Frantz Fanon et les droits humains aujourd’hui

Par Emmanuel Jos

Professeur de droit public

Université des Antilles et de la Guyane

Membre du Centre de Recherche sur les Pouvoirs Locaux dans la Caraïbe (CRPLC, UMR CNRS n° 8053)

Membre de l’Institut des Droits de l’Homme de la Martinique (IDHM)

 

Cinquante ans après la disparition de Frantz Fanon, intervenue des suites d’une leucémie, le 6 décembre 1961, à l’âge de 36 ans, nous sommes invités à nous remémorer sa vie et à lire ou relire ses écrits.

Remémorer sa vie. Une vie toute entière donnée. Toute entière engagée pour l’avènement d’un monde plus humain.

Dans l’hommage remarquable qu’il lui a rendu, Aimé Césaire écrit : « Vie courte, mais extraordinaire. Brève, mais fulgurante, illuminant une des plus atroces tragédies du XXème siècle et illustrant d’une manière exemplaire la condition humaine, la condition de l’homme moderne ».

Une vie de médecin psychiatre engagée au service des victimes de traumatismes psychiques et de névroses consécutives notamment aux violences subies et aux processus de dévalorisation du moi.

Une vie de militant anticolonialiste engagée auprès des combattants algériens à la conquête de leur liberté.

Une vie de militant tiers-mondiste postulant de nouveaux rapports Nord-Sud.

Une vie d’intellectuel engagé qui par ses écrits et ses conférences a voulu explorer, dans le contexte de son époque, les voies d’un nouvel humanisme. Exploration qui nous interpelle encore aujourd’hui, tant il est vrai que nous sommes toujours en quête de ce nouvel humanisme.

Lire ou relire Fanon aujourd’hui, ce n’est pas rechercher des recettes, des réponses toutes faites, une doctrine à laquelle il faudrait adhérer. Lire ou relire Fanon aujourd’hui, c’est se laisser interpeller par  un foisonnement de pensées qu’il nous laisse en héritage notamment dans ses trois œuvres majeurs Peau noir, masques blancs (Editions du seuil, 1952), Les Damnés de la Terre (Editions Maspero, 1961, 1970) et L’an V de la révolution algérienne (Cahiers libres n° 3, François Maspero, 1959) .

Sur la façon d’aborder ses écrits Fanon lui-même nous donne une indication :

« Je n’arrive point armé de vérités décisives.

Ma conscience n’est pas traversée de fulgurances essentielles.

Cependant, en toute sérénité, je pense qu’il serait bon que certaines choses soient dites. »

Peau noire, masques blancs, p.5

Il était bon, en effet, que certaines choses aient été dites, mais ces choses là méritent encore, pour beaucoup d’entre elles, d’être entendues aujourd’hui car elles s’inscrivent dans une démarche éthique débouchant sur une pratique, une praxis, celle de la construction d’un monde plus humain et plus juste.

Le sens de sa démarche, l’éthique, qui irradie son action et ses écrits, l’éthique qui donne sens à son engagement et cohérence à l’ensemble de ses écrits, il l’a explicitée tout au long de ses œuvres en particulier dans Peau noir masques blancs. C’est une éthique de l’hominisation, c’est à dire de la construction de l’Homme, par la liberté créatrice et par l’amour. La parole de Fanon est d’autant plus crédible qu’elle jaillit de son engagement.

Voici quelques extraits parmi les plus significatifs :

Peau noire, masques blancs, p.5 :

« Vers un nouvel humanisme…

La compréhension des hommes…

Nos frères de couleur…

Je crois en toi, Homme…

Le préjugé de race…

Comprendre et aimer… »

 

Peau noire, masques blancs p. 180 :

« Nous avons dit dans notre introduction que l’homme est un oui. Nous ne cesserons de le répéter.

Oui à la vie. Oui à l’amour. Oui à la générosité.

Mais l’homme est aussi un non. Non au mépris de l’homme. Non à l’indignité de l’homme. A l’exploitation de l’homme. Au meurtre de ce qu’il y a de plus humain dans l’homme : la liberté.

Le comportement de l’homme n’est pas seulement réactionnel…

Amener l’homme à être actionnel, en maintenant dans sa circularité le respect des valeurs fondamentales qui font un monde humain, telle est la première urgence de qui après avoir réfléchi, s’apprête à agir. »

 

Peau noire, masques blancs p. 186 :

« Je me découvre un jour dans le monde et je me reconnais un seul droit : celui d’exiger de l’autre un comportement humain.

Un seul devoir. Celui de ne pas renier ma liberté au travers de mes choix ».

« Je dois me rappeler à tout instant que le véritable saut consiste à introduire l’invention dans l’existence.

Dans le monde où je m’achemine, je me crée interminablement ». 

Peau noire, masques blancs pages 181 à 188, où on peut lire :

«… il ne faut pas essayer de fixer l’homme, puisque son destin est d’être lâché …

Moi, l’homme de couleur, je ne veux qu’une chose :

Que jamais l’instrument ne domine l’homme. Que cesse à jamais l’asservissement de l’homme par l’homme. C’est-à-dire de moi par un autre. Qu’il me soit permis de découvrir et de vouloir l’homme, où qu’il se trouve…

C’est par un effort de reprise sur soi et de dépouillement, c’est par une tension permanente de leur liberté que les hommes peuvent créer les conditions d’existence idéales d’un monde humain.

Supériorité ? Infériorité ?

Pourquoi tout simplement ne pas essayer de toucher l’autre, de sentir l’autre, de me révéler l’autre ?

Ma liberté ne m’est-elle donc pas donnée pour édifier le monde du toi ?

A la fin de cet ouvrage, nous aimerions que l’on sente comme nous la dimension ouverte de toute conscience.

Mon ultime prière :

O mon corps, fais de moi toujours un homme qui interroge ! »

 

C’est cette démarche d’hominisation par la liberté créatrice et par l’amour qui conduit Fanon à la remise en cause radicale du racisme, de l’antisémitisme et de toutes les formes d’infériorisation de l’autre.

C’est pour cela que Fanon stigmatise l’infériorisation du créole et l’utilisation méprisante du parler petit nègre de certains blancs à l’égard des personnes dites de couleur en leur parlant (Le Noir et le langage, Peau noire, masques blancs, pp. 14-32).

C’est cette démarche d’hominisation qui conduit Frantz Fanon à affirmer :

« Aujourd’hui nous croyons en la possibilité de l’amour, c’est pourquoi nous nous efforçons d’en détecter les imperfections, les perversions »

Peau noire, masques blancs p. 33.

Il va donc s’intéresser à certains cas pathologiques décrits dans des romans à succès de son époque.

Ainsi va-t-il considérer comme une perversion de l’amour le rapport faussé entre certaines femmes de couleur et l’homme blanc, comme l’héroïne de l’ouvrage de Mayotte Capécia Je suis Martiniquaise, ouvrage qui a obtenu le Grand prix des Antilles en 1948 et que Fanon considère comme « un ouvrage au rabais prônant un comportement malsain » (p. 34). Fanon note par exemple que l’auteur est fier d’apprendre qu’elle a une grand-mère blanche et cite à la page 38 ce passage de l’ouvrage de Mayotte Capécia « je décidai que je ne pourrai aimer qu’un blanc, blond avec des yeux bleus, un Français » (p. 59 de Je suis Martiniquaise).

Perversion de l’amour aussi selon Fanon que le comportement de la mulâtresse Nini, du roman de Abdoulaye Sadji, habitante de Saint-Louis du Sénégal, qui s’offusque de la demande en mariage du nègre Mactar. Pour cette mulâtresse épouser un noir serait déchoir, régresser.

Pour Fanon il ne saurait y avoir d’amour vrai pour les femmes dites de couleur qui sont dans l’état d’esprit qu’il décrit tant qu’elles n’auront pas expulsé de leur inconscient le sentiment d’infériorité qui les conduit à la « lactification », c’est-à-dire à se blanchir physiquement ou culturellement.

Il ne saurait y avoir d’amour vrai pour les hommes dits de couleur qui sont dans l’état d’esprit qu’il décrit, tant qu’ils seront motivés par la « recherche de la chair blanche » (Peau noir, masques blancs, p. 66).

Lorsqu’il évoque les rapports entre la femme de couleur et le blanc ou de l’homme de couleur et la femme blanche son propos n’est pas généralisant. Il écrit « De même qu’il y avait une tentative de mystification à vouloir inférer du comportement de Nini et de Mayotte Capécia une loi générale du comportement de la Noire vis çà vis du Blanc, il y aurait, affirmons nous, manquement à l’objectivité dans l’extension de l’attitude de Veneuse à l’homme de couleur en tant que tel » (Peau noir, masques blancs p. 65).

Dans le chapitre intitulé l’expérience vécue du Noir, qui sur le plan littéraire fait partie des plus belles pages écrites par Fanon, celui-ci décrit le douloureux itinéraire du Noir qui tente d’abord à s’arracher au regard chosifiant du blanc (à noter que le regard chosifiant était un thème cher à Jean-Paul Sartre),  qui tente ensuite de se rapprocher de ses frères nègres comme lui mais « horreur, ils me rejettent. Eux sont presque blancs. Et puis ils vont épouser une blanche. Ils auront des enfants légèrement bruns…qui sait, petit à petit..peut-être… » (p. 94). Vient ensuite pour lui le temps de la découverte des valeurs nègres, du glorieux passé des civilisations africaines. Puis vient le temps de la négritude, non comme un repli ethnique, non comme l’affirmation orgueilleuse de soi ou le moment d’une dialectique de type hégélien mais comme la force qui « troue l’accablement opaque de sa droite patience » comme l’a écrit Aimé Césaire.

Mais d’où vient le complexe d’infériorité des uns et de supériorité des autres ?

Fanon esquisse une réponse en écrivant :

« L’analyse que nous entreprenons est psychologique. Il demeure toutefois que pour nous la véritable désaliénation du Noir implique une prise de conscience abrupte des réalités économiques et sociales. S’il y a complexe d’infériorité, c’est à la suite d’un double processus :

– Economique d’abord ;

– par intériorisation ou, mieux, épidermisation de cette infériorité, ensuite. »

Peau noire, masques blancs, P. 8

Pour lui, il faut donc rechercher les origines économiques de la construction du préjugé d’infériorité raciale. L’analyse du système esclavagiste lui donne raison. En effet, au point de départ de l’esclavage il y a un processus économique d’enrichissement en exploitant la main d’œuvre servile. Et pour justifier l’inhumanité du système et le maintenir il y a eu la construction d’un discours sur l’infériorité des nègres et la mise en place d’un véritable système d’apartheid.

Il y a sans doute dans cette analyse de Fanon une grande part de vérité, c’est le cas nous venons de le dire s’agissant du préjugé de l’infériorité des noires qui s’origine dans une instrumentalisation de la race au service d’un système d’exploitation économique. Mais on peut toutefois se demander s’il n’y a pas aussi d’autres explications de l’origine du racisme. Je considère pour ma part que le racisme fait partie de ces constructions mentales destinées à justifier la volonté de domination de l’autre en prenant prétexte de son apparence physique, volonté de domination qui n’est pas exclusivement économique.

Face aux préjugés d’infériorité raciale que propose Fanon ? Il veut en libérer aussi bien le noir que le blanc lui-même. Lorsqu’il traite des rapports entre noirs et blancs son objectif est « de rendre possible pour le Noir et le Blanc une saine rencontre » (Peau noir, masques blancs p. 62).

« Je veux vraiment- dit-il– amener mon frère, Noir ou Blanc, à secouer le plus énergiquement la lamentable livrée édifiée par des siècles d’incompréhension ».

(Peau noire, masques blancs, p. 10).

Ce qu’il veut c’est être solidaire de tous ceux qui s’engagent pour plus d’humanité. C’est pour cela qu’il écrit :

« Je suis un homme, et c’est tout le passé du monde que j’ai à reprendre…(donc pas seulement le passé des noirs)

Chaque fois qu’un homme a fait triompher la dignité de l’esprit, chaque fois qu’un homme a dit non à une tentative d’asservissement de son semblable, je me suis senti solidaire de son acte.

En aucune façon je ne dois tirer du passé des peuples de couleur ma vocation originelle».

(Peau noire, masques blancs p. 183)

Ou encore :

« Si à un moment la question s’est posée pour moi d’être effectivement solidaire d’un passé déterminé, c’est dans la mesure où je me suis engagé envers moi-même et envers mon prochain à combattre de toute mon existence, de toute ma force pour que jamais il n’y ait sur terre, de peuples asservis ».

(Peau noire, masques blancs p. 184)

Et aussi :

« Je ne suis pas prisonnier de l’Histoire. Je ne dois pas y chercher le sens de ma destinée…

Vais-je demander à l’homme blanc d’aujourd’hui d’être responsable des négriers du XVIIe siècle ?

Vais-je essayer par tous les moyens de faire naître la culpabilité dans les âmes ?

 La douleur morale devant la densité du Passé ? Je suis nègre et des tonnes de chaînes, des orages de coups, des fleuves de crachats ruissellent sur mes épaules. Mais je n’ai pas le droit de me laisser ancrer…Je n’ai pas le droit de me laisser engluer par les déterminations du passé.

Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui déshumanisa mes pères ».

(Peau noir, masques blancs p. 186).

Qu’est-ce que cela veut dire ?

Mon interprétation est qu’il ne s’agit pas de vouloir refaire le passé mais de faire disparaître ses séquelles dans le présent et parmi ces séquelles, encore présentes, et qui engendre encore bien des souffrances aujourd’hui, il y a les préjugés raciaux.

La démarche de solidarité de Fanon avec les dominés, quels qu’ils soient, et sa quête d’un authentique humanisme conduisent Fanon notamment à dénoncer le colonialisme, la captation du pouvoir par les leaders nationalistes et à proposer une autre conception du pouvoir, des rapports hommes femmes ainsi que de la culture.

L’aversion de Fanon pour le monde colonial s’exprime ainsi :

« Le monde colonial est un monde compartimenté…le monde colonial est un monde manichéiste…La société colonisée n’est pas seulement décrite comme une société sans valeurs…l’indigène est déclaré imperméable à l’éthique, absence de valeurs, mais aussi négation des valeurs…Parfois ce manichéisme va jusqu’au bout de sa logique et déshumanise le colonisé… »

(Les Damnés de la terre, pp. 7-11).

La violence physique sur laquelle repose le système colonial conduit Fanon à prôner pour la faire cesser la légitime défense autrement dit la contre-violence du colonisé.

Aimé Césaire, dans son hommage à Fanon, explique le sens de ce choix en le replaçant dans son contexte et dans sa finalité.

« Un violent, a-t-on dit de lui. Et il est bien vrai que Fanon s’institua théoricien de la violence, la seule arme du colonisé contre la barbarie colonialiste.

Mais sa violence était, sans paradoxe, celle du non-violent, je veux dire la violence de la justice, de la pureté, de l’intransigeance. Il faut qu’on le comprenne : sa révolte était éthique et sa démarche de générosité. Il n’adhérait pas à une cause. Il se donnait. Tout entier. Sans réticence. Sans partage. Il y a chez lui l’absolu de la passion ».

Michel Giraud fait la même analyse quand il écrit :

« ..l’appel à la violence que l’on trouve effectivement dans les Damnés de la terre répond, chez Fanon à un humanisme profond qui peut être caractérisé par le souci primordial du respect de la personne humaine en chaque homme et dans tous les hommes, quelle que soit leur origine, leur couleur ou leur condition » (Mémorial International Frantz Fanon 31 mars-3 avril 1982, Présence Africaine1984, p. 82))

Cette démarche pour l’émergence d’un humanisme authentique a conduit Fanon à dresser un réquisitoire contre cette part de l’Europe qui parle des droits de l’homme mais qui ne cesse d’humilier les hommes et les peuples ou de les massacrer compte tenu de ses appétits de richesses et de puissances. Mais aussi, cette démarche le conduit, en revanche, à en appeler à cette part de l’Europe capable de se solidariser avec un nouveau projet d’humanisation du monde.

«  Le tiers monde n’entend pas organiser une immense croisade de la faim contre toute l’Europe. Ce qu’il attend de ceux qui l’ont maintenu en esclavage pendant plusieurs siècles c’est qu’ils l’aide à réhabiliter l’homme, à faire triompher l’homme partout, une fois pour toutes…Ce travaille colossale qui consiste à réintroduire l’homme dans le monde se fera avec l’aide des masses européennes qui, il faut qu’elles le reconnaissent, se sont souvent ralliées sur les problèmes coloniaux aux positions de nos maîtres communs »

(Les Damnés de la terre, p. 62).

Et Fanon de conclure Les damnés de la terre en écrivant :

« Pour l’Europe, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, il faut faire peau neuve, développer une pensée neuve, tenter de mettre sur pied un homme neuf »

(Les Damnés de la terre, Conclusion p 233).

Cette même démarche a conduit Fanon à dénoncer, avec lucidité, la captation du pouvoir par certains leaders nationalistes.

« Avant l’indépendance, le leader incarnait en général les aspirations du peuple : indépendance, libertés publiques, dignité nationale. Mais, au lendemain de l’indépendance, loin d’incarner concrètement les besoins du peuple, loin de se faire le promoteur de la dignité réelle du peuple, celle qui passe par le pain, la terre et la remise du pays entre les mains sacrées du peuple, le leader va révéler sa fonction intime : être le président général de la société de profiteurs impatients de jouir que constitue la bourgeoise nationale ».

(Les Damnés de la terre,  p 109)

« Le collège des profiteurs chamarrés, qui s’arrachent les billets de banque sur le fonds d’un pays misérable, sera tôt ou tard un fétu de paille entre les mains de l’armée, habillement manœuvrée par des experts étrangers »

(Les Damnés de la terre,  p 115)

Pourquoi cette trahison des aspirations réelles des populations ? N’est-ce pas précisément parce que l’action de ces leaders ne procède pas de l’éthique dont s’inspire Fanon mais de la quête narcissique d’avoir et de pouvoir ?

C’est au nom d’une autre conception du pouvoir que Fanon prend position en faveur d’un socialisme qu’il veut démocratique. Que faut-il entendre par socialisme démocratique ?

Il s’agit selon Fanon  d’« un régime tout entier tourné vers l’ensemble du peuple, basé sur le principe que l’homme est le bien le plus précieux » ce régime dit-il « nous permettra d’aller plus vite, plus harmonieusement, rendant de ce fait impossible cette caricature de société où quelques uns détiennent l’ensemble des pouvoirs économiques et politiques au mépris de la totalité nationale ».

(Les Damnés de la terre, pp 56-57)

Pour lui, « Dans un pays sous développé, l’important n’est pas que trois cent personnes conçoivent et décident mais que l’ensemble, même au prix d’un temps double ou triple, comprenne et décide…Les gens doivent savoir où ils vont et pourquoi ils y vont »

(Les Damnés de la terre, p 130)

Il dit encore « …il faut décentraliser à l’extrême… »

(Les Damnés de la terre,  p 133)

Pour que les gens sachent où ils vont il faut selon lui un programme, mais lequel ?

Il répond en réaffirmant une fois encore le sens profond de sa démarche :

« Comme on le voit un programme est nécessaire à un gouvernement qui veut vraiment libérer politiquement et socialement le peuple. Programme économique mais aussi doctrine sur la répartition des richesses et sur les relations sociales. En fait il faut avoir une conception de l’homme, une conception de l’avenir de l’humanité »

(Les Damnés de la terre,  p. 138).

Il ne suffit donc pas de faire la révolution, il faut s’engager dans un projet dont la finalité est l’épanouissement humain sinon on retombe dans de nouvelles formes d’oppression.

Pour Fanon aussi l’avenir de l’humanité passe par la libération de la femme. La société voulue par Fanon est une société où l’égalité entre la femme et l’homme ne soit pas proclamée de façon théorique mais devienne au quotidien une réalité effective et concrète. Une société où la femme ne soit pas instrumentalisée par exemple dans sa façon de se vêtir ou de se dévêtir (cf. L’an V de la révolution algérienne, L’Algérie se dévoile).

« Le pays sous développé – écrit-il – doit se garder de perpétrer les traditions féodales qui consacrent la priorité de l’élément masculin sur l’élément féminin. Les femmes recevront une place identique aux hommes non dans les articles de la constitution mais dans la vie quotidienne, à l’usine, à l’école, dans les assemblées ».

(Les Damnés de la terre,  p 136).

L’avènement d’une nouvelle condition de la femme suppose un changement de culture. Culture sur laquelle Fanon nous livre également une nouvelle approche.

« La culture vers laquelle se penche l’intellectuel n’est souvent qu’un stock de particularismes. Voulant coller au peuple, il colle au revêtement visible. Ce revêtement n’est qu’un reflet d’une vie souterraine, dense, dans un perpétuel renouvellement »

(Les Damnés de la terre,  p 154-155).

La culture n’est donc pas un ensemble de traits issus du passé et mis en conserve, elle est une création perpétuelle des individus et des peuples en quête de plus d’humanité. Quant à l’universalité, considérée comme nécessaire par Fanon, elle suppose la disparition du rapport de domination pour que soit possible « la décision de prise en charge du relativisme réciproque de cultures différentes » (cf. conférence sur Racisme et culture, dernière phrase).

En lisant ou relisant Fanon, nous découvrons donc non pas une doctrine mais des pensées, dont certaines peuvent éventuellement faire l’objet d’une réflexion critique, mais des pensées qui s’inscrivent, selon nous, dans une démarche éthique admirable consistant à s’engager pour un monde plus humain et plus juste.

 

Quel lien peut-on faire entre les pensées de Fanon et l’aujourd’hui des droits humains ?

On peut, certes, déjà trouver ce lien à propos de telle ou telle question, par exemple le refus de la discrimination raciale, l’égalité entre la femme et l’homme, la mise en place d’un régime politique démocratique, la libre détermination des peuples etc.

Certaines de ces questions nous interpellent tout particulièrement. Par exemple en avons-nous totalement fini dans notre société avec le préjugé de couleur ? Celui-ci n’engendre-t-il pas encore des souffrances chez certaines personnes ?

Mais le lien le plus profond est celui qui relie la démarche éthique de Frantz Fanon à celle qui fonde le processus sans cesse continué de conquête des droits humains.

En effet, au fondement de la reconnaissance des droits humains il y a une éthique qui conduit à un engagement, qui peut prendre des formes multiples, en faveur du respect et de la promotion de la dignité de la personne humaine, qui conduit au refus de tout ce qui lui porte atteinte, au refus de toutes les formes de réductionnisme. Fanon disait « il ne faut pas essayer de fixer l’homme puisque son destin est d’être lâché » (Peau noir, masques blancs, p. 187), Refus de réduire, la personne humaine à telle ou telle apparence extérieure ou à telle ou telle appartenance ethnique ou religieuse. Refus de réduire la personne humaine à être un simple rouage du système consumériste. L’éthique des droits humains est une éthique du refus de toute forme d’instrumentalisation des êtres humains.

Et pour parler comme Stéphane Hessel, qui fit partie de la commission chargée de préparer la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme, pour parler donc comme Stéphane Hessel, il s’agit d’une éthique qui conduit à « s’indigner » face à tout ce qui porte atteinte à la dignité de la personne humaine et à s’engager par une pratique non-violente du côté de ceux qui veulent construire un monde à visage humain.

Aujourd’hui les motifs d’indignation ne manquent malheureusement pas. Il en est un que ne renierait pas Fanon s’il vivait aujourd’hui c’est celui résultant du constat dresser par Stéphane Hessel et bien d’autres :

« L’écart entre les plus pauvres et les plus riches n’a jamais été aussi important ; et la course à l’argent, la compétition, aussi encouragée ». Et l’auteur d’ajouter « Les responsables politiques, économiques, intellectuels et l’ensemble de la société ne doivent pas démissionner, ni se laisser impressionner par l’actuelle dictature internationale des marchés financiers qui menace la paix et la démocratie » (Stéphane Hessel, Indignez vous !, Indigène édition, p. 11).

La promotion des droits humains dans notre monde actuel constitue, à n’en point douter, une composante essentielle de la « politique d’humanité » et du chemin de l’espérance prônée par Stéphane Hessel et Edgar Morin dans leur ouvrage  Le chemin de l’espérance (Fayard 2011).

L’œuvre et l’action de Fanon illustrent parfaitement cette « politique d’humanité » dont parlent ces auteurs et c’est un chemin d’espérance que Frantz Fanon a voulu tracer, chemin dans lequel il s’est engagé de façon totale et qui nous interpelle encore aujourd’hui.

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Frantz Fanon en Algérie. Après l’indépendance, son influence

Intervention de Christiane CHAULET ACHOUR

Membre du Cercle Frantz Fanon

Meeting du GRS sur F. Fanon

Évoquer les années algériennes de Frantz Fanon, c’est s’arrêter sur les huit dernières années d’une courte mais dense vie, suspendue brutalement par la leucémie à l’âge de 36 ans : de novembre 1953, date à laquelle il rejoint son poste à Blida (Algérie) à décembre 1961, date de sa mort à Washington : 1954, 1955, 1956, 1955, 1958 , 1959, 1960, 1961, la dernière année partagée entre la maladie et les soins qu’elle demande et l’écriture des Damnés de la terre.

Si le jeune Fanon écrit dès les premières lignes de Peau noire masques blancs, « je n’arrive point armé de vérités décisives », nulle mieux que l’expérience algérienne peut illustrer cette affirmation. Ce jeune psychiatre martiniquais, formé dans l’université française, a déjà manifesté, depuis son engagement dans les Forces Françaises libres jusqu’à l’écriture de cet essai, plus d’une innovation pour ne pas dire rupture par rapport aux cadres où il s’inscrit successivement.

Parti en dissidence, il découvre avec force – ce qui était ressenti en atténué dans sa Martinique natale –, le racisme, la ségrégation, plus pernicieuse d’être quotidienne et banale, la réalité de la domination. Cette expérience est véritablement (mise à part ce qu’il a engrangé dans sa formation et ses lectures adolescentes) l’alpha de ses engagements successifs. C’est en vivant et en observant son environnement de vie et en lisant qu’il outille ses remarques tellement d’actualité dans ce premier essai. Je ne m’y attarderai pas car ce n’est pas mon sujet mais je tenais à le dire tant on a écrit et dit que Fanon avait été « fait » par l’Algérie.

Fanon arrive donc déjà « armé » en Algérie : qu’on lise son article de 1952 sur « Le syndrome nord-africain » pour s’en convaincre ! L’acuité de son regard sur les malades nord-africains et sur l’attitude du corps médical français à leur égard est remarquable. Pourtant, on peut dire aussi qu’il ne sait pas grand-chose de ce qu’est cette colonie de peuplement qu’est l’Algérie et qu’il découvre par un de ses foyers révélateurs, le milieu psychiatrique et son mépris argumenté « scientifiquement » pour l’Arabe et, au-delà, pour les habitants colonisés du pays. Nombre de Français, venus travailler en Algérie, ont très vite en quelques mois, adopté le point de vue du dominant. Ce n’est pas le cas de Fanon qui, comme il le dit dans sa lettre de démission au Ministre Résident, Robert Lacoste, en 1956, se met au service du pays : « Pendant trois ans je me suis mis totalement au service de ce pays et des hommes qui l’habitent. Je n’ai ménagé ni mes efforts ni mon enthousiasme. Pas un morceau de mon action qui n’ait exigé comme horizon l’émergence unanimement souhaitée d’un monde valable. »

Rappelons que Fanon a la charge de deux services de malades mentaux, celui des femmes européennes et celui des hommes musulmans. Il soignera toujours des malades des deux communautés ce qui se reflète très bien dans les exemples et les observations qui nourriront ces deux essais de 1959 et de 1961. Fanon dit à Charles Géronimi, dans un entretien, que « la psychiatrie doit être politique ». On lira sur ce « Fanon à Blida » le chapitre plus qu’éclairant d’Alice Cherki dans son Frantz Fanon portrait. De fait, engagement militant et exercice professionnel n’ont jamais été séparés chez Fanon.

Se mettre au service de ce pays, ce n’est pas seulement soigner mais c’est le comprendre. Et Fanon rattrape, avec la vitesse dont il a le secret et l’énorme capacité de travail, d’observation et de lectures qui est la sienne, ce qu’il ne connaît pas de l’Algérie. Cette implication algérienne se poursuit, bien évidemment, quand il rejoint Tunis et qu’il devient, acteur et membre de la Révolution algérienne. Fanon exerce à la fois ses fonctions de médecin mais accepte aussi de mettre sa plume au service de la presse du FLN et d’être un des rédacteurs anonymes, selon la règle de l’époque, d’El Moudjahid. On sait qu’après 1959, des missions en Afrique lui sont confiées par le GPRA et qu’il devient son représentant à partir de 1960 jusqu’à sa maladie.

Il faudrait plus de temps pour développer toute cette « algérianité » qu’acquiert F. Fanon en quelques années. Il le fait avec la conviction qu’il a trouvé, dans la résistance algérienne, le lieu de la remise en cause radicale du colonialisme français et de l’impérialisme international. Il devient membre actif d’une nation à naître et qui se bat pour son existence nationale et internationale. Toute action doit être située de façon précise dans un contexte. L’observation et l’implication de et dans la société algérienne auxquelles Fanon s’exerce depuis sa nomination à l’Hôpital de Blida-Joinville le placent du côté de la tradition de lutte contre les méfaits du colonialisme qu’il partage ainsi avec nombre d’Algériens et nombre de colonisés.

A cette étape, je voudrais insister sur la force qu’a représentée pour moi ce que Fanon a écrit dans « L’Algérie se dévoile », sur les femmes et leurs actions dans la résistance algérienne. Ces pages ont été dévoyées de deux façons : d’une part par les coups de massue qu’ont porté des féministes américaines contre Fanon le machiste à propos de sa lecture de Je suis Martiniquaise de Mayotte Capécia. Avant de jeter la pierre à Fanon, il faudrait que chacun(e) lise ce médiocre roman esthétiquement et idéologiquement – et qu’il soit ou non écrit par cette femme ne change rien à l’affaire du procès en machisme contre Fanon… Et qu’on relise attentivement ce chapitre de L’An V de la révolution algérienne. Les analyses que Fanon y consacra aux Algériennes, aucune Algérienne désireuse d’une société d’égalité et de justice ne les lit encore aujourd’hui impunément, rêvant de cette réalité passée dont les promesses ne se sont pas totalement accomplies.

 L’An V  se nourrit de cette année 1956, essentielle pour l’Algérie car c’est l’année où le pouvoir français décide d’envoyer le contingent dans le maquis algérien. C’est celle de la démission du psychiatre, c’est celle de l’union contre le pouvoir colonial des différentes tendances qui n’avaient pas encore reconnu le FLN, c’est celle de la multiplication des appels de la direction de la lutte aux Européens d’Algérie ; c’est enfin l’engagement de toutes les composantes de la société algérienne dans la résistance pour l’indépendance. En août 1956, le Congrès de la Soummam salue « avec émotion, avec admiration, l’exaltant courage des jeunes filles et des jeunes femmes, des épouses et des mères. » Fanon écrit : « En brassant ces hommes et ces femmes, le colonialisme les a regroupés sous un même signe. Egalement victime d’une même tyrannie, identifiant simultanément, un ennemi unique, il fonde dans la souffrance une communauté spirituelle qui constitue le bastion le plus solide de la Révolution algérienne. »

Fanon est un militant de cette lutte et ce que subissent les Algériens, il entend l’interpréter dans le sens de changements futurs vers une restructuration de la société devenue nation. Et, c’est dans le dynamisme de cette interprétation qu’il aborde la question du voile et celle de la femme. Ses analyses sortaient cet élément vestimentaire, essentiel dans la perception de la femme algérienne, de son essentialité symbolique pour lui restituer sa dimension historique, donc sa capacité de modification ; ce qui ne serait pas indifférent à interroger dans les différentes affaires de foulards islamiques qui ont secoué la France ces dernières années. En effet, de nombreux témoignages de femmes ou des œuvres féminines ont montré la conscience qu’elles avaient de leur soumission et de leur infériorisation à travers ce port du voile. Et cela sans qu’elles se sentent pour autant suppôts du colonialisme comme on le leur opposait. Fanon montre comment, pendant la lutte, le voile est instrumentalisé : enlevé ou porté selon les circonstances, objet de reconnaissance féminine mais aussi déguisement protecteur pour le militant, l’objectif premier étant de faire échec à l’occupant. Et dans la dynamique de cette analyse qui n’a rien perdu de son actualité, il donne un aperçu des transformations des relations entre les deux sexes, entre parents et enfants et entre femmes et hommes. Fanon pointe la qualité du changement et non sa quantification. Son texte veut convaincre des nouvelles réalités et il affirme comme points de non retour ce qui a constitué les preuves tangibles d’une transformation profonde de la société algérienne dans une situation d’exception. S’il n’y a pas eu points de non retour, il n’y a pas eu non plus retour au point de départ, comme le prouvent les oppositions de la société actuelle à une régression du statut des femmes. Evolution et régression sont les deux pôles de tension de toute société en voie de démocratisation et ce qui se passe avec les « révolutions » arabes actuellement le montre bien.

« L’Algérienne engagée apprend à la fois d’instinct son rôle de “femme seule dans la rue” et sa mission révolutionnaire. La femme algérienne n’est pas un agent secret. C’est sans apprentissage, sans récits, sans histoire, qu’elle sort dans la rue, trois grenades dans son sac à main ou le rapport d’activité d’une zone dans le corsage […] Ce n’est pas la mise à jour d’un personnage connu et mille fois fréquenté dans l’imagination et les récits. C’est une authentique naissance, à l’état pur, sans propédeutique. Il n’y a pas de personnage à imiter. Il y a au contraire une dramatisation intense, une absence de jour entre la femme et la révolutionnaire. La femme algérienne s’élève d’emblée au niveau de la tragédie. »

Les textes de Fanon ont mis le doigt sur l’émergence de ce que l’on pourrait nommer une nouvelle tradition qu’instaure la militante… Souvenons-nous : « C’est une authentique naissance, à l’état pur, sans propédeutique. Il n’y a pas de personnage à imiter »… Effectivement, par cette irruption fracassante dans la modernité, les algériennes ont acquis une légitimité. Et c’est bien ce que continuent à revendiquer les femmes démocrates. L’Histoire ne s’efface pas même si elle semble parfois oubliée.

Question lancinante : pourquoi alors Fanon n’a pas été plus inspirateur des transformations de la société algérienne depuis l’indépendance. Sans doute d’abord parce que… « une hirondelle ne fait pas le printemps » ! Plus essentiellement, on ne connaît pas beaucoup d’exemples où les analyses complexes, interrogatives, prospectives d’un penseur peuvent servir de « plate-forme » à un régime qui veut avancer avec des certitudes et des lois. Bien difficile pour le pouvoir qui s’installe – et qui a évacué sur sa route bien d’autres intellectuels et militants dérangeants –, de prôner comme référence Les Damnés de la terre et, en particulier mais pas seulement, « Mésaventures de la conscience nationale » ou le statut irrémédiablement révolutionné de la femme et des structures traditionnelles de la famille ou la non-nécessité du leader.

Fanon est mort et l’Algérie, dans ses instances officielles, appose son nom dans la visibilité du tissu urbain ou commémoratif. Au fond, cela ne mange pas de pain ! En même temps, ces hommages (plaques de rues et boulevards, noms de lycée et d’espaces culturels, nom de l’Hôpital psychiatrique de Blida, rituels autour de sa sépulture à Aïn Karma) familiarisent avec le nom du penseur. Mais l’œuvre elle-même est ignorée, lue dans des espaces choisis comme l’université, de l’indépendance à nos jours, avec une disparition dans les années 1990 et 2000 et un retour depuis la réédition en français et la traduction en arabe de ses œuvres.
Mais plus fondamentalement – et l’intervention d’Idriss Terranti sur « Fanon dans le monde arabe » à la Rencontre internationale Frantz Fanon qui vient de se tenir en décembre 2011, intervention faite lors de la journée à Rivière Pilote, est très éclairante à ce sujet – il y a inadéquation entre les essais de Fanon – ou du moins une parties de ses propositions –, et la dominante politico-idéologique de ceux qui détiennent le pouvoir depuis ces années. Il affirme : « une chose est certaine pour tous les pouvoirs qui se sont succédés depuis l’indépendance à ce jour, il n’est nullement question de permettre la diffusion et le débat large sur l’apport de Frantz Fanon à la décolonisation en Algérie et encore moins à l’édification nationale. » Et il poursuit, « le débat sur Fanon n’a pourtant jamais cessé depuis l’indépendance, mais il est maintenu et contenu dans des sphères très limitées qui ne mettaient pas en danger le pouvoir de l’époque. » En effet il y a une différence entre deux perceptions du monde, celle de Fanon « approche dialectique qui trouve dans le contexte national algérien les conditions de faire avancer l’Homme à partir de ses positions identitaires, de son patrimoine mais tendues vers l’universel » et celle, essentialiste, de penseurs qui se définissent « par des absolus  identitaires (historiques et religieux) par opposition à ceux du colonisateur. »

Ces analyses valent aussi en partie, mais en partie seulement, pour les intellectuels algériens francophones dont la lecture de Fanon connaît une progression nette, en quantité et en qualité, ces dernières années et qui font espérer que les essais de Fanon deviennent véritablement une nourriture intellectuelle à assimiler et à adapter en fonction de situations nouvelles pour le devenir de ces sociétés, d’intellectuels qui lisent l’exhortation qui conclue Les Damnés de la terre : « Allons, camarades, il vaut mieux décider dès maintenant de changer de bord […] il nous faut quitter nos rêves, abandonner nos vieilles croyances et nos amitiés d’avant la vie. Ne perdons pas de temps en stériles litanies ou en mimétismes nauséabonds. »

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Film documentaire « 80 ans d’actions d’Éducation nouvelle »

Par les Ceméa France

A l’occasion de cet anniversaire important pour notre mouvement, les Ceméa ont décidé nationalement de « porter » deux contributions fortes :

  • la réalisation d’un film documentaire,
  • l’animation d’un blog sur leur histoire et le devenir de l’éducation.

C’est dans ce cadre que les Ceméa ont naturellement sollicité le PAJEP et les Archives départementales du Val-de-Marne. Ce partenariat s’inscrit au regard de tout le travail que ces deux institutions mènent avec les Ceméa, depuis le début des années 2000, à la fois sur une dimension de conservation du fonds d’archives de l’association, mais aussi, et surtout, sur l’animation de ce patrimoine et sa mise à disposition auprès d’un large public.

Le 18 juin 2016, à l’occasion de l’Assemblée générale nationale des Ceméa, les Archives départementales du Val-de-Marne ont accueilli les militant.e.s du mouvement autour d’ateliers leur présentant leurs archives. Ainsi, les militant.e.s des Ceméa sont allés à la rencontre de leur histoire. Ce fut un grand succès… C’est dans ce contexte qu’est née l’idée de réaliser un film documentaire, en partenariat, retraçant l’histoire du mouvement Ceméa et interrogeant le futur.

D’une durée de trente minutes environ, ce film documentaire est construit à partir des archives audiovisuelles, nombreuses dans le fonds géré par le PAJEP, d’images d’actions menées en ce moment par les Ceméa sur leurs différents terrains d’intervention (l’école, les loisirs, le social, la culture… la formation et l’animation auprès de jeunes…), et de témoignages actuels réalisés spécifiquement pour ce projet.

Le public concerné est principalement celui des militants des Ceméa, dans une logique de « faire culture commune », avec comme lieux de diffusion  les rendez-vous du réseau, les stages, les espaces d’accueil de nouveaux militants, etc. Toutefois, un public plus large est également visé, les chercheurs du champ de la jeunesse et de l’éducation populaire (historiens, sociologues, philosophes de l’éducation), les militants des autres mouvements de ce champ, les institutionnels, les usagers des Archives départementales…

Ce film sera diffusé à l’occasion de l’Assemblée générale nationale du 24 juin 2017 à Paris, puis dans  l’ensemble du réseau Ceméa.

Un projet complémentaire, en partenariat avec Médiapart, a été mis en place à travers la création d’un blog et son animation en ligne. Il s’agit de diffuser vers un public large, un ensemble de contenu pluri médias (textes, photos, interviews, extraits d’archives) centrés sur une douzaine de thématiques traversant l’activité des Ceméa.

C’est par un ensemble de mots clés et de nuages de mots, qui résonnent dans l’histoire des Ceméa, que s’ouvriront les entrées des différentes thématiques: « Passeurs », « Psychiatrie », « Ecrans », « Adolescents », « Bafa », Activités », « Ecole »,  « Mixités », « International », « Collectif », « Festivals », permettant ainsi de montrer au public la contribution des Ceméa à la transformation  sociale, tout au long de ces 80 ans, et aujourd’hui encore pour “penser” l’avenir et enfin les amener à s’intéresser à notre mouvement.

Une diffusion régulière, en flux continu, sur le blog, de ces contenus est faite depuis la première semaine de juin, sur le site de Mediapart: https://blogs.mediapart.fr/cemea

En parallèle du Festival d’Avignon, une grande exposition photo sur les 80 ans des Ceméa, aura lieu en Arles durant les rencontres photographiques à l’occasion de la 48ème édition du 3 juillet au 24 septembre 2017. Cette exposition, articulant des images d’hier et d’aujourd’hui, invite à découvrir l’histoire de notre mouvement.

L’ensemble des associations territoriales est également impliqué dans l’organisation d’événements liés à nos 80 ans, rendez-vous sur le site des Ceméa pour découvrir leurs différentes actions.

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Bénin « la santé à l’école : quand les enfants Copains du Monde du CAEB s’en mêlent »

Par le Centre d’animation et d’éducation du Bénin (CAEB)

Sous le cofinancement du RADEB, de Solidarité Laïque et du Secours Populaire Français, les enfants Copains du Monde du CAEB ont exécuté de Mars à Mai 2017 le projet dénommé « la Santé à l’école quand les enfants Copains du Monde du CAEB s’en mêlent ».

Ce projet qui concerne dix écoles de la commune d’Adjohoun a pour objectif général :

Contribuer à l’amélioration des conditions sanitaires des écoliers en milieu scolaire. De façon spécifique, le projet visait pour objectif de :

  • Renforcer le niveau de connaissance des enfants copains du monde du CAEB sur l’hygiène et l’assainissement en milieu scolaire et les principes d’une alimentation équilibrée.
  • Amener les enfants Copains du Monde à faire prendre consciences à leurs pairs et aux femmes vendeuses dans les écoles des conséquences d’une mauvaise hygiène corporelle et alimentaire
  • Amener les femmes vendeuses dans les écoles à offrir aux enfants des aliments portants des nutriments indispensables à leur développement.

Pour atteindre ces objectifs cités, plusieurs activités ont été menées. Il s’agit des :

  • Formations des Enfants Copains du Monde

Les enfants Copains du Monde ont bénéficié de deux formations. L’une sur les droits des enfants et sur les techniques élémentaires de sensibilisation et de prise de parole en public et l’autre sur le maintien d’un environnement sain et les principes d’une alimentation équilibrée.

 

 

Quatre séances de préparations des sensibilisations ont été réalisées avec les enfants et ont permis d’une part aux enfants d’évaluer leur propre niveau et d’autre part aux encadreurs de revoir certains points pour un meilleur déroulement des séances de sensibilisation dans les écoles.

 

  • Sensibilisations

Elles ont été faites par les enfants Copains du Monde à l’endroit des écoliers, du personnel enseignants et des femmes vendeuse des 10 écoles ciblées par le projet. Ces sensibilisations ont porté sur les droits des enfants notamment les droits à la santé et à un environnement sain et sur l’hygiène alimentaire. Plus de 3000 écoliers, 60 enseignants et 50 femmes vendeuses ont effectivement pris part à ces séances de sensibilisations. A la fin des sensibilisations, chacune des 10 écoles a reçu, des enfants Copains du Monde, une dotation constituée de deux (2) dispositifs de lavage des mains, d’une (1) poubelle et vingt (20) pains de savons. Quatre (4) panneaux de sensibilisation ont été réalisés et installés dans la commune pour pérenniser les messages de sensibilisation. Une brigade d’enfants a été constituée dans chacune des écoles pour suivre les activités.

  • Sensibilisation à la radio

Deux émissions radiodiffusées (une en langue locale goun et une autre en français) ont été organisées dans la radio la voix de la vallée. Ces deux émissions ont permis de toucher une grande partie de la population non seulement de la commune mais aussi des communes environnantes. Plusieurs auditeurs sont intervenus sur l’émission pour féliciter les enfants Copains du Monde et leurs partenaires pour cette action qu’ils (les auditeurs) ont qualifié de primordiale. D’autres sont intervenus pour poser des questions aux enfants notamment sur comment intégrer le mouvement.

 

Porto-Novo, le 2 Juin 2017

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ACPP : Forum mondial contre les violences urbaines et éducation à la cohabitation pacifique

Par l’Asemblea de Cooperacion por la Paz

ACPP a eu l’occasion d’assister et de participer activement au Ier Forum mondial sur la violence urbaine et l’éducation pour la paix et la coexistence, qui a eu lieu du 19 au 21 avril à Madrid (Espagne), au centre municipal La Nave de Villaverde, district où la délégation de l’ACPP à Madrid développe une grande partie de son intervention sociale.

Avec la participation de 3 500 personnes issues de près de 70 pays, de maires de différentes villes des 5 continents, de représentants d’agences multilatérales clés en la matière, ainsi que de la société civile, cet espace est devenu une référence et devrait s’inscrire dans la durée. L’ACPP a pu y jouer un rôle actif grâce à trois interventions qui nous ont donné l’occasion de présenter notre travail en Colombie, au Maroc et à Madrid.

Le premier jour, nous avons accueilli Gerardo Vega, président de notre partenaire local en Colombie, la Fundación Forjando Futuros [Fondation façonnons l’avenir], qui nous a parlé de la violence urbaine à Medellin et de comment la combattre, avec des expériences et des mises en pratique qui sont applicables dans d’autres villes et qui nous montrent des alternatives pacifiques pour la résolution des conflits. Le jour de la clôture, lors de la section officielle, Abdeslam Amakhtari, président de notre partenaire local au Maroc, ASTICUDE, a pris part à la table ronde sur Les villes refuge : violences à l’égard des femmes réfugiées ou déplacées. Cette table ronde a permis d’exposer différentes expériences dans différents pays.

Le jour de l’inauguration, nous avons aussi présenté le projet Villaverde active : éducation à la citoyenneté mondiale, financé par la mairie de Madrid et que l’ACPP met en œuvre avec l’Association de quartier L’Unité de Villaverde-Est depuis le 1er mars 2017, et ce, jusqu’au 28 février 2018, et dont l’objectif est la construction d’une citoyenneté active et attachée aux valeurs des droits de l’homme et de la paix, capable de résoudre ses conflits quotidiens à travers le dialogue. Dans ce projet, nous voulons travailler avec les enfants et les jeunes gens (élèves d’écoles maternelles, primaires, secondaires et de formation professionnelle), avec des mères et des pères, avec le tissu associatif, voire avec le tissu économique du quartier (Réseau d’économie alternative et solidaire (REAS) et fournisseurs du milieu éducatif) et avec, par ailleurs, la collaboration du Conseil municipal du quartier.

Le projet, qui bénéficiera à 1 611 personnes, se fonde sur trois piliers : le renforcement des capacités de la communauté éducative pour une citoyenneté globale en mettant l’accent sur les droits de l’homme, l’éducation pour la paix et l’égalité des sexes ; la réflexion et l’accroissement des connaissances de la communauté éducative ; et la mise en œuvre d’initiatives innovantes qui favorisent les réseaux, les comportements solidaires et qui entraînent indirectement un développement durable. Le travail s’axera sur une économie solidaire et une monnaie sociale, en développant avec le REAS, l’Association de quartier L’Unité et la communauté éducative, un module d’économie solidaire à mettre en œuvre dans les établissements scolaires et, en tant qu’élément novateur, la solidarité de la population adolescente sera encouragée grâce à un programme de monnaie pour le temps dédié à des activités sociales.

L’occasion qui nous a été donnée au cours de ce Forum mondial de présenter notre travail et celui réalisé par deux de nos partenaires les plus importants, a aussi permis aux participants de connaître notre projet Veo Veo [Je vois, je vois], qui a été exposé chaque jour lors de cette rencontre.

 

Article du bulletin mensuel de mai 2017 de l’association ACPP
Traduction par Traducteurs sans Frontières
Vous pouvez retrouver l’article en version originale sur la partie Espagnol du site
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Échos de Côte-d’Ivoire

Par les Ceméa de Côte d’ivoire

En Côte d’ivoire, les objectifs visés par les CEMEA – CI sont :

  • la formation par des méthodes actives, d’acteurs sociaux et éducatifs,
  • la promotion de projets,
  • et le développement de «  la recherche action » en vue de la transformation des pratiques éducatives et sociales.

En réalisation de ces objectifs, notre association vient de participer à un stage de formation du personnel éducatif et de gestion des séjours d’enfants (colonie de vacances) organisé par le Ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi des Jeunes et du Service civique, du 19 au 23 Avril 2017, au CAFOP de Grand Bassam.

Dans cet article,et vue de montrer comment se vivent nos stage , nous présenterons d’abord la structure du stage, ensuite, les activités qui sont menées et pour terminer les produits réalisés pendant le stage.

 I – STRUCTURE AU STAGE

A/Organigramme du stage

 

 

 

 

 

 

 

 

B/Les objectifs du stage

 

 

 

 

 

 

 

 

C/Equipe de Direction et liste des instructeurs

D/Effectifs du stage

II – ACTIVITÉS

A/Des cours théoriques

L’enfant étant le centre d’intérêt du séjour, la formation ont porté sur sa connaissance, la satisfaction de ses besoins et son épanouissement à travers des activités culturelles,ludiques, jeux et sports selon la trame du programme qui suit..

  • Connaissance de l’enfant et de ses besoins
  • Responsabilité du Moniteur (Etude de cas) pendant le sejour
  • Prospection, enquête de milieu, éducation à l’environnement, découverte du milieu
  • Lutte contre la violence dans le milieu des enfants et des jeunes
  • Animation d’un groupe
  • Voyages, sorties, excursions, détentes
  • Organisation de la vie en collectivité et mixité
  • Chants & jeux
  • Veillées traditionnelles

Ces thématiques concernent les moniteurs ou encadreurs de 1er et 2ème degré.(qui prennent part pour la 1ère fois à un séjour).

Les Directeurs et les Économes (assistant administratif et financier) ont été initiés à :

  • La préparation, le déroulement et la clôture d’un séjour,
  • L’élaboration d’un projet pédagogique
  • L’élaboration d’un budget Prévisionnelle de centre vacances de loisirs éducatifs
  • (voir  copie d’un exemple de budget  jointe)
  • Tenue d’une comptabilité de Direction et d’Économat.

Chaque intervention théorique, sous forme de table ronde,d’exposé, sur chacun de ces thèmes, a fait l’objet de travaux pratiques.

Exemple : confectionner un budget comme celui qui est joint, ou un projet pédagogique.

B/Activités manuelles et de production

C’est le prolongement des travaux pratiques

Il s’agit, à partir des techniques enseignées et reçues,

* de réaliser un objet avec des matériaux naturels récoltés à la découverte du milieu pendant le stage.

* de monter une chorégraphie, une saynètes, un sketch, ayant lien avec un problème de la vie de la  société ivoirienne etc.

III – PRODUITS

Une salle d’exposition reçoit au fur et à mesure les objets  fabriqués

Une présentation des activités culturelles se toutes les soirées au cours de veillées danse,saynète,etc

 

 

 

 

 

 

 

Masque Goly en Pays Baoulé

 

 

Cours théorique

 

 

Ces stages sont organisés en Côte d’Ivoire depuis 1969 et animés par les CEMEA – CI ,en raison d’une convention de partenariat appelée cahier des charges  un exemple de collaboration PPP= partenariat – public – privé.

La fin du stage est marquée par une cérémonie au cours de laquelle les stagiaires montrent et démontrent tout ce qu’ils ont appris pendant la formation :

 

Cérémonie de danse à l’honneur du roi et de la reine

 

 

 

 

Accueil  par une danse pour dire bienvenue à la délégation du Ministre  aux festivités de fin de stage

 

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Les Ceméa et Fanon

Dans sa revue Vie Sociale et Traitements n°89 de 2006, intitulée « Fanon : du soin à l’affranchissement » Jacques Ladsous nous parlait de sa rencontre et de son expérience avec Fanon. Décédé le 16 avril 2017

« En 1950, j’étais engagé à l’hôpital de Douera, à une vingtaine de kilomètres d’Alger. En 1953, Fanon était nommé à l’hôpital psychiatrique de Blida comme médecin-chef. Nous avions, l’un comme l’autre, l’intention d’exercer nos talents dans l’esprit qui était le nôtre, avec l’aide de la délégation des Ceméa , dirigée par une femme engagée – Madeleine Parcot – pour laquelle nos expériences devaient confirmer les idées pédagogiques et sociales qu’elle était appelée à répandre…

Les Ceméa étaient depuis la Libération dans leur plein développement. Et nous eûmes bien besoin de cette aide car très vite, nous avons dû déchanter et réinvestir autrement nos enthousiasmes. À Douera comme à Blida, nous avons découvert d’abord que les régimes de soins n’étaient pas les mêmes entre les Français d’origine et les indigènes : les uns avaient droit à des soins, les autres n’avaient pour tout traitement qu’un internement. Les théories psychiatriques de l’école d’Alger étaient affreusement discriminatoires. À Douera, nous ne traitions que les Français d’origine ; les autres n’avaient manifestement pas de troubles ou s’abstenaient d’en faire état. Je décidai de prendre la direction d’une communauté d’enfants à Chrea où la population était hétérogène – Chrea était situé dans la montagne, à 1800 m d’altitude au-dessus de Blida –, et l’hétérogénéité fut encore plus grande lorsque le tremblement de terre de ce qui s’appelait alors Orléans-Ville multiplia par trois le nombre de mes pensionnaires (120 x 3). Soigner la souffrance, ne pas laisser souffrir ceux qui nous étaient confiés fut évidemment notre premier souci.

Tandis que Frantz Fanon aidait notre équipe à comprendre les traumatismes subis par les enfants, nous l’aidions à transformer l’asile, en épaulant ses efforts pour la construction et la mise en place du terrain de football. Mais, on ne peut réparer les personnes sans essayer de comprendre les causes, afin de ne pas laisser subsister les conditions de la souffrance : causes individuelles mais aussi causes sociales et dysfonctionnements d’une organisation de la vie qui ne donnaient pas à tous des chances identiques…

Aux Ceméa , nous avons toujours pensé que notre action éducative ou sociale comportait une dimension politique, même si le compromis avec la réalité était indispensable. Ce compromis avec la réalité, c’est aussi savoir adapter les méthodes aux personnes, à leur culture, aux situations vécues. Fanon l’a expérimenté quand il a voulu utiliser à Blida les méthodes de thérapie sociale qu’il avait mises en œuvre à Saint-Alban.

« Vous savez, on ne comprend qu’avec ses tripes. Il n’était pas question pour moi d’imposer de l’extérieur des méthodes plus ou moins adaptées à la mentalité indigène. Il me fallait démontrer plusieurs choses : que la culture algérienne était porteuse de valeurs autres que la culture coloniale ; que ces valeurs structurantes devaient être assumées sans complexe par ceux qui en sont porteurs – les Algériens soignants et soignés. Il me fallait, pour avoir l’adhésion du personnel algérien, susciter chez eux un sentiment de révolte sur le mode : nous sommes aussi compétents que les Européens. C’était aux infirmiers algériens de suggérer les formes de sociabilité spécifiques et de les intégrer dans le processus de “social thérapie”. C’est ce qui est arrivé. La psychiatrie doit être politique. »

Mais le compromis avec la réalité ne saurait aller jusqu’à la compromission. Comprendre la réalité des uns, et faire avec, ne signifie nullement faire de l’opprimé un oppresseur en lui faisant épouser ses normes. Comme Vincent de Paul, comme Paolo Freire, il cherche autre chose.

L’éducation doit faire vivre le respect et la reconnaissance réciproques. Le soignant doit faire vivre la paix intérieure par la conscience progressive de ce qui empêche d’être pleinement homme. C’est en examinant les traumatismes des enfants victimes du tremblement de terre que Frantz Fanon nous a aidés à produire une éducation apaisante et valorisante. C’est en l’aidant à aménager son terrain de football que nous l’avons aidé à prouver que les « fous » ne sont pas forcément hors du jeu social. Notre travail commun, au-delà des cloisonnements administratifs et institutionnels, c’est bien de lutter contre les représentations excluantes, les stigmatisations rassurantes, les discriminations mutilantes…»

 

Jacques Ladsous, « Fanon : du soin à l’affranchissement », VST – Vie sociale et traitements 2006/1 (n o 89), p. 25-29.

Ce texte est issu d’une intervention de Jacques Ladsous à la conférence-débat « De l’exercice du soin à l’affranchissement de la dépendance », organisée par les ceméa de Martinique, dans le cadre du séminaire « Les ceméa et Frantz Fanon : itinéraires parallèles et convergents ? », 20-23 avril 2005.

 

 

 

 

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En avant pour la justice sociale au Québec

Par les Ceméa de Belgique

Durant la semaine du 8 mai, une délégation de militant-e-s des CEMÉA Belgique et de la FICEMÉA s’est rendue au Québec pour rencontrer des organisations et participer au colloque du Mouvement d’Éducation Populaire et d’Action Communautaire du Québec (MÉPACQ).

Récit de la semaine :

Lundi, nous avons rencontré le secrétaire général du Comité Syndical Francophone de l’Éducation et de la Formation (CSFEF). Autour d’une poutine, nous avons abordé les enjeux syndicaux à l’international, l’organisation en réseau des syndicats francophones ainsi que l’histoire du Québec, notamment autour de questions liées à l’éducation.

Suite à un rendez-vous avec Les Offices Jeunesse Internationaux du Québec (LOJIQ), nous avons été invités à un moment de rencontre avec Claude Poudrier afin qu’il présente le modèle pédagogique de Recherche-Action pour la Résolution de Problème Communautaire (RA : RPC), ainsi que le film « Porteurs d’espoirs » qui témoigne d’une expérience de la mise en œuvre de ce modèle. Ce moment fut riche en échanges. La présence d’une autre délégation de Belges représentants diverses associations et d’une personne ayant une expérience personnelle, en tant qu’enfant, de la RA : RPC était très intéressante.

Mardi, nous nous sommes rendus dans les bureaux du Forum Jeunesse de l’île de Montréal pour échanger sur la place des jeunes dans la société aujourd’hui et du travail du FJIM pour les impliquer à différents niveaux.

L’après-midi, nous avons pris le bus vers Trois-Rivières pour le colloque du MÉPACQ : « En action pour la justice sociale ! ». Pour la soirée d’ouverture, nous avons assisté à deux présentations suivies d’un moment d’échange. Pour commencer, Stéphanie Salagan nous a parlé de son expérience dans le camp d’Oceti Sakowin. Ce campement a été mis en place afin de protéger l’eau de la réserve indienne de Standing Rock du projet de construction d’un pipeline (Dakota Access Pipeline). Nous avons été très touché-e-s par ce témoignage et avons été choqué-e-s d’apprendre ou de réentendre comment le gouvernement Américain a mis fin aux différents camps destinés à protéger l’eau et poursuivre la construction du pipeline. Après quelques minutes de pause, Mélanie Lemay et Ariane Litalien ont témoigné d’avoir été victime d’un viol et comment la dénonciation de ceux-ci a été rendue impossible dans un contexte où la culture du viol est bien présente. Elles ont ensuite pris un temps pour raconter comment elles se sont rencontrées et ont lancé le mouvement Québec Contre les Violences Sexuelles pour dénoncer la manière dont les violences sexuelles sont abordées aujourd’hui. La soirée s’est poursuivie par un moment d’échange avec les trois intervenantes.

Mercredi matin, nous avons chacun-e pu choisir trois ateliers auxquels nous avons participé parmi : Actions dérangeantes, Bloquons le traffic, Porteur de paroles, Empowerment collectif des femmes, Rapport au territoire, Drop la bannière, Allyship et solidarité internationale, Flash-mob, Sérigraphie, Slam et Objet-symbole. Les ateliers duraient 45 minutes et avaient pour objectif de faire découvrir des pratiques, d’en démystifier certaines, de témoigner d’expériences, et d’échanger autour des diverses thématiques.

Après un moment de repas, nous avons assisté à une présentation de Vania Wright-Larin, « Comment agir concrètement sur notre milieu ? » autour des 13 règles de Saul Alinsky. Nous avions ensuite le choix entre plusieurs ateliers pour passer de la réflexion à l’action : Action dérangeante, Action artistique, Porteurs de paroles, Slam sauvage ou Flash-mob. En groupe, nous avons choisi un message, organisé une action, préparé le matériel nécessaire et peaufineé les détails avant de nous rendre dans le centre de Trois-Rivières pour un temps de revendication. Drop de bannière en haut d’un bâtiment, récolte de paroles sur l’importance des organismes communautaires, slams sauvages, flashs-mobs dans plusieurs endroits de la ville et installation artistique étaient au programme.

En parallèle de cette journée, une « équipe médias » s’est formée en matinée pour assurer la couverture médiatique des actions de l’après-midi.

La soirée festive proposée mercredi soir nous a permis de poursuivre les échanges entamés durant la journée, de rencontrer de nouvelles personnes et parler de nos luttes, de ce qui nous anime tout en continuant à découvrir l’approche communautaire telle que développée au Québec.

Jeudi matin, l’« équipe médias » a présenté au reste des participant-e-s le fruit de la couverture des actions à Trois-Rivières. Ensuite, en plénière, nous avons fait le point sur le colloque et sur comment les différents moments avaient été vécus et ce qu’ils avaient permis avant de clôturer le colloque.

L’après-midi, nous avons repris la route pour rentrer à Montréal.

Vendredi, après une rencontre et une présentation de l’association Exeko, deux d’entre nous sont parties à bord d’idAction mobile, « une caravane philosophique et culturelle parcourant les rues de Montréal et destinée à tous les citoyen-ne-s, en particulier aux personnes en situation d’itinérance », afin de découvrir une des activités d’Exeko. Le reste de la délégation s’est rendue au stade olympique pour rencontrer le Conseil Québecois du Loisir. Nous y avons parlé d’animation volontaire, de formation à l’animation et avons envisagé des partenariats. Cette rencontre a été riche de partage et d’échange.

En milieu d’après-midi, le soleil que nous attendions tellement a pointé le bout de son nez. C’était le moment idéal pour rencontrer la présidente de la Fédération Internationale des Mouvements de l’École Moderne (FIMEM) et échanger en terrasse. Nous avons parlé des écoles publiques alternatives du Québec, de l’histoire de la fédération internationale et des différents mouvements de l’École Moderne.

Samedi, nous avons pris un temps entre nous pour faire le bilan de notre voyage, de nos rencontres, faire des allers-retours entre les attentes que nous avions et ce qui s’étaient déroulé pendant la semaine.

Tout au long du séjour, nous avons eu l’occasion de découvrir Montréal, assister à un spectacle du Cirque du Soleil, goûter aux spécialités culinaires et aux produits de l’érable,

Dimanche soir, l’avion nous a ramené vers Bruxelles après une semaine intense en rencontres, en partage, en luttes et en échanges !

Simon Sterkendries

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La biennale internationale de l’Éducation Nouvelle approche !

Par le comité de pilotage de la Biennale internationale de l’Éducation Nouvelle

Nous y sommes… Presque !

Cela fait plus d’un an maintenant que nous avançons sur la préparation de cet évènement. Le comité de pilotage, des militantes et militants de nos mouvements, ont affiné le déroulé, précisé les contenus, travaillé sur l’environnement (l’accueil, les propositions culturelles, les expos, la librairie,…) de cette première Biennale internationale de l’éducation nouvelle. Cette nouvelle plaquette présente une partie de ces évolutions sans toutefois afficher un programme définitif car nous avons encore du travail ! C’est engagée à nos côtés, dans une posture affirmée de partenaire, que l’équipe de l’ Ecole supérieure de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche) (ESEN-ESR) construit les conditions de notre accueil et apportera ses propres contributions, sur le fond, au service des objectifs de cette Biennale.

La contribution active de la Fédération Internationale des Mouvements des Écoles Modernes, du LIEN  aux côtés de la FICEMEA doit favoriser par ailleurs le renforcement de la dimension internationale de cette première édition. Tout est donc prêt pour faire de cette première Biennale un évènement militant,thumbnail of BIEN_plaquette_presentation engagé et productif. Il ne manque plus que vous ! Car la réussite dépend de chacune et chacun d’entre nous. Nous ne serons pas participant.e.s mais auteur.e.s, acteur.rice.s et ça fera toute la différence.

http://www.biennale-internationale-de-l-education.org

 

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Visualisez le Pré-programme

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Communiqué de presse

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L’abus de Google à l’École peut nuire gravement à notre société…

L’éducation est un terrain de jeu mondial fructueux pour les grands groupes du numérique nommés les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et d’autres en quête de nouveaux marchés à conquérir. Cette transformation des systèmes éducatifs touche tous les pays du monde.Face a ce phénomène, la fonction de l’État devrait être de réguler les services éducatifs, de s’assurer que ces nouveaux supports et usages numériques bénéficient à l’intérêt public, aux services des élèves des professeur.e.s et des acteurs socio-éducatifs. Ce faisant, les usages du numérique devraient s’inscrire dans une politique publique en tant que bien commun.

L’exemple de ce qui se passe actuellement en France illustre tristement cette dérive mondiale et est de nature à sonner une nouvelle fois l’alarme ! Le ministère de l’éducation nationale français propose cette semaine de donner accès aux données numériques des élèves et des enseignant.e.s aux GAFAM.

Ainsi, il deviendrait le partenaire de ces groupes et ouvre les portes à l’introduction des GAFAM dans l’institution scolaire. Mathieu JEANDRON, Directeur du Numérique pour l’Éducation au ministère autorise à travers une lettre adressée aux Délégués Académiques du Numérique (DAN) la connexion des annuaires de l’institution avec les services Google !1

Comme indiqué dans l’article du Café Pédagogique, «L’enjeu, ce sont les données des élèves. Les entreprises auront accès aux annuaires des établissements et aux informations nominatives sur les élèves et les enseignants. Elles pourront suivre les déplacements et redoublements des uns et des autres, voir ce que le professeur X utilise comme ressource ou ce que fait l’élève Y. Ces données seront une manne pour le ciblage publicitaire ou pour revendre des informations à des partenaires». L’objectif sous-jacent est de développer des «pédagogies » inscrites dans une volonté de profit, de produire de futurs consommateurs de produits. Cette tendance est déjà hélas largement à l’œuvre dans de nombreux pays du monde. Lire à ce sujet l’excellent article de Natasha Singer «How google took over the classroom» dans le New York Times.2

M. JEANDRON explique que tout ceci s’inscrit dans le cadre d’une charte de confiance décrite comme un «pacte de confiance portant sur l’engagement de la protection de la vie privée des élèves et des enseignants ». Cette charte est certes au travail mais n’existe pas pour le moment, la CNIL interpellait d’ailleurs il y a peu sur l’urgence « Il est temps de mettre un cadre à toutes ces offres économiques » insistant sur le fait que « ce document devait être un outil contraignant (circulaire ou autre), robuste. Sur ce point-là, nous n’avons aucun élément de réponse à ce stade. »34

Si ce courriel de M.JEANDRON devait devenir une circulaire, ce serait, après l’accord Microsoft5, une ouverture grave de l’éducation aux marchés et un abandon coupable de la protection que l’État doit à ses citoyens.6

Nous assistons actuellement, à l’échelle mondiale, à la substitution des financements publics (nationaux et internationaux) par des financements issus de partenariats confiés à des sociétés privées qui ont plus des objectifs de profit que des visées d’éducation de la population. La tentative globale d’inclure l’éducation dans la sphère des rapports marchands n’est pas nouvelle. Mais l’irruption du « numérique » a fait entrer ce processus dans une nouvelle ère. Elle ne vise plus seulement l’enseignement en tant qu’activité de service mais massivement les ressources et contenus éducatifs en tant que « produits pédagogiques ». Ceci inclut des « modèles d’éducation » dont nous savons qu’ils ne sont pas neutres et plus dramatiquement encore la collecte et la privatisation de données précieuses à exploiter ! Selon les principes de l’appel des réseaux internationaux contre la marchandisation de l’éducation « L’État doit garantir que l’éducation ne soit pas instrumentalisée par les acteurs économiques et que soient appliqués les principes soutenant la démocratie tels que les principes de transparence, participation et responsabilité.

En analysant cette nouvelle orientation politique du ministère l’éducation nationale français sous le prisme de ces trois principes nous constatons que le processus marchand à l’œuvre est en contradiction avec l’idéal démocratique que nous défendons.

Transparence
L’ouverture au GAFAM contredit l’idéal de transparence de par le flou concernant l’utilisation des données des élèves et des enseignant.e.s par les groupes numériques. La récolte des données est une arme économique majeure. Cette récolte est stockée hors des frontières de collecte, posant la question majeure de la souveraineté des données. Les informations récoltées peuvent ensuite être vendues ou échangées dans une totale opacité pour les citoyen.ne.s. En laissant les GAFAM s’immiscer dans les pratiques des élèves dès le plus jeune âge, ces grands groupes ne les considèrant pas comme des apprenant.e.s mais de futur.e.s consommateurs.trices, l’Etat les rend vulnérables en ne jouant pas son rôle de régulateur.

Participation
Le numérique est et doit demeurer un support, un outil au service d’un projet pédagogique. Il ne faut pas confondre l’outil et la finalité de cet outil. Ce qui prime c’est la relation pédagogique, la construction du savoir par les élèves, la formation des enseignant.e.s, des acteurs.trices socio-éducatif.ve.s mais aussi la relation que les élèves créent avec les outils numériques en dehors de l’asservissement.

Les usages numériques transforment profondément les pratiques pédagogiques. Or, nous devons nous réapproprier ces outils, ces données pour en faire un bien commun accessible à tous et toutes.

Responsabilité
L’introduction du numérique par les GAFAM dans l’institution scolaire met en péril la question de l’appropriation par les citoyens.ne.s. Le numérique est envisagé comme un espace réservé aux expert.e.s et le grand public ne se considère pas armé pour comprendre, analyser les enjeux actuels.
La responsabilité de l’État est d’offrir un cadre de régulation, de protéger les citoyen.nes, d’introduire une réflexion critique.

Dans ce contexte international, nous militons pour la prise en compte dans le débat public (national, européen et mondial) des sujets liés au numérique comme objets intégralement politiques, sociétaux et philosophiques. Nous soutenons que le rôle des États est d’encourager et garantir les services, les logiciels et les écosystèmes qui donnent aux individus une capacité de critique, de conserver et d’accroître leur souveraineté numérique individuelle. Il est urgent d’informer les citoyen.ne.s sur les dérives en cours, réintroduire une critique de la question numérique par la formation et de sensibiliser à l’usage des logiciels libres, des services en ligne loyaux, décentralisés, éthiques et solidaires.

1 -Voir article du Café Pédagogique, 16 mai 2016, François Jarraud.

2-Voir article de Natasha SINGER dans le New York Times
3-Pour la CNIL, “la France doit garder la souveraineté de ses données scolaires”
4-Communiqué du 22 mai de la CNIL
5-Voir le texte de l’accord Microsoft-Ministère de l’Éducation.
6-TV5 Monde : «Éducation nationale, les données scolaires bradées aux GAFAM ?
Contacts presse : CEMEA France : pascal.gascoin@cemea.asso.fr
FICEMEA : ficemea@cemea.asso.fr
Premiers signataires
ABULEDU-FR https://abuledu.org
ACCP (Espagne) http://www.acpp.com/
AFOUL https://aful.org/
APRIL http://www.april.org
asbl RTA http://www.rta.be/
Association Nationale Scientifique de Jeunes ”Découverte de la Nature” Algérie.
CAEB http://www.caeb-benin.com/
CASAD-Bénin
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CEMEA Belgique http://www.cemea.be
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Education&Devenir http://educationetdevenir.fr/
EEDF http://www.eedf.fr
FCPE https://www.fcpe.asso.fr
FG PEP http://www.lespep.org/
FICEMEA http://www.ficemea.org
FRAMASOFT : https://framasoft.org
Guépier d’Afrique (RD Congo)
ICEM www.icem-pedagogie-freinet.org
JEVEV ONG http://ongjevev.wixsite.com/ong-jevev
Le Planning https://www.planning-familial.org/
Le Réseau Ivoirien pour la Promotion de l’Education Pour Tous (RIP- PT) http://www.ripept.org
PAPDA (Plateforme Haïtienne de Plaidoyer pour un Développement Alternatif)
UNAFETPCI Union Nationale des Formateurs de l’Enseignement technique et Professionnel de Côte d’Ivoire
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