquoi, ça rassure un peu. A gauche, la où ça grouille de monde, c’est un tout autre univers… Stands hauts en couleur, hôtesses souriantes, dépliants en papier glacé, écrans plats en pagaille, TNI, goodies en tout genre. Un vrai salon high tech quoi ! Sauf que… Sauf qu’il y a encore peu, dans ce genre d’endroit on nous vendait du matériel ou du logiciel, aujourd’hui, il est question de pédagogie et de ressources éducatives ! Ici on nous vente les mérites du « pack pédagogique qui répond à nos besoins » (orange), là « l’ENT pédagogique des écoles primaires » (ITOP), un peu plus loin on me propose de « découvrir une nouvelle façon d’enseigner et d’apprendre » (Microsoft) !
On connaissait la stratégie d’enfermement par le logiciel, elle s’installe désormais dans les services. A titre d’exemple, je n’y résiste pas, la mise à disposition « gratuite » de la plateforme « Office 365 » pour les établissements d’enseignement par Microsoft. (50 Go d’espace mails, skype, sharepoint, 1To par utilisateur sur OneDdrive, Project Online…). La suite Microsoft Office qu’on a refilé à 11€ aux enseignants ? Elle est comprise si l’établissement à souscrit à l’offre payante « Office bénéfit », sinon ? Bah sinon, pour les familles on a une offre d’abonnement à 99€/an…
Ce salon avait des airs de « cheval de Troie ». Par le numérique privateur et mercantile, subtilement, sous couvert de progrès technologique, on retire à l’enseignant le choix de sa démarche pédagogique, celui de pouvoir créer et partager avec qui il veut ses ressources. Et nous savons combien ce choix n’est pas neutre ! Il est plus qu’urgent (peut-être est-il déjà trop tard) de nous battre pour l’instauration d’une stratégie numérique publique, s’appuyant sur des solutions libres et gratuites « répondant aux réels besoins du terrain, ceux des pédagogies émancipatrices, pensées dans la durée, en rupture avec les attentes et les appétits dévorants du marché »1
Par Pascal Gascoin, Ceméa France
CF. article de christophe Cailleaux sur le blog de mediapart