Essai de classification et quelques réflexions critiques sur la notion d’acteurs privés

FONDÉES SUR LES DROITS, DES RÉPONSES AUX DISPOSITIONS SUR L’ENSEIGNEMENT PRIVÉ

DAVID ARCHER – david.archer@actionaid.org

Le rôle du secteur privé dans l’éducation est devenu une question d’actualité internationale, et il a tendance à générer des déclarations généralisées et polarisées, plutôt que des débats nuancés.   Tenter de débattre du rôle des “acteurs non-étatiques” dans l’éducation accentue souvent le problème, car un très large éventail d’acteurs différents, de rôles et de contextes se trouvent « mis dans le même sac ». La réalité est plus complexe que bien des personnes (y compris moi-même) ne la font parfois paraître. Ceci n’est que ma modeste tentative d’essayer de ventiler le débat d’une manière concise, et de présenter quelques brèves réflexions sur la façon dont nous pourrions comprendre ces différentes situations et y répondre, à la fois de façon pratique et stratégique. La classification de dix types de dispositions non-étatiques présentée ci-dessous est loin d’être parfaite, (plusieurs catégories pourraient être subdivisées) mais j’espère que cela permettra de faire progresser le débat. Je n’ai pas la prétention d’être neutre. Je pars d’une ferme croyance en une perspective fondée sur les droits, et d’une conviction que l’éducation peut et doit être une puissante force égalisatrice dans la société.

  1. Les initiatives communautaires dans les zones rurales où L’État est absent

Il existe des contextes, comme au Pakistan par exemple, où les gouvernements n’ont pas réussi à étendre de façon adéquate les dispositions de l’enseignement public aux régions rurales éloignées, et parfois, ils ont établi leurs propres écoles dans des contextes individuels à l’intérieur des communautés rurales. Habituellement, ce sont les parents ou les enseignants locaux qui en prennent eux-mêmes l’initiative, et ils perçoivent des redevances modestes pour couvrir leurs frais. Plusieurs d’entre eux fonctionnent de façon indépendante, bien qu’ils se réunissent parfois dans les associations locales pour un soutien et un enseignement mutuel, et certains reçoivent un soutien des ONG ou de l’État, pour certains aspects de leurs opérations.

Une réponse immédiate ou pratique pourrait être de s’engager avec ces écoles pour veiller à ce qu’elles puissent répondre à des normes minimales raisonnables, par exemple en ce qui concerne la formation et les capacités des enseignants, l’ampleur de leur programme d’études, la mesure dans laquelle elles sont accessibles aux plus démunis, et leur sécurité (aussi bien à l’égard des risques que de la protection infantile). Il serait utile de permettre à l’école et aux parents de tisser des liens, de rechercher la reconnaissance du système gouvernemental (ce qui dans de nombreux cas sera de leur propre aspiration), ou de faire en sorte que le gouvernement provincial, national, ou du district investisse dans l’éducation publique dans la région. Il est également tout-à-fait raisonnable de soutenir les bureaux d’enseignement du district pour surveiller et inspecter ces écoles, afin de veiller à ce qu’elles soient conformes à la loi et répondent aux normes minimales, ce qui peut permettre de faciliter le chemin vers la reconnaissance.

Une réponse stratégique à plus long terme pourrait impliquer de faire campagne pour le déploiement de davantage d’enseignants dans les régions rurales, et des dispositions pour inciter les enseignants à travailler dans les régions les plus éloignées. Cela dépendra, en fin de compte, du fait qu’il puisse y avoir, de la part du gouvernement, davantage de financements pour l’éducation, et de la priorisation des financements vers les communautés rurales (pour veiller au respect des paramètres des Droits de la Personne). S’agissant du Pakistan, et en dépit d’une modification constitutionnelle en 2010 qui garantit l’éducation comme un droit fondamental, il est choquant de voir que le gouvernement ne consacre que 2,4% de son PIB à l’éducation, contre les 6% de critères de référence de bonnes pratiques (comme mentionné dans le Cadre d’Action 2015 de la Ville de Incheon). Un facteur-clé sera de soutenir les campagnes nationales de la société civile pour que les priorités budgétaires nationales concernent davantage l’éducation, et pour veiller à ce que le budget soit utilisé de manière responsable et transparente là où cela s’avère nécessaire. Ceci pourrait inclure le fait de considérer l’élargissement de la base de l’impôt national, et le report de cette part de dépenses sur l’éducation.

  1. Initiatives communautaires des régions urbaines marginales dans lesquelles l’Etat est absent

Une augmentation significative de fournisseurs privés de services d’éducation s’est produite dans plusieurs régions urbaines marginales, comme par exemple dans certains bidonvilles de Nairobi ou de Lagos. Dans de nombreux cas, très peu d’écoles gouvernementales se trouvent dans des colonies de squatteurs, ou dans certains bidonvilles mieux établis situés dans des terrains illégalement occupés. Ces écoles communautaires privées sont habituellement établies par des résidents locaux en réponse à la demande locale, et en l’absence, ou en raison du manque de réactivité de l’État.

La réponse immédiate ou pratique est de dresser une carte des enfants admissibles à l’école dans de tels contextes (y compris ceux non scolarisés) et de documenter la couverture par des fournisseurs privés, afin de pouvoir indiquer au gouvernement l’importance des besoins et de la demande. Il est également important d’identifier les pratiques et les innovations parmi les fournisseurs locaux ayant le mieux réussi à promouvoir les inscriptions, la rétention et la concrétisation. Dans le processus de recueillement des données, il faut inclure les conditions et les qualifications des enseignants ainsi que l’état de l’infrastructure, par exemple en indiquant si les normes minimales de sécurité sont satisfaites. Il y a eu trop d’histoires atroces d’écoles enfreignant le droit à une infrastructure sûre, qui ont provoqué la mort d’enfants dans des incendies ou des séismes. Dans ce contexte, il serait bon de rappeler aux services gouvernementaux leurs obligations de règlementer et surveiller l’infrastructure de toutes les écoles (aussi bien publiques que privées) pour veiller à ce qu’elles répondent à des normes minimales de sécurité.

La réponse stratégique la plus importante devrait être de soutenir les revendications locales des habitants des bidonvilles, que ce soit pour la reconnaissance légale des écoles lorsqu’elles répondent aux normes minimales, ou pour que le gouvernement assume la responsabilité de fournir l’éducation comme un service public, en ouvrant de nouvelles écoles. Le plus souvent, cela devra être lié à des combats plus importants pour la reconnaissance du bidonville dans son ensemble, car la plupart des gouvernements ne peuvent pas fournir légalement des services dans des lieux qu’ils ne reconnaissent pas comme établissements sur le plan légal. Cependant, des arrangements exceptionnels peuvent parfois être trouvés pour reconnaître des écoles, lorsqu’elles répondent à des normes minimales, en leur donnant un statut quasi-légal qui permette aux gouvernements d’affecter des enseignants formés et d’autres ressources, comme étapes vers leur intégration progressive dans le système éducatif national. Dans de nombreux cas, amener le gouvernement à assumer la responsabilité de fournir des écoles publiques et autres services élémentaires est le désir principal des habitants des bidonvilles, et lorsque cela se réalise, la demande d’écoles privées diminue ou disparait.

  1. Écoles Anglophones lorsque l’Anglais n’est pas enseigné dans les écoles publiques

Les parents désirent très souvent que leurs enfants reçoivent une éducation scolaire dans une langue différente de celle utilisée dans les écoles publiques. Par exemple, en Inde, dans certaines écoles publiques, les enfants reçoivent en premier lieu un enseignement dans leur langue maternelle (lorsque celle-ci est une langue reconnue), puis dans leur langue régionale officielle ou dans la langue de l’Etat ; ils peuvent ensuite progressivement s’orienter vers l’Hindi et l’Anglais, ce qui implique 4 alphabets différents. De plus en plus de parents, y compris ceux de milieux modestes, considèrent l’Anglais comme “la langue du pouvoir”, la langue d’un statut élevé et le meilleur passeport vers l’emploi pour leurs enfants. Ceci a conduit à une très importante augmentation des frais d’inscription dans les écoles anglophones.

Une réponse immédiate / pratique à ce phénomène est de veiller à ce que soit mis en place une règlementation raisonnable pour éviter que les parents ne se fassent pas escroquer. Certaines écoles anglophones sont d’une qualité médiocre révoltante, avec des enseignants sans formation, qui parlent eux-mêmes un Anglais très limité. Les enfants peuvent en fait avoir bien du mal à apprendre les bases s’ils sont confrontés à un enseignant qu’ils ne comprennent pas. Un important travail de sensibilisation doit être fait avec les parents, pour qu’il soit clair que les enfants apprendront mieux les bases de lecture et d’écriture dans leur propre langue maternelle, et qu’ils auront du mal à apprendre dans une langue qu’ils ne parlent pas. Renforcer le bilinguisme / multilinguisme et l’enseignement de l’Anglais dans les écoles publiques peut aussi être une bonne solution.

Une réponse stratégique à ces questions est plus complexe, car il y a des implications qui vont bien au-delà du système éducatif, avec, au fil du temps, des répercussions sur la culture et l’identité nationales. Par exemple, si toutes les écoles d’un pays diversifié sur le plan linguistique devaient s’orienter vers un enseignement en Anglais, cela aurait de graves répercussions, qui pourraient conduire à ce qu’un nombre impressionnant d’enfants quittent l’école, car apprendre dans une langue que vous ne connaissez pas est très ardu. Cela conduirait également à l’extinction d’autres langues au fil des décennies suivantes, ce qui provoquerait une perte considérable de diversité culturelle. Les politiques concernant les langues sont des questions pouvant être débattues dans vaste dialogue national. Cela justifie une recherche et une mobilisation pour sensibiliser les systèmes éducatifs sur la valeur d’un bilinguisme / multilinguisme progressif, pour passer plus efficacement, par des étapes appropriées, de la langue maternelle de l’élève à d’autre langues. A l’égard des droits de la personne, c’est une étape importante vers des écoles adaptables et acceptables

  1. Ecoles communautaires à l’initiative des ONG / des centres ENF / écoles philantropiques

De nombreuses ONG ainsi que des donateurs à vocation philantropique ont établi et dirigent leurs propres centre d’éducation non formelle ou écoles communautaires, parfois avec leurs propres ressources, et parfois en tant que sous-traitant, pour la livraison des projets de donateurs, comme par exemple de l’USAID. Ces centres ciblent le plus souvent les communautés les plus défavorisées et les plus exclues ; ils sont gratuits sur le lieu d’utilisation et peuvent proposer un éventail d’innovations pour que l’enseignement soit davantage centré sur l’enfant, et pertinent / adaptable aux besoins de communautés spécifiques. L’éventail est large dans cette catégorie, et comprend en particulier les simples centres ENF dans des huttes à toit de chaume, qui se concentrent sur l’apprentissage des bases, et les centres ENF plus ambitieux qui ressemblent davantage à une école primaire complète. Il existe également des écoles qui peuvent cibler certaines populations (les minorités ethniques ou les Dalits, ou encore les communautés des régions d’élevage).

L’engagement immédiat le plus important avec les centres ENF est d’encourager leur compatibilité progressive aux normes et standards nationaux, et de développer des plans de durabilité spécifiquement pour eux. Étant donné que les ONG ont tendance à avoir une présence à court ou moyen terme, de sérieuses questions se posent sur la façon de poursuivre les efforts sur le long terme (le manque profond de durabilité a été la raison principale pour laquelle ActionAid a cessé de soutenir de telles écoles dans les années 1990.) De nombreux centres ENF finissent par reconnaître le besoin d’intégration dans le système publique, et il importe de jeter les bases au départ pour cela, par des relations constructives et en veillant à la compatibilité / la convergence avec les normes fondamentales du gouvernement pour faciliter cette intégration. Ceci est également vrai pour des fournisseurs à grande échelle, tels que BRAC au Bangladesh (qui, à un certain moment, dirigeait 35.000 centres ENF à chambre pour 1 personne, même si cela couvrait moins de 8% des enfants bangladeshi), la durabilité sur le long terme dépend du fait d’établir une connexion avec le système publique plutôt que de le supplanter. S’agissant des centres ENF plus petits, une option consiste à voir de quelle manière ils peuvent être reconnus “satellites”, connectés à une école primaire ciblée qui les soutienne.

Une réponse stratégique à cela est de voir comment apporter au système d’éducation publique les innovations de l’éducation non formelle, de manière à ce que les écoles publiques soient plus flexibles et plus adaptées. Lorsqu’il y a des innovations, la difficulté est de les incorporer dans un système plus large plutôt que de les garder dans de petits ilôts. Ceci est particulièrement vrai lorsque les centres ENF sont fondés sur une pédagogie innovante spécifique (par ex : Montessori ou Steiner) ou lorsque les écoles répondent aux besoins de communautés particulières (par ex : pour des travailleurs migrants ou des populations autochtones), car ils peuvent avoir beaucoup à offrir aux systèmes d’éducation publique, en les aidant à devenir plus adaptables. Néanmoins, il importe également de soutenir le gouvernement pour mettre en place une règlementation applicable pour tous les centres ENF / les écoles communautaires, afin d’éviter les abus et d’encourager une meilleure planification.

  1. Ecoles inclusives / spéciales pour les enfants ayant des handicaps

Les enfants qui présentent des handicaps demeurent souvent exclus de la plupart des écoles ordinaires, et des arguments particuliers doivent être soutenus pour des dispositions spéciales ou innovantes, comme étapes vers l’élaboration d’une vision plus complète d’un système d’éducation inclusive. De nombreuses ONG focalisées sur le handicap (parfois en partenariat corporatif), soutiennent les écoles qui offrent des solutions innovantes aux problèmes de l’éducation inclusive.  Cela peut aider à développer de bonnes pratiques, en informant et en influençant les décideurs politiques et les écoles ordinaires.

Etant donné l’importance de l’exclusion d’enfants présentant un handicap, soutenir de telles innovations peut être une réponse immédiate et pratique. Pour optimiser ceci, les innovations doivent avoir un coût réduit (pour faciliter la répétition), être soigneusement documentées et connectées autant que possible aux écoles publiques / aux systèmes pour favoriser l’intégration. Des questions particulières sur la protection infantile méritent une attention spéciale, car les enfants qui présentent un handicap sont davantage exposés aux violations des droits de la personne ; par conséquent, former et sensibiliser les enseignants, les personnes en charge de ces enfants et la collectivité plus large devra être une priorité. Dresser une carte de l’importance des besoins peut être également une intervention importante, car cela est souvent dissimulé ou mal compris. Les données ventilées sur l’éventail des handicaps et ce qu’il faut faire pour veiller à ce que les écoles soient réellement accessibles, disponibles, acceptables et adaptables, peuvent être transformatrices.

La réponse stratégique se trouve dans l’intégration des innovations, influençant la réforme et les pratiques de la politique nationale, pour veiller à ce que toutes les écoles soient complètement inclusives. La Convention de 2006 des Nations Unies sur les Droits des Personnes Handicapées (CDPH) a été une étape importante à cet égard. Le CDPH a établi l’éducation inclusive comme le mécanisme essentiel pour donner aux enfants handicapés le droit à l’éducation. Financer les droits à l’éducation de certains des groupes les plus défavorisés ne devrait pas dépendre des ONG ou des associations. Une attention particulière devrait être apportée pour remettre en question la norme des modèles de financement de l’école, fondée sur les critères de répartition par habitant, en tenant compte du fait que l’intégration effective des enfants handicapés coutera plus cher par habitant.  Un financement équitable de l’éducation signifie dépenser plus par personne pour des enfants qui nécessitent un soutien plus important pour protéger leurs droits en pratique.

  1. Écoles confessionnelles

La plupart des systèmes d’éducation ont des fournisseurs divers, et les organismes confessionnels (églises, mosquées ou temples) sont souvent significatifs. Dans de nombreux cas, les organismes confessionnels ont commencé à pourvoir aux besoins des écoles en dehors du système publique (souvent à des périodes antérieures à l’éducation publique de masse) ; ils se sont progressivement intégrés, avec des enseignants et du matériel payé par l’Etat, et une convergence pour l’utilisation des programmes scolaires, des manuels et des examens nationaux, mais en conservant spécifiquement la gestion des écoles dans la communauté confessionnelle. Dans la majorité des cas, les écoles confessionnelles sont gratuites lorsque les cours sont dispensés sur place (conformément aux normes nationales à cet égard). La plupart des questions sur la façon d’équilibrer indépendance et intégration ont été résolues au fil du temps, et cela peut en fait servir d’exemple pour l’intégration d’autres fournisseurs dans un système d’éducation publique cohérent.

Dans de nombreux cas, un engagement pratique avec ces écoles ne diffère pas d’un engagement avec n’importe quelle autre école publique. Cela peut cependant varier, et il convient d’apporter une attention particulière au droit de non-discrimination, car, sur certains points, les écoles confessionnelles ont d’emblée tendance à être discriminatoire (à favoriser leur propre croyance). Dans certains contextes, il peut s’avérer nécessaire de veiller à ce que les écoles confessionnelles soient accessibles à tous les enfants, en particulier s’il n’y a pas d’autre fournisseur digne de confiance sur les lieux. Veiller à ce que toutes les écoles confessionnelles encouragent la tolérance envers d’autres croyances peut également être important, et il devrait y avoir des directives claires contre tout prosélytisme. Veiller à ce que les écoles enseignent le programme scolaire national complet peut s’avérer difficile lorsque les écoles confessionnelles ont commencé avec une focalisation plus réduite (par exemple, les écoles coraniques ou les écoles religieuses intégristes, qui priorisent le créationnisme plutôt que la science.

A un niveau stratégique, il importe de travailler vers des politiques nationales claires pour définir les normes et règlements des écoles confessionnelles, pour veiller à ce que tout groupe confessionnel significatif dans le pays soit traité de façon égalitaire, et que chaque école respecte les normes relatives aux droits humains. Il peut être utile de stimuler un débat national et un consensus politique sur la manière d’aborder le droit à la non-discrimination dans le contexte des écoles confessionnelles: quelles normes doivent être établies si les écoles confessionnelles sont reconnues et reçoivent un financement public. Des efforts particuliers peuvent s’avérer nécessaires pour veiller à ce qu’un service de surveillance suffisant soit mise en place pour éviter que l’intégrisme religieux

soit encouragé dans les écoles ou que des méthodes utilisés violent les droits de l’enfant.

  1. Les écoles privées « low-cost » à but lucratif

Les chaînes commerciales d’écoles privées « low-cost » à but lucratif représentent un phénomène relativement nouveau. On peut citer par exemple l’entreprise « Bridge International Academies » (installée au Kenya et en Ouganda, et en pleine expansion) et l’entreprise « Omega » (au Ghana). Ces entreprises font payer des frais d’inscription modestes, mais pas nécessairement abordables (aux alentours de 10$ à 20$ par mois). Généralement, elles font des bénéfices en recrutant des enseignants sans formation (payés peut-être au tiers d’un salaire de professeur) et en utilisant des processus standardisés (par exemple des cours pré-rédigés). Elles prétendent étendre l’accès à l’éducation, bien que la plupart recrutent des enfants auparavant scolarisés dans des écoles publiques, et améliorer l’apprentissage, bien que qu’il ait été prouvé que cela reste marginal si l’on prend en compte le statut socio-économique.

Une réponse immédiate / pratique à ce phénomène serait de s’assurer que ces écoles respectent la règlementation et les standards gouvernementaux existants (par exemple sur la formation des enseignants), dans la mesure où elles échappent parfois au travail d’inspection des académies locales et ne sont pas surveillées. Il pourrait aussi être important d’exiger de nouvelles lois et de nouvelles politiques qui viendraient réguler ce nouveau phénomène de manière efficace. Cela permettrait d’éviter les abus de la part d’entreprises plus intéressées par leurs bénéfices que par l’éducation qu’elles dispensent. Il peut être légitime de demander un gel du développement de ces entreprises jusqu’à ce que la règlementation soit complètement en place (comme cela s’est produit au Kenya en 2015 avec les écoles « Bridge »). Une autre démarche utile serait de faire un rapport sur le nombre d’inscriptions dans ces écoles, en observant attentivement l’impact en termes d’équité : ces écoles sont-elles à la portée des plus pauvres / des filles / des enfants jusqu’alors non-scolarisés ? Certaines indications suggèrent que ce n’est pas le cas. Il faudrait également étudier l’impact sur les écoles publiques avoisinantes : est-ce que les élèves les plus riches et les plus doués partent vers ces écoles privées, ce qui aurait un impact négatif sur ceux qui continuent de fréquenter des écoles publiques sous-financées, comme le suggèrent certains éléments actuellement. Il pourrait aussi être intéressant de cartographier la répartition géographique des chaînes commerciales à but lucratif, dans la mesure où elles ont tendance à s’établir davantage dans des régions urbaines, péri-urbaines ou dans des zones rurales accessibles, plutôt que de se mettre à la portée des communautés plus en retrait. En fait, ces entreprises contribuent rarement à étendre l’accès à l’éducation, bien que ce soit souvent ce qu’elles affirment dans leur rhétorique.

Une réponse stratégique à ces écoles privées « low-cost » à but lucratif peut se présenter sous plusieurs formes. Dans certains contextes, il pourrait être approprié d’exiger une loi nationale pour empêcher la réalisation de profits sur l’éducation de base. Cela ne veut pas dire qu’il faut rendre ces institutions privées hors-la-loi, mais qu’il faut insister pour que ces écoles privées reposent sur une base non lucrative, comme c’est la norme dans de nombreux pays. Dans d’autres contextes, une approche plus modeste consistera à réclamer un arrêt de toutes les subventions de l’État (comme les allégements fiscaux) envers toutes les institutions à but lucratif, dans la mesure où il n’y a aucun sens à utiliser l’argent public pour subventionner des bénéfices privés. Dans tous les cas, il sera important de soutenir une série de règlementations compréhensibles pour cadrer les institutions à but lucratif (notamment en s’assurant qu’elles respectent les standards des droits de l’homme). Pour que cela fonctionne, il faudra avoir la capacité de contrôler et de faire appliquer de telles règlementations. Lorsqu’il est peu probable que le gouvernement fasse cette démarche, il est peut-être préférable d’exiger que les institutions à but lucratif soient mises hors-la-loi, à cause des dangers inhérents à l’introduction de motivations lucratives dans les systèmes éducatifs. Et bien sûr, il est nécessaire de s’assurer que si une telle interdiction est mise en place, elle soit contrôlée et appliquée.

  1. Les écoles privées pour les classes moyennes et supérieures

Depuis longtemps, dans presque tous les pays, il est avéré que les membres d’une élite aisée envoient leurs enfants dans des écoles privées élitistes en contrepartie de frais élevés. Ce sont souvent des internats, et une fois les enfants diplômés, ils seront ensuite souvent encouragés à aller dans des universités étrangères à des coûts élevés. Désormais, de plus en plus d’écoles privées de moyen-rang visent les parents de la classe moyenne, attirant souvent les enfants dont les parents sont des hommes politiques, des employés du gouvernement, des employés d’ONG ou des professionnels du secteur privé. Le fait que des employés du secteur public, y compris certains enseignants, veuillent envoyer leurs propres enfants dans des écoles privées est tristement révélateur de l’état des écoles publiques. Cette réalité peut générer un sentiment de malaise chez les employés des ONG, lorsqu’ils plaident en faveur de l’éducation publique. Par conséquent, la pression pour réformer l’éducation publique se fait moindre, puisque ceux qui auraient été les mieux placés pour engager la responsabilité du système public se sont désengagés.

Une réponse immédiate à cette problématique est d’engager un débat public actif avec la classe moyenne sur le rôle de l’éducation publique, ainsi que sur les défis que soulèvent la dépendance croissante des classes moyennes envers les institutions privées. Beaucoup de personnes ont le sentiment d’être exploitées par les frais de plus en plus élevés des écoles privées, qui s’envolent souvent très rapidement, jusqu’à devenir inabordables. Il peut être utile de faire un rapport sur ces tendances. Un sentiment d’amertume peut également surgir parmi la classe moyenne, lorsqu’elle doit payer des d’impôts significatifs sans pour autant bénéficier d’un système éducatif public digne de ce nom. La plupart du temps, il est clair que la meilleure manière de mettre un frein à l’explosion des coûts dans les écoles privées est de s’assurer d’une meilleure qualité des écoles publiques (pour offrir une alternative). Vous pouvez être sûr qu’en l’absence d’une telle amélioration, il n’y aura plus de limite à l’accroissement des frais de scolarité dans les écoles privées. Il faut également bien analyser les données sur les résultats scolaires obtenus dans les écoles privées, en les mettant en contexte avec les milieux socio-économiques dont proviennent les enfants inscrits. Il n’est pas rare de constater qu’un élève de classe moyenne encouragé par ses parents aurait d’aussi bons résultats dans une école publique. Un débat éclairé et critique avec les classes moyennes les incitera souvent à exiger qu’on investisse davantage dans un système éducatif public réformé. Ils percevront cela comme servant à la fois leur intérêt personnel et un objectif altruiste.

Une réponse stratégique aux écoles privées ayant des frais moyens ou élevés peut se présenter sous plusieurs formes. Une option réside dans la réservation d’un pourcentage de places gratuites ou largement subventionnées pour les groupes les plus défavorisés, dans toutes les écoles privées (comme c’est le cas en Inde). Mais cette solution requière un contrôle et une mise en application stricts pour éviter les abus. Une autre option consiste à plaider en faveur d’une loi exigeant que tous les hommes politiques et les employés de la fonction publique envoient leurs propres enfants dans les écoles publiques, ou bien de réserver les emplois de la fonction publique à ceux qui ont été scolarisés dans le système éducatif public. De telles actions peuvent rapidement donner plus de poids aux revendications en faveur d’une meilleure qualité de l’éducation publique. Une action stratégique plus modeste consiste à s’assurer qu’aucune sorte de subvention publique ne soit versée aux écoles privées élitistes, y compris en supprimant les allégements fiscaux qui agissent réellement comme des subventions significatives. Dans certains contextes, le fait d’exiger des accords de coopérations entre les écoles privées élitistes et les écoles publiques locales est une manière de s’assurer que les équipements, les ressources et les innovations sont partagés. Toutes ces interventions doivent avoir pour objectif de travailler en faveur d’une éducation pour tous plus juste, plus équitable et de meilleure qualité.

  1. Les cours particuliers

Le phénomène en plein expansion des cours particuliers est impossible à éviter. Dans certains pays, la pratique est désormais très répandue. Les cours particuliers peuvent avoir lieu le week-end, ou avant ou après l’école. Ils peuvent avoir lieu soit dans un endroit différent, soit dans la même école et la même salle où l’élève a eu classe pendant la journée. Ces cours peuvent être donnés par un tuteur privé spécialisé, ou par le professeur habituel de l’enfant, si celui-ci donne des cours supplémentaires rémunérés après l’école. Cela avantage donc les parents qui ont les moyens de payer, ce qui tend à exacerber les inégalités. Les conséquences sont particulièrement alarmantes lorsqu’il s’agit du même enseignant dans la même salle de classe. En effet, dans cette situation, l’enseignant peut être tenté de « sous-performer » la journée afin de créer une plus grande demande envers ses cours particuliers. Cela sous-entend de manière peu subtile que si votre enfant veut avoir de bonnes notes, vous devez payer pour des cours supplémentaires. Ce phénomène devient particulièrement marqué lorsque les enseignants sont si mal payés qu’ils ne peuvent pas survivre sans revenus supplémentaires. Il est important de ne pas confondre ces cours particuliers payants avec le soutien scolaire gratuit offert après l’école pour les enfants en difficulté (dans ce cas, l’État doit alors correctement rémunérer les enseignants).

Une réponse pratique / immédiate serait de sensibiliser les parents et les comités de gestion scolaire et de mieux surveiller les écoles, afin d’éviter les pires abus (quand les enseignants sous-performent de manière volontaire pour créer de la demande). Ainsi, on s’assurerait que tous les enfants reçoivent une éducation de bon standard qui couvre l’ensemble du programme scolaire. Les syndicats d’enseignants peuvent également se montrer des alliés proactifs en la matière, notamment lorsqu’ils luttent pour que les enseignants n’offrent pas de cours particuliers à leurs propres élèves ou pour que les écoles ne forcent pas les enseignants à faire des heures supplémentaires. Une vigilance pourrait être nécessaire pour éviter les tricheries en faveur de ceux qui achètent des cours particuliers (par exemple, si un enseignant dévoile les questions d’un futur examen). Une alternative est de s’assurer que les enfants les plus pauvres ne soient pas exclus, en exigeant que des places gratuites leur soient réservées dans les cours particuliers donnés après l’école.

Une réponse stratégique impliquerait l’introduction de lois ou de règlementations empêchant les enseignants du service public d’offrir des cours particuliers à leurs propres élèves. Dans certains cas, la réponse stratégique logique serait de plaider en faveur d’une augmentation des salaires des enseignants, afin que tous les enseignants perçoivent un salaire suffisant, ce qui effacerait le besoin (si ce n’est le désir) de prendre un travail en plus. L’État a tout intérêt à contrôler la taille et la forme de ce secteur, au moins pour s’assurer que tous les tuteurs privés déclarent bien leurs revenus aux impôts. Ainsi, ce secteur en plein essor aura au moins le mérite d’augmenter le revenu public. Certains gouvernements pourraient se pencher sur une interdiction des cours particuliers (sauf dans les cas exceptionnels, par exemple quand cela concerne les élèves en difficulté). L’argument en faveur d’une telle mesure est que ce système accentue les inégalités ou remet en cause la société de la méritocratie. Cependant, dans la plupart des contextes, il est peu probable que le gouvernement aille jusque-là. La véritable alternative est alors d’investir pour faire en sorte que le système éducatif principal soit de suffisamment bonne qualité pour que la demande excessive ou la dépendance envers les cours particuliers diminue.

  1. Les modèles de « chèque éducation » qui donnent le choix aux parents

Certains gouvernements, arguant que les parents devraient pouvoir choisir dans quelles écoles ils envoient leurs enfants, ont mis en place des systèmes de « chèque éducation », pour que l’argent suive l’enfant (via ses parents), au lieu de donner cet argent à l’école. L’objectif est de stimuler la concurrence par le choix et la diversité des institutions, pour inciter les bonnes écoles à se développer et forcer les mauvaises écoles à fermer. Dans la plupart des cas, ce modèle, plutôt que de représenter une réalité, semble avoir davantage créé l’illusion d’un choix. Et pour cause, c’est avant tout un choix exceptionnel : ce n’est pas bon pour les enfants de changer tout le temps d’école. Par ailleurs, cela a eu un impact inquiétant sur l’équité (par exemple au Chili). Pouvoir choisir son école semble être une bonne idée en théorie, mais dans la pratique, les meilleures écoles reçoivent trop d’inscriptions et finissent par devoir choisir les enfants / parents qu’elles vont accepter. Les parents de la classe moyenne apprennent généralement à manier le système et les parents les plus pauvres en ressortent perdants. Au final, les parents aisés qui choisissent d’envoyer leurs enfants dans des écoles payantes très chères voient une partie de leurs frais couverts, ce qui est une manière contestable d’utiliser l’argent public.

Lorsque le modèle du « chèque éducation » est en place, une réponse pratique serait d’aider les parents les plus pauvres à mieux comprendre le système, en espérant qu’ils puissent le faire pencher en leur faveur. En pratique, il est peu probable que cela fonctionne. C’est pourquoi il sera important de faire un rapport sur l’impact de ce modèle sur l’équité, en montrant comment les parents / enfants les plus riches bénéficient d’une manière disproportionnée d’un tel système, et comment les parents les plus pauvres finissent par devoir envoyer leurs enfants dans les moins bonnes écoles. Il est également important d’assurer une totale transparence de toutes les institutions concernant le respect des standards minimums / des obligations liées aux droits de l’homme. Par ailleurs, il convient d’enquêter sur tous les cas affichant des signes évidents de discrimination.

Une réponse stratégique serait de rassembler des preuves démontrant les conséquences accidentelles de ce modèle sur l’équité, et de réclamer l’arrêt du chèque éducation (comme cela a été le cas au Chili lorsque l’impact sur l’inégalité croissante au sein du système éducatif a été clairement démontré). Des recherches utiles sur le coût global du modèle peuvent également être menées pour s’assurer que cela ne coûte finalement pas plus cher au gouvernement sur le moyen terme. Il est précieux de s’assurer que le débat national sur l’éducation se concentre sur la qualité de l’éducation plutôt que sur la diversité des choix ou la concurrence (qui sont parfois présentés comme des buts en soi). Donner le choix entre plusieurs institutions de mauvaise qualité n’est pas une solution. Le rôle de l’État est d’offrir une éducation gratuite de bonne qualité pour tous et non pas de donner le droit de choisir.

  1. Les partenariats public-privé

Le terme générique de PPP recouvre une large série de notions, si bien qu’il en devient dérisoire. Presque tous les systèmes éducatifs, d’une manière ou d’une autre, impliquent un PPP. Désormais, les manuels scolaires utilisés dans les écoles tendent à être fabriqués par des éditeurs privés, et les commissions d’examens sont généralement tenues par des entreprises privées. La construction des écoles est parfois externalisée, et le mobilier et les équipements proviennent d’un large éventail d’entreprises privées. Parfois, même la formation des enseignants ou le développement professionnel sont externalisés (ce qui peut devenir plus problématique). Les écoles privées sous contrat aux États-Unis et les académies au Royaume-Uni sont des écoles gérées par des acteurs privés. Les auto-proclamées « écoles libres » (en Suède et au Royaume-Uni) vont encore plus loin. Elles reçoivent des fonds de l’État, mais sont dispensées de toute supervision de la part des autorités locales, et ont le droit de recruter des enseignants sans formation.

Chacune de ces situations justifie une réponse immédiate et stratégique différente, mais il existe des éléments communs. Toute situation de monopole impliquant une seule entreprise comme fournisseur unique devrait être vivement découragée, en appliquant éventuellement une limite sur le pourcentage maximum de biens ou de services qu’une entreprise peut fournir. Cela va dans le sens de la diversité et du maintien de la concurrence. La publicité ou la mise en avant excessive d’une marque par une entreprise au sein des écoles devrait être vivement découragée, voire rendue illégale, dans la mesure où les enfants peuvent être particulièrement vulnérables à la manipulation. Toute institution privée devrait être rendue pleinement consciente de ses obligations envers les droits de l’homme en lien avec l’éducation, et s’engager à les respecter, les protéger et les accomplir (en n’oubliant pas le droit d’avoir un enseignant correctement formé, comme c’est stipulé dans la Convention relative aux droits de l’enfant, observation générale n°1). Toutes les activités provenant des institutions privées doivent pouvoir être régulées de manière suffisamment forte. Le gouvernement devrait toujours avoir le droit de mettre fin aux contrats / de supprimer toute institution privée qui violerait ces termes de base. Tous les contrats devraient être ouverts à une révision périodique et à des processus transparents lors du renouvellement. Il est important que le gouvernement calcule régulièrement le coût total des PPP et leur impact sur la réalisation progressive de toutes les dimensions du droit à l’éducation.

  1. Réflexions finales

La plupart des systèmes éducatifs sont diversifiés, de multiples acteurs et institutions étant représentés, qu’ils viennent du gouvernement, des ONG, d’organisations philanthropiques, d’institutions religieuses ou du secteur privé. L’État a l’obligation de garantir le droit à l’éducation à travers toutes ces institutions, afin d’assurer que le droit à l’éducation de chaque enfant soit respecté, protégé et accompli. Bien qu’il soit important de rester tolérant envers un système diversifié, il est également crucial de mettre en place des standards clairs pour toutes les institutions, et d’être capable de contrôler de manière crédible le respect de ces standards.

Ces standards doivent être en harmonie avec les engagements fondamentaux des droits de l’homme, comme le droit à une éducation gratuite, à l’absence de discrimination, à des infrastructures convenables, à des enseignants de qualité qui ont reçu une formation, à un environnement sûr et non-violent, à une éducation adaptée basée sur un programme scolaire consistant, et à des écoles transparentes et responsables (voir « Promoting Rights in Schools », (« Promouvoir le droit dans les écoles »), pour élaborer sur ces sujets). Il faut être conscient des limites et des compromis. Il sera parfois plus rentable et plus efficace que l’État propose lui-même une école plutôt qu’il investisse dans un lourd cadre de règlementations et de mises en application pour contrôler l’adéquation des institutions externes.

Il est possible que certains États affichent des positions de principe fortes contre les personnes ou les entreprises qui réalisent des bénéfices sur l’éducation de base (comme c’est le cas, de différentes manières, dans des pays aussi variés que la Chine, l’Equateur et l’Australie), tout en mettant un point d’honneur à ce que toutes les institutions soient à but non-lucratif. Cependant, le terme de « non-lucratif » doit lui-aussi être défini avec précaution, car il peut couvrir des situations très élitistes et abusives. Une alternative est de faire passer des lois pour empêcher l’argent public de subventionner (de manière directe ou indirecte) des institutions à but lucratif, en particulier dans les États qui peinent à financer l’éducation publique. D’autres États peuvent aller plus loin et insister pour que toute l’éducation soit gratuite sur son lieu d’utilisation, ou au moins que tous les enfants aient un bon accès (à une distance raisonnable de leur maison) à une école de bonne qualité et réellement gratuite sur son lieu d’utilisation.

S’il y a une chose dont il faut se méfier, ce sont les arguments qui suggèrent que les systèmes éducatifs publiques sont voués à l’échec, qu’ils font partie du « passé » et que les institutions compétitives privées représentent le futur, qu’on le veuille ou non. Tous les pays qui ont réussi à généraliser l’accès à l’éducation l’ont fait grâce à des actions fortes et coordonnées de la part du gouvernement, et à un investissement constant dans un système éducatif largement dominé par le public. Oui, dans de nombreux pays, les systèmes éducatifs publics sont en crise, mais cela est souvent lié à des années de sous-financement chronique, que ce soit en raison d’impôts très faibles (faibles ratios impôts/PIB), d’une distribution inadéquate du budget national dans l’éducation (le benchmark de 20% du budget national devrait être un minimum pour les pays à faible revenu), d’une mauvaise répartition du budget (par exemple en favorisant l’enseignement supérieur au détriment de l’éducation de base), ou d’une mauvaise utilisation du budget (due à la corruption / au manque de transparence / à de faibles capacités institutionnelles). Toutes ces questions peuvent et doivent être abordées pour que la population ait à nouveau confiance en le rôle du secteur public dans l’éducation. Même si l’on doit reconnaître qu’aucun système éducatif national ne peut reposer uniquement sur des écoles publiques, un système basé en majeure partie sur des institutions publiques est probablement la meilleure option pour un plein accomplissement du droit à l’éducation. Les institutions non-gouvernementales peuvent compléter mais ne doivent pas remplacer le rôle de l’État.

Les obligations envers les droits de l’homme qui incombent aux États ne doivent pas disparaître lorsque d’autres institutions pourvoyant une éducation de base interviennent. C’est l’État qui a la responsabilité de s’assurer que toutes les obligations fondamentales soient respectées, protégées et accomplies. Cela signifie qu’il existe des mesures puissantes et non-négociables que tous les États doivent mettre en place pour réguler et contrôler les différentes institutions. Le cœur de ces mesures est l’absence de discrimination, parce que même si la diversité des institutions a sans doute son importance, il existe un vrai danger dans l’ultra-fragmentation du système, qui contribue à accentuer les inégalités. La qualité de l’éducation reçue par les enfants ne doit jamais être stratifiée en fonction du statut social de leurs parents ou de leurs moyens financiers. Nous devons construire des systèmes éducatifs diversifiés mais équitables si nous voulons que l’éducation agisse comme un levier d’égalité au sein de la société.

DAVID ARCHER, Head of Programme Development, ActionAid

Email: david.archer@actionaid.org

Twitter: @DavidArcherAA

 

 

Traduction par l’équipe de « Traducteurs Sans Frontières »

 

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