Du 23 au 26 octobre s’est tenu la deuxième rencontre francophone sur la marchandisation et la privatisation de l’éducation à l’Institut de la Francophonie pour l’Éducation et la Formation à Dakar. Cet événement a réuni dans leur diversité 105 délégués issus de 25 pays dans l’objectif de trouver des réponses communes face à la croissance alarmante des acteurs privés dans le secteur éducatif. Partageant l’ambition de construire une éducation publique de qualité, capable d’agir pour que les personnes acquièrent la possibilité (en termes de compétences, de capacités, de désir et d’imaginaire) de se projeter dans la société et d’en définir ses évolutions, ces quatre jours se sont articulés autour de savoirs théoriques mais aussi à partir du travail de terrain.
Les deux premiers jours ont été l’occasion d’échanger sur les enjeux liés à la marchandisation de l’éducation. Lors de la cérémonie d’ouverture, hôtes, partenaires et organisateurs ont pris la parole pour exprimer leur point de vue sur ce phénomène grandissant. La philosophie du réseau francophone contre la marchandisation de l’éducation, qui regroupe les organisateurs de la rencontre, entend promouvoir l’éducation comme l’un des moteurs du développement de nos sociétés. Or, la plénière sur l’état des lieux de la privatisation et de la marchandisation de l’éducation a montré à quel point cette tendance risque de transformer en profondeur les systèmes éducatifs non seulement en termes de dégradation de la qualité des contenus pédagogiques mais aussi de renforcement des discriminations et inégalités. Des représentants étatiques (Belgique, Bénin, Burkina Faso, France, Haïti, Sénégal) et des organisations internationales (UNESCO, CONFEMEN) ont pu également partager leur expérience sur ces enjeux, ce qui a permis d’approfondir la connaissance des contextes variés dans lesquels elle opère.
Si chaque pays doit faire face à des problématiques bien spécifiques, la marchandisation de l’éducation requiert à la fois la nécessité d’une éducation publique forte et la régulation du secteur privé tout en posant la question des problèmes relatifs à la perte de cohésion sociale et enfin des conditions de recrutement, de travail et de formation des personnels éducatifs. Ces quatre enjeux ont fait l’objet d’ateliers tournants lors d’un après-midi afin de dégager les préoccupations puis les réponses liées à l’émergence d’une vision de l’éducation comme bien marchand.
En effet, face à ces dangereux développements, il est crucial de préciser le modèle de société que nous défendons ensemble et la place que l’éducation occupe aujourd’hui dans nos vies. Quel type d’éducation ? Quel avenir sociétal voulons-nous pour les générations à venir ? Quelles possibilités ouvrons-nous aux jeunes et adultes de demain ?
Ainsi la question de la marchandisation et de la privatisation de l’éducation est une question éminemment politique car elle interroge la manière dont nous souhaitons, en tant que citoyens et citoyennes, organiser et repenser nos sociétés. Assujettir la formation à l’emploi, placer l’éducation sur les logiques de marché, monnayer le champ des activités périscolaires revient à détourner l’éducation de son objectif principal. Outre les problèmes énoncés ci-dessus, la marchandisation et la privatisation de l’éducation ont été interrogées au travers de cinq autres thèmes lors des ateliers simultanés du mardi après-midi.
L’état des lieux sur la marchandisation de l’éducation ainsi que la mise en valeur de ses enjeux majeurs ont ouvert la discussion sur les Principes directeurs de droits de l’Homme relatifs aux obligations des Etats concernant les écoles privées. Dans le contexte de la rencontre – favorisant la synergie entre une diversité d’organisations -, la finalité de ces Principes n’a pas fait consensus auprès de l’ensemble des acteurs et actrices de la défense du droit à l’éducation. Suite à un débat aussi nécessaire qu’enrichissant, il est important de noter que ces Principes n’ont pas pour objectif de légitimer les acteurs privés par la reconnaissance de leur existence. Ils permettent plutôt de poser des bases empruntant aux cadres et recommandations légales pour réguler ces acteurs et servir d’outil juridique pour les organisations qui entendent mener un plaidoyer auprès de leurs États. Les participants ont été invités à commenter et exprimer leur opinion sur ces Principes Directeurs, en cours d’élaboration.
La dernière partie de la rencontre s’est construite autour de la stratégie du réseau, déclinée en quatre lignes directrices : gouvernance/structuration, recherche/études, communication/campagne et suite de l’appel francophone contre la marchandisation de l’éducation. Cet appel, socle commun de cette rencontre, a pour vocation d’alerter les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile, de les sensibiliser aux dangers inhérents au processus de marchandisation de l’éducation et de les engager à contrer ce phénomène.
Ces ateliers ont permis de définir les prochaines étapes du travail en réseau. Nous nous sommes engagés, à la suite de la réunion, à travailler ensemble, en synergie afin de bâtir un plan d’action complet pour le réseau francophone que nous constituons. Un élément important de ce plan comprendra l’approfondissement du travail de recherche sur la marchandisation de l’éducation.
Cette rencontre a ainsi mobilisé nos convictions, nos espoirs, mais aussi nos propositions pour constituer une force de résistance et de propositions car des solutions existent et nous ne pourrons réussir cela que si nous réaffirmons le rôle des Etats comme base essentielle des systèmes éducatifs et si ensemble, nous promouvons un système public fort d’éducation pour garantir la qualité de ce Droit.
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