Relever les défis de l’éducation dans un Sahel en crise

Avec le soutien de l’Agence Française de Développement (AFD), du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères et de Open Society Foundations.

A l’occasion de la sortie du rapport d’étude « Relever les défis de l’éducation dans un Sahel en crise », la Coalition Éducation (CE) a souhaité inviter les auteur.e.s de cette étude et expert.e.s du domaine de l’éducation à échelle internationale.

L’occasion pour les auteur.e.s de l’étude de présenter leurs travaux, les problèmes rencontrés lors de sa mise en œuvre et les différents éléments de conclusion. Le comité de pilotage de l’étude était composé de trois membres de la Coalition (Aide et Action, Plan International, Sgen-CFDT) et de son équipe salariée.

Cette conférence a été animée par Emmanuelle Bastide (journaliste RFI). Dans un premier temps, la conférence a débuté par une introduction de l’étude par Carole Coupez (Déléguée Générale Adjointe, cheffe de file de la Coalition Education). Carole Coupez rappelle que l’éducation de qualité est un droit, même en cas de conflit, (cf « Normes minimales d’éducation dans les situations d’urgence, INEE) et que la situation de l’éducation dans le région du G5 Sahel est une urgence. L’objectif de l’étude est d’identifier les approches efficaces sur le terrain en vue de renforcer la qualité des interventions éducatives dans la région. Elle vise également à nourrir le plaidoyer et les recommandations de la CE, notamment en amont du G7 en France, pour renforcer l’aide au développement et humanitaire française en matière d’éducation et le continuum urgence/ développement durable dans la région du Sahel.

Conférence d’ouverture, en présence de Jean Marc Chataigner (Ambassadeur envoyé spécial pour le Sahel), les co-auteures de l’étude : Julia Tran Thanh et Aurore Du Roi, et Jean Marc Gravellini (Coordinateur de l’Alliance Sahel).

Jean Marc Chataigner propose une synthèse du contexte politique et social des pays étudiés. Il rappelle que cette étude à été menée dans 5 pays de la région du Sahel : Mauritanie, Niger, Mali, Burkina Faso et Tchad. Ces pays sont actuellement touchés par une crise physique et alimentaire, ce qu’il définit par une « crise multidimensionnelle ». Chaque pays a ses propres facteurs, avec des effets propres à chaque structure économique et sociale du pays . Par exemple, au Niger, l’éducation des filles reste un défi majeur du pays.

Avec cette crise « multidimensionnelle », le secteur de l’éducation est gravement touché notamment avec la fermeture de plusieurs écoles. (800 fermetures d’écoles au Mali, 600 au Burkina Faso).

Aurore Du Roi prend la parole pour expliquer le souhait de mettre en place cette étude. Ce rapport d’étude répond à un appel d’offre lancé par Coalition Education. L’étude se concentre certes sur 5 pays du Sahel, mais il y a eu selon Aurore Du Roi, un intérêt à enquêter dans d’autres pays tels que le Sénégal.

Aurore Du Roi n’oublie pas de mentionner les limites de l’étude, en mentionnant des « biais de sélection » dus à une sélection empirique des organisations (pas de tirage aléatoire). Les biais concernant les enquêtes n’ont eux aussi pas pus être évités. Les co-auteures ont pu observer une part importante de l’éducation non formelle et préconisent un retour à un système d’éducation formelle .

Les co-auteures préconisent notamment un soutien à la petite enfance, une gestion des ressources humaines et une décentralisation accrue des administrations.

L’enjeu est de pouvoir innover sur des méthodes éducatives, renforcer le rôle de la société civile et favoriser les efforts de co constructions avec les communautés.

Enfin Jean Marc Gravellini (Coordinateur de l’Alliance Sahel) explique que les bailleurs ont un « besoin d’innovation » . Dans le même temps il est nécessaire que les base de données existantes soit exploitées pour permettre une meilleure coordination des acteurs et actrices. L’enjeu des crises est bien celle de la coordination, afin de rendre les actions de chacun.e efficaces et pertinentes.

Table Ronde 1 : Renforcer les interventions dans l’éducation en situations d’urgence au Sahel.

Pour Magagi Goube Barira du Plan International au Niger, l’enjeu central est la fermeture des écoles en temps de crise. Elle précise que dans le région de Difa, 144 000 enfants sont déscolarisés. Il est important que les écoles soient des lieux de sécurité pour les enfants, sans présence militaire. Il faut pouvoir repenser les emplois du temps mais les projets de court terme n’ont pas de réels impacts. Madame Barira rappelle aussi que la difficulté majeure à laquelle le Niger fait face est la scolarisation des filles. Deux filles sur dix seulement accèdent au collège.

Pour le coordonnateur du Collectif pour le développement de l’éducation du Tchad, Djimramadje Djimtibaye, le Tchad serait un « îlot de paix » par rapport aux autres pays mentionnés dans l’étude. Le défi majeur du pays est la gestion des migrations suite aux différents conflits de la région. Il est nécessaire de pouvoir allouer davantage de moyens pour l’éducation au Tchad afin de favoriser la scolarisation des enfants et l’apprentissage professionnel. Dans le même temps, D. Djimtibaye recommande davantage d’éducation à la citoyenneté.

Concernant la Mauritanie, Aminettou Mint Moctar, Présidente de l’Association des Femmes Chef.fes Famille en Mauritanie, le pays ferait face à des disparités importantes entre les communautés (berbères, arabes,haratins, peuls, wolofs…). Les difficultés d’accès à l’école sont souvent liées à l’origine ethnique ou sociale de l’individu. La Mauritanie est aussi confronté aux problèmes d’individus apatrides, sans état civil (13 000 enfants recensés par l’association dont 9 000 sont des filles). Les écoles sont vendues à des fins commerciales pour la construction de centres commerciaux favorisant l’aspect économique du pays, mais étant à l’origine de la disparition des écoles. Selon A. Mint Moctar il y aurait 261 écoles privées et 251 écoles publiques, avec des enseignant.e.s peu ou pas formé.e.s.

Un autre défi dans l’inégalité d’accès à l’éducation est celui des enfants handicapés, qui n’apparaissent pas dans les statistiques officielles puisque lors des recensements on ne demande pas si il y a des enfants handicapés au sein du ménage. Ces enfants n’ont que très peu de droits.

Enfin, la table ronde se termine par l’intervention de deux représentants de bailleurs de fonds, Graham Lang pour « Education cannot wait » et Tahinaharinoro Razafindramary pour le « Partenariat Mondial pour l’Education ».

« Education cannot wait » est un fonds d’urgence et de longue durée crée en 2016, encore en « phase d’apprentissage » selon G. Lang . Le fonds a investi au Tchad suite à la situation d’urgence liée aux conflits du Lac Tchad et une migration importante des différentes communautés. Ce fonds a pour mission de répondre aux situations d’urgence (exemple : Mozambique suite au cyclone Idai) mais souhaite à long terme, pouvoir répondre à une approche pluri-annuelle.

Le Partenariat Mondial pour l’Education (PME) estime que les fonds versés à la région du Sahel depuis 2004 s’élève à 500 millions de dollars (US), avec une requête en cours pour la région de 100 millions de dollars (US).

Le défi des bailleurs de fonds est actuellement de pouvoir coordonner les actions financées et menées sur place. Concernant les résultats du PME, T. Razafindramary explique que les résultats observés dans la région ne peuvent pas être seulement alloués au PME. Le PME est un ensemble de partenaires qui œuvrent ensemble, les résultats seraient donc communs. Concernant le Tchad, le PME aurait permis de construire 1600 écoles, des latrines, des points d’eau et des manuels (pour un financement de 82 millions de dollars (US)).

Table Ronde 2 : « Assurer la stabilisation et la durabilité de l’éducation en situation de crise au Sahel »

Moustapha Guitteye, secrétaire général du Syndicat National de l’éducation, présente la situation actuelle du Mali et fait référence à la fermeture des écoles suite aux conflits auxquels le pays fait face. Le Nord du Mali est confronté à une disparition de tous ses services sociaux. Ainsi, si le gouvernement souhaite que les populations reviennent vivre dans le Nord du pays, il faudrait envisager des primes pour les enseignant.e.s selon M ; Guitteye. Le gouvernement doit investir dans les services de base pour répondre aux objectifs de redynamisation du territoire.

Pour Pierre Sawadogo, Directeur du Bureau Afrique Subsaharienne, Solidarité Laïque, au Burkina Faso, l’enjeu est celui de l’éducation à la citoyenneté. Les élèves sont formés une semaine dans l’année, mais cette formation est selon lui insuffisante. Il faut réformer le système scolaire afin d’intégrer davantage les élèves dans la participation citoyenne.

Donatienne Hissard, Directrice adjointe de la Direction du Développement Durable (Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères) énonce que des rapports ont pu montrer que la coopération entre la France et la région du Sahel était efficace mais qu’il fallait faire « plus et mieux ». La région du Sahel subit une « crise des apprentissages ». La France va poursuivre son engagement dans le secteur de l’éducation, avec un « plan pour le français ». Selon certaines études, l’apprentissage en français aurait un effet positif sur le taux de scolarisation.

Enfin, la conférence se termine par l’intervention de Dr. Koumbou Boly Barry, rapporteur spécial des Nations Unies sur le Droit à l’éducation (ancienne ministre de l’éducation au Burkina Faso). Il est important de mettre en avant des « zones de dialogues » afin de réformer le système. Les partenaires privées doivent être un complément mais il nécessaire d’encadrer ces partenariats.

Conclusion

L’étude de ces 5 pays de la région du Sahel, suppose que malgrè certaines similitudes, les pays ont leurs propres structures et doivent donc ajuster leurs politiques en fonction de leur structure. Léa Rambaud, Responsable Plaidoyer et communication, Coalition Education a énoncé lors de la clôture, les recommandations de Coalition Education dans le secteur de l’éducation et la formation au Sahel.

Vous pouvez consulter le rapport d’étude et les recommandations de Coalition Education :ici

Rédigé par Morgane Peroche (Fédération Internationale des Céméa)

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