Pourquoi Framasoft n’ira plus prendre le thé au ministère de l’Éducation Nationale

https://framablog.org/2016/11/25/pourquoi-framasoft-nira-plus-prendre-le-the-au-ministere-de-leducation-nationale /

Cet article vise à clarifier la position de Framasoft, sollicitée à plusieurs reprises par le Ministère de l’Éducation Nationale ces derniers mois. Malgré notre indignation, il ne s’agit pas de claquer la porte, mais au contraire d’en ouvrir d’autres vers des acteurs qui nous semblent plus sincères dans leur choix du libre et ne souhaitent pas se cacher derrière une « neutralité et égalité de traitement » complètement biaisée par l’entrisme de Google, Apple ou Microsoft au sein de l’institution.

Pour commencer

Une technologie n’est pas neutre, et encore moins celui ou celle qui fait des choix technologiques. Contrairement à l’affirmation de la Ministre de l’Éducation Mme Najat Vallaud-Belkacem, une institution publique ne peut pas être « neutre technologiquement », ou alors elle assume son incompétence technique (ce qui serait grave). En fait, la position de la ministre est un sophisme déjà bien ancien ; c’est celui du Gorgias de Platon qui explique que la rhétorique étant une technique, il n’y en a pas de bon ou de mauvais usage, elle ne serait qu’un moyen.

Or, lui oppose Socrate, aucune technique n’est neutre : le principe d’efficacité suppose déjà d’opérer des choix, y compris économiques, pour utiliser une technique plutôt qu’une autre ; la possession d’une technique est déjà en soi une position de pouvoir ; enfin, rappelons l’analyse qu’en faisait Jacques Ellul : la technique est un système autonome qui impose des usages à l’homme qui en retour en devient addict. Même s’il est consternant de rappeler de tels fondamentaux à ceux qui nous gouvernent, tout choix technologique suppose donc une forme d’aliénation. En matière de logiciels, censés servir de supports dans l’Éducation Nationale pour la diffusion et la production de connaissances pour les enfants, il est donc plus qu’évident que choisir un système plutôt qu’un autre relève d’une stratégie réfléchie et partisane.

Le tweet confondant neutralité logicielle et choix politique.

Un système d’exploitation n’est pas semblable à un autre, il suffit pour cela de comparer les deux ou trois principaux OS du marché (privateur) et les milliers de distributions GNU/Linux, pour comprendre de quel côté s’affichent la créativité et l’innovation. Pour les logiciels en général, le constat est le même : choisir entre des logiciels libres et des logiciels privateurs implique une position claire qui devrait être expliquée. Or, au moins depuis 1997, l’entrisme de Microsoft dans les organes de l’Éducation Nationale a abouti à des partenariats et des accords-cadres qui finirent par imposer les produits de cette firme dans les moindres recoins, comme s’il était naturel d’utiliser des solutions privatrices pour conditionner les pratiques d’enseignement, les apprentissages et in fine tous les usages numériques. Et ne parlons pas des coûts que ces marchés publics engendrent, même si les solutions retenues le sont souvent, au moins pour commencer, à « prix cassé ».

Depuis quelque temps, au moins depuis le lancement de la première vague de son projet Degooglisons Internet, Framasoft a fait un choix stratégique important : se tourner vers l’éducation populaire, avec non seulement ses principes, mais aussi ses dynamiques propres, ses structures solidaires et les valeurs qu’elle partage. Nous ne pensions pas que ce choix pouvait nous éloigner, même conceptuellement, des structures de l’Éducation Nationale pour qui, comme chacun le sait, nous avons un attachement historique. Et pourtant si… Une rétrospective succincte sur les relations entre Microsoft et l’Éducation Nationale nous a non seulement donné le tournis mais a aussi occasionné un éclair de lucidité : si, malgré treize années d’(h)activisme, l’Éducation Nationale n’a pas bougé d’un iota sa préférence pour les solutions privatrices et a même radicalisé sa position récemment en signant un énième partenariat avec Microsoft, alors nous utiliserions une partie des dons, de notre énergie et du temps bénévole et salarié en pure perte dans l’espoir qu’il y ait enfin une position officielle et des actes concrets en faveur des logiciels libres. Finalement, nous en sommes à la fois indignés et confortés dans nos choix.

 

Extrait de l’accord-Cadre MS-EN novembre 2015

L’Éducation Nationale et Microsoft, une (trop) longue histoire

En France, les rapports qu’entretient le secteur de l’enseignement public avec Microsoft sont assez anciens. On peut remonter à la fin des années 1990 où eurent lieu les premiers atermoiements à l’heure des choix entre des solutions toutes faites, clés en main, vendues par la société Microsoft, et des solutions de logiciels libres, nécessitant certes des efforts de développement mais offrant à n’en pas douter, des possibilités créatrices et une autonomie du service public face aux monopoles économiques. Une succession de choix délétères nous conduisent aujourd’hui à dresser un tableau bien négatif.

Dans un article paru dans Le Monde du 01/10/1997, quelques mois après la réception médiatisée de Bill Gates par René Monory, alors président du Sénat, des chercheurs de l’Inria et une professeure au CNAM dénonçaient la mainmise de Microsoft sur les solutions logicielles retenues par l’Éducation Nationale au détriment des logiciels libres censés constituer autant d’alternatives fiables au profit de l’autonomie de l’État face aux monopoles américains. Les mots ne sont pas tendres :

(…) Microsoft n’est pas la seule solution, ni la meilleure, ni la moins chère. La communauté internationale des informaticiens développe depuis longtemps des logiciels, dits libres, qui sont gratuits, de grande qualité, à la disposition de tous, et certainement beaucoup mieux adaptés aux objectifs, aux besoins et aux ressources de l’école. Ces logiciels sont largement préférés par les chercheurs, qui les utilisent couramment dans les contextes les plus divers, et jusque dans la navette spatiale. (…) On peut d’ailleurs, de façon plus générale, s’étonner de ce que l’administration, et en particulier l’Éducation Nationale, préfère acheter (et imposer à ses partenaires) des logiciels américains, plutôt que d’utiliser des logiciels d’origine largement européenne, gratuits et de meilleure qualité, qui préserveraient notre indépendance technologique.

L’année suivante, en octobre 1998, le Ministère de l’Éducation Nationale signe avec l’AFUL un accord-cadre pour l’exploitation, le développement et l’expertise de solutions libres dans les établissements. Le Ministère organise même en juillet 1999 une Université d’été « La contribution des logiciels et ressources libres à l’amélioration de l’environnement de travail des enseignants et des élèves sur les réseaux ».

Microsoft : Do you need a backdoor ?

D’autres témoignages mettent en lumière des tensions entre logiciels libres et logiciels privateurs dans les décisions d’équipement et dans les intentions stratégiques de l’Éducation Nationale au tout début des années 2000. En revanche, en décembre 2003, l’accord-cadre1 Microsoft et le Ministère de l’Éducation Nationale change radicalement la donne et propose des solutions clés en main intégrant trois aspects :

  • tous les établissements de l’Éducation Nationale sont concernés, des écoles primaires à l’enseignement supérieur ;
  • le développement des solutions porte à la fois sur les systèmes d’exploitation et la bureautique, c’est-à-dire l’essentiel des usages ;
  • la vente des logiciels se fait avec plus de 50 % de remise, c’est-à-dire avec des prix résolument tirés vers le bas.

Depuis lors, des avenants à cet accord-cadre sont régulièrement signés. Comme si cela ne suffisait pas, certaines institutions exercent leur autonomie et établissent de leur côté des partenariats « en surplus », comme l’Université Paris Descartes le 9 juillet 2009, ou encore les Villes, comme Mulhouse qui signe un partenariat Microsoft dans le cadre de « plans numériques pour l’école », même si le budget est assez faible comparé au marché du Ministère de l’Éducation.

Il serait faux de prétendre que la société civile ne s’est pas insurgée face à ces accords et à l’entrisme de la société Microsoft dans l’enseignement. On ne compte plus les communiqués de l’April (souvent conjoints avec d’autres associations du Libre) dénonçant ces pratiques. Bien que des efforts financiers (discutables) aient été faits en faveur des logiciels libres dans l’Éducation Nationale, il n’en demeure pas moins que les pratiques d’enseignement et l’environnement logiciel des enfants et des étudiants sont soumis à la microsoftisation des esprits, voire une Gafamisation car la firme Microsoft n’est pas la seule à signer des partenariats dans ce secteur. Le problème ? Il réside surtout dans le coût cognitif des outils logiciels qui, sous couvert d’apprentissage numérique, enferme les pratiques dans des modèles privateurs : « Les enfants qui ont grandi avec Microsoft, utiliseront Microsoft ».

Et si c’était MacDonald’s qui rentrait dans les cantines scolaires… ? Les habitudes malsaines peuvent se prendre dès le plus jeune âge.

On ne saurait achever ce tableau sans mentionner le plus récent partenariat Microsoft-EN signé en novembre 2015 et vécu comme une véritable trahison par, entre autres, beaucoup d’acteurs du libre. Il a en effet été signé juste après la grande consultation nationale pour le Projet de Loi Numérique porté par la ministre Axelle Lemaire. La consultation a fait ressortir un véritable plébiscite en faveur du logiciel libre dans les administrations publiques et des amendements ont été discutés dans ce sens, même si le Sénat a finalement enterré l’idée. Il n’en demeure pas moins que les défenseurs du logiciel libre ont cru déceler chez nombre d’élus une oreille attentive, surtout du point de vue de la souveraineté numérique de l’État. Pourtant, la ministre Najat Vallaud-Belkacem a finalement décidé de montrer à quel point l’Éducation Nationale ne saurait être réceptive à l’usage des logiciels libre en signant ce partenariat, qui constitue, selon l’analyse par l’April des termes de l’accord, une « mise sous tutelle de l’informatique à l’école » par Microsoft.

Entre libre-washing et méthodes douteuses

Pour être complète, l’analyse doit cependant rester honnête : il existe, dans les institutions de l’Éducation Nationale des projets de production de ressources libres. On peut citer par exemple le projet EOLE (Ensemble Ouvert Libre Évolutif), une distribution GNU/Linux basée sur Ubuntu, issue du Pôle de compétence logiciel libre, une équipe du Ministère de l’Éducation Nationale située au rectorat de l’académie de Dijon. On peut mentionner le projet Open Sankoré, un projet de développement de tableau interactif au départ destiné à la coopération auprès de la Délégation Interministérielle à l’Éducation Numérique en Afrique (DIENA), repris par la nouvelle Direction du numérique pour l’éducation (DNE) du Ministère de l’EN, créée en 2014. En ce qui concerne l’information et la formation des personnels, on peut souligner certaines initiatives locales comme le site Logiciels libres et enseignement de la DANE (Délégation Académique au Numérique Éducatif) de l’académie de Versailles. D’autres projets sont parfois maladroits comme la liste de « logiciels libres et gratuits » de l’académie de Strasbourg, qui mélange allègrement des logiciels libres et des logiciels privateurs… pourvus qu’ils soient gratuits.

Les initiatives comme celles que nous venons de recenser se comptent néanmoins sur les doigts des deux mains. En pratique, l’environnement des salles informatiques des lycées et collèges reste aux couleurs Microsoft et les tablettes (réputées inutiles) distribuées çà et là par villes et départements, sont en majorité produites par la firme à la pomme2. Les enseignants, eux, n’ayant que très rarement voix au chapitre, s’épuisent souvent à des initiatives en classe fréquemment isolées bien que créatives et efficaces. Au contraire, les inspecteurs de l’Éducation Nationale sont depuis longtemps amenés à faire la promotion des logiciels privateurs quand ils ne sont pas carrément convoqués chez Microsoft.

Convocation Inspecteurs de l’EN chez Microsoft

L’interprétation balance entre deux possibilités. Soit l’Éducation Nationale est composée exclusivement de personnels incohérents prêts à promouvoir le logiciel libre partout mais ne faisant qu’utiliser des suites Microsoft. Soit des projets libristes au sein de l’Éducation Nationale persistent à exister, composés de personnels volontaires et motivés, mais ne s’affichent que pour mieux mettre en tension les solutions libres et les solutions propriétaires. Dès lors, comme on peut s’attendre à ce que le seul projet EOLE ne puisse assurer toute une migration de tous les postes de l’EN à un système d’exploitation libre, il est logique de voir débouler Microsoft et autres sociétés affiliées présentant des solutions clés en main et économiques. Qu’a-t-on besoin désormais de conserver des développeurs dans la fonction publique puisque tout est pris en charge en externalisant les compétences et les connaissances ? Pour que cela ne se voie pas trop, on peut effectivement s’empresser de mettre en avant les quelques deniers concédés pour des solutions libres, parfois portées par des sociétés à qui on ne laisse finalement aucune chance, telle RyXéo qui proposait la suite Abulédu.

Finalement, on peut en effet se poser la question : le libre ne serait-il pas devenu un alibi, voire une caution bien mal payée et soutenue au plus juste, pour légitimer des solutions privatrices aux coûts exorbitants ? Les décideurs, DSI et autres experts, ne préfèrent-ils pas se reposer sur un contrat Microsoft plutôt que sur le management de développeurs et de projets créatifs ? Les solutions les plus chères sont surtout les plus faciles.

Plus faciles, mais aussi plus douteuses ! On pourra en effet se pencher à l’envi sur les relations discutables entre certains cadres de Microsoft France et leurs postes occupés aux plus hautes fonctions de l’État, comme le montrait le Canard Enchaîné du 30 décembre 2015. Framasoft se fait depuis longtemps l’écho des manœuvres de Microsoft sans que cela ne soulève la moindre indignation chez les décideurs successifs au Ministère3. On peut citer, pêle-mêle :

Cette publicité est un vrai tweet Microsoft. Oui.
Cliquez sur l’image pour lire l’article de l’APRIL à ce sujet.

Du temps et de l’énergie en pure perte

« Vous n’avez qu’à proposer », c’est en substance la réponse balourde par touittes interposés de Najat Vallaud-Belkacem aux libristes qui dénonçaient le récent accord-cadre signé entre Microsoft et le Ministère. Car effectivement, c’est bien la stratégie à l’œuvre : alors que le logiciel libre suppose non seulement une implication forte des décideurs publics pour en adopter les usages, son efficience repose également sur le partage et la contribution. Tant qu’on réfléchit en termes de pure consommation et de fournisseur de services, le logiciel libre n’a aucune chance. Il ne saurait être adopté par une administration qui n’est pas prête à développer elle-même (ou à faire développer) pour ses besoins des logiciels libres et pertinents, pas plus qu’à accompagner leur déploiement dans des milieux qui ne sont plus habitués qu’à des produits privateurs prêts à consommer.

Au lieu de cela, les décideurs s’efforcent d’oublier les contreparties du logiciel libre, caricaturent les désavantages organisationnels des solutions libres et légitiment la Microsoft-providence pour qui la seule contrepartie à l’usage de ses logiciels et leur « adaptation », c’est de l’argent… public. Les conséquences en termes de hausses de tarifs des mises à jour, de sécurité, de souveraineté numérique et de fiabilité, par contre, sont des sujets laissés vulgairement aux « informaticiens », réduits à un débat de spécialistes dont les décideurs ne font visiblement pas partie, à l’instar du Ministère de la défense lui aussi aux prises avec Microsoft.

Comme habituellement il manque tout de même une expertise d’ordre éthique, et pour peu que des compétences libristes soient nécessaires pour participer au libre-washing institutionnel, c’est vers les associations que certains membres de l’Éducation Nationale se tournent. Framasoft a bien souvent été démarchée soit au niveau local pour intervenir dans des écoles / collèges / lycées afin d’y sensibiliser au Libre, soit pour collaborer à des projets très pertinents, parfois même avec des possibilités de financement à la clé. Ceci depuis les débuts de l’association qui se présente elle-même comme issue du milieu éducatif.

Témoignage : usage de Framapad à l’école

Depuis plus de dix ans Framasoft intervient sur des projets concrets et montre par l’exemple que les libristes sont depuis longtemps à la fois forces de proposition et acteurs de terrain, et n’ont rien à prouver à ceux qui leur reprocheraient de se contenter de dénoncer sans agir. Depuis deux décennies des associations comme l’April ont impulsé des actions, pas seulement revendicatrices mais aussi des conseils argumentés, de même que l’AFUL (mentionnée plus haut). Las… le constat est sans appel : l’Éducation Nationale a non seulement continué à multiplier les relations contractuelles avec des firmes comme Microsoft, barrant la route aux solutions libres, mais elle a radicalisé sa position en novembre 2015 en un ultime pied de nez à ces impertinentes communautés libristes.

Nous ne serons pas revanchards, mais il faut tout de même souligner que lorsque des institutions publiques démarchent des associations composées de membres bénévoles, les tâches demandées sont littéralement considérées comme un dû, voire avec des obligations de rendement. Cette tendance à amalgamer la soi-disant gratuité du logiciel libre et la soi-disant gratuité du temps bénévole des libristes, qu’il s’agisse de développement ou d’organisation, est particulièrement détestable.

Discuter au lieu de faire

À quelles demandes avons-nous le plus souvent répondu ? Pour l’essentiel, il s’agit surtout de réunions, de demandes d’expertises dont les résultats apparaissent dans des rapports, de participation plus ou moins convaincante (quand il s’agit parfois de figurer comme caution) à des comités divers, des conférences… On peut discuter de la pertinence de certaines de ces sollicitations tant les temporalités de la réflexion et des discours n’ont jamais été en phase avec les usages et l’évolution des pratiques numériques.

Le discours de Framasoft a évolué en même temps que grandissait la déception face au décalage entre de timides engagements en faveur du logiciel libre et des faits attestant qu’à l’évidence le marché logiciel de l’Éducation Nationale était structuré au bénéfice des logiques privatrices. Nous en sommes venus à considérer que…

  • si, en treize ans de sensibilisation des enseignants et des décideurs, aucune décision publique n’a jamais assumé de préférence pour le logiciel libre ;
  • si, en treize ans, le discours institutionnel s’est même radicalisé en défaveur du Libre : en 2003, le libre n’est « pas souhaitable » ; en 2013 le libre et les formats ouverts pourraient causer des « difficultés juridiques » ; en 2016, le libre ne pourra jamais être prioritaire malgré le plébiscite populaire4

…une association comme Framasoft ne peut raisonnablement continuer à utiliser l’argent de ses donateurs pour dépenser du temps bénévole et salarié dans des projets dont les objectifs ne correspondent pas aux siens, à savoir la promotion et la diffusion du Libre.

Par contre, faire la nique à Microsoft en proposant du Serious Gaming éducatif, ça c’est concret !

L’éducation populaire : pas de promesses, des actes

Framasoft s’est engagée depuis quelque temps déjà dans une stratégie d’éducation populaire. Elle repose sur les piliers suivants :

  • social : le mouvement du logiciel libre est un mouvement populaire où tout utilisateur est créateur (de code, de valeur, de connaissance…) ;
  • technique : par le logiciel libre et son développement communautaire, le peuple peut retrouver son autonomie numérique et retrouver savoirs et compétences qui lui permettront de s’émanciper ;
  • solidaire : le logiciel libre se partage, mais aussi les compétences, les connaissances et même les ressources. Le projet CHATONS démontre bien qu’il est possible de renouer avec des chaînes de confiance en mobilisant des structures au plus proche des utilisateurs, surtout si ces derniers manquent de compétences et/ou d’infrastructures.

Quelles que soient les positions institutionnelles, nous sommes persuadés qu’en collaborant avec de petites ou grandes structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), avec le monde culturel en général, nous touchons bien plus d’individus. Cela sera également bien plus efficace qu’en participant à des projets avec le Ministère de l’Éducation Nationale, qui se révèlent n’avoir au final qu’une portée limitée. Par ailleurs, nous sommes aussi convaincus que c’est là le meilleur moyen de toucher une grande variété de publics, ceux-là mêmes qui s’indigneront des pratiques privatrices de l’Éducation Nationale.

Néanmoins, il est vraiment temps d’agir, car même le secteur de l’ESS commence à se faire « libre-washer » et noyauter par Microsoft : par exemple la SocialGoodWeek a pour partenaires MS et Facebook ; ou ADB Solidatech qui équipe des milliers d’ordinateurs pour associations avec des produits MS à prix cassés.

Ce positionnement du « faire, faire sans eux, faire malgré eux » nous a naturellement amenés à développer notre projet Degooglisons Internet. Mais au-delà, nous préférons effectivement entrer en relation directe avec des enseignants éclairés qui, plutôt que de perdre de l’énergie à convaincre la pyramide hiérarchique kafkaïenne, s’efforcent de créer des projets concrets dans leurs (minces) espaces de libertés. Et pour cela aussi le projet Degooglisons Internet fait mouche.

Nous continuerons d’entretenir des relations de proximité et peut-être même d’établir des projets communs avec les associations qui, déjà, font un travail formidable dans le secteur de l’Éducation Nationale, y compris avec ses institutions, telles AbulEdu, Sésamath et bien d’autres. Il s’agit là de relations naturelles, logiques et même souhaitables pour l’avancement du Libre. Fermons-nous définitivement la porte à l’Éducation Nationale ? Non… nous inversons simplement les rôles.

Pour autant, il est évident que nous imposons implicitement des conditions : les instances de l’Éducation Nationale doivent considérer que le logiciel libre n’est pas un produit mais que l’adopter, en plus de garantir une souveraineté numérique, implique d’en structurer les usages, de participer à son développement et de généraliser les compétences en logiciels libres. Dans un système déjà noyauté (y compris financièrement) par les produits Microsoft, la tâche sera rude, très rude, car le coût cognitif est déjà cher payé, dissimulé derrière le paravent brumeux du droit des marchés publics (même si en la matière des procédures négociées peuvent très bien être adaptées au logiciel libre). Ce n’est pas (plus) notre rôle de redresser la barre ou de cautionner malgré nous plus d’une décennie de mauvaises décisions pernicieuses.

Si l’Éducation Nationale décide finalement et officiellement de prendre le bon chemin, avec force décrets et positions de principe, alors, ni partisans ni vindicatifs, nous l’accueillerons volontiers à nos côtés car « la route est longue, mais la voie est libre… ».

— L’association Framasoft

En revanche, si c’est juste pour prendre le thé… merci de se référer à l’erreur 418.

 

  1. Voir aussi sur education.gouv.fr. Autre lien sur web.archive.org.
  2. Mais pas toujours. Microsoft cible aussi quelques prospects juteux avec les établissements « privés » sous contrat avec l’EN, qui bénéficient d’une plus grande autonomie décisionnelle en matière de numérique. Ainsi on trouve de véritables tableaux de chasse sur le site de Microsoft France. Exemple : Pour les élèves du collège Saint Régis-Saint Michel du Puy-en-Velay (43), « Windows 8, c’est génial ! ».
  3. Certes, on pourrait aussi ajouter que, bien qu’il soit le plus familier, Microsoft n’est pas le seul acteur dans la place : Google est membre fondateur de la « Grande École du Numérique » et Apple s’incruste aussi à l’école avec ses tablettes.
  4. On pourra aussi noter le rôle joué par l’AFDEL et Syntec Numérique dans cette dernière décision, mais aussi, de manière générale, par les lobbies dans les couloirs de l’Assemblée et du Sénat. Ceci n’est pas un scoop.

Va voir le lien il y a des photos.

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Éducation et numérique : défendre le bien commun

Du 8 au 10 mars 2017 aura lieu à Paris EduSpot, un « rendez-vous pour continuer la transformation numérique de l’École » ainsi que le présente Le Café Pédagogique (qui se veut le « site de toute l’actualité pédagogique »). Le Ministère de l’Éducation Nationale est partie prenante de cet événement. Pourtant, à bien des égards, cette initiative nous paraît contestable, voire préoccupante.

EduSpot : des entrepreneurs prêts à se sacrifier pour le bien commun

EduSpot se présente comme un énième « rendez-vous du numérique ». Conscients, sans doute, de ne pas être les premiers sur le créneau (cf. par exemple http://www.educatec-educatice.com/ ou encore http://www.frenchtoucheducation.com/ ), les organisateurs prétendent proposer, en toute humilité, « le rendez-vous de l’ensemble des de l’e-éducation, de l’e-formation et de l’e-technologie, du Primaire, du Secondaire, du Supérieur, de la formation professionnelle et de la formation tout au long de la vie ». Il va de soi qu’il s’agira d’un moment d’échanges tournés vers l’avenir et décidément engagés dans l’innovation, conformément aux éléments de langage à la mode dans les startups.

Mais qui sont les organisateurs de cet « event » tant attendu ? Essentiellement l’Afinef (Association française des industriels du numérique de l’éducation et de la formation). Autrement dit, un groupe de pression patronal, dans lequel on trouve les représentants de modestes entreprises comme Microsoft France ou Texas Instrument. L’Afinef est liée depuis sa fondation à Cap Digital, « pôle de compétitivité » rassemblant par exemple Orange, la Société Générale, Bouygues ou encore Dassault, autres petites PME familiales. Le but de cette association (à but non lucratif) est de « développer le marché de l’éducation », à but nettement plus lucratif. Un coup d’œil sur son site permet de saisir rapidement l’argumentaire larmoyant : la France est en retard dans le processus de marchandisation de l’éducation, il est grand temps que l’État accélère ce processus par des subventions et des cadeaux fiscaux aux acteurs privés[1].

La stratégie est un peu trop lisible, voire grossière quand on sait à quoi a déjà mené le CICE : 20 milliards d’euros d’argent public pour un dispositif à l’efficacité plus que douteuse en termes de création d’emploi et même de croissance économique (lire par exemple cet article de La Tribune). Ainsi faut-il tâcher de couvrir les appétits marchands d’un habit plus présentable, compatible avec la vision d’une école au service de l’intérêt général. Ce storytelling est assuré notamment par un groupe appelé Ashoka. Celui-ci se présente comme une association à but non lucratif,  « une organisation internationale qui a pour vocation de faire émerger et de soutenir les solutions entrepreneuriales les plus innovantes aux défis sociaux et environnementaux actuels, ce qui a pour effet d’inspirer tous les acteurs de la société à devenir à leur tour des acteurs de changement » (site internet Ashoka en français : http://www.ashokacocreation.org/) II s’agit donc de patrons si soucieux du bien commun qu’ils s’engagent « dans un cadre associatif » pour mettre leurs compétences « au service d’un problème social »[2]. Ces bienfaiteurs s’intéressent évidemment à la pédagogie dont ils sont de grands et sincères défenseurs. Ils seront ainsi doublement représentés en ouverture d’EduSpot, aux côtés du fondateur de l’Afinef, tout à la fois par J. Grumbach, réalisatrice du film documentaire « Une idée folle » pour Ashoka (https://www.uneideefolle-lefilm.com/) ainsi que par François Taddei, dont il nous faudra reparler. Ces deux derniers se chargent avec un certain brio de porter haut les valeurs et le marketing d’Ashoka.

Après avoir versé une larme devant tant de philanthropie, on rappellera que ce sont précisément des associations à but non lucratif qui ont pris en charge la privatisation de l’éducation secondaire en Angleterre et en Suède, par exemple[3]. De la même façon, aux États-Unis comme en Belgique, le groupe Pearson utilise la façade d’une fondation à but non lucratif, et a d’ailleurs été condamné lourdement pour ce mélange des genres entre business et charité[4]. Autrement dit, Ashoka est le faux-nez d’une stratégie de privatisation de l’éducation[5]. La manœuvre est d’autant plus préoccupante qu’elle détourne pour ses profits les mots de l’émancipation[6].

Cette entreprise de marchandisation bénéficie de plus en plus ouvertement de relais médiatiques puissants. On pense au journal Le Monde (plus précisément au Monde Campus) qui a multiplié les articles écrits « en partenariat » avec Ashoka[7], faisant ainsi la promotion (à but non lucratif) de sa stratégie de privatisation. Le fait que X. Niel, copropriétaire du groupe Le Monde, ait des intérêts à voir l’éducation devenir un vaste marché est peut-être lié à cette attention bienveillante. Aucun étonnement dans ces conditions à voir la rubrique Campus du journal mettre en valeur un « diplôme d’EdTech, pour imaginer l’éducation de demain » dans un article récent.

On peut également citer parmi les relais médiatiques des entrepreneurs d’école le journal l’Etudiant qui organisait dans ses locaux, le 23 février dernier, une conférence sur le thème « Marché de l’éducation et stratégies financières : comment se positionner ». La journée débutait par l’intervention d’une experte en finance, travaillant à la Financière de Courcelles[8]. On devine à quel point les préoccupations pédagogiques étaient au centre des débats. La directrice de la rédaction de l’Etudiant, Marie-Caroline Missir, qui animait cette journée de plaidoyer en faveur de la marchandisation de l’éducation, est aussi chroniqueuse dans la seule émission de radio consacrée aux questions d’éducation, sur France Culture, Rue des Écoles. Elle n’hésite pas à y développer, chaque dimanche, une vision de l’éducation très compatible avec sa privatisation.

Plus grave : le Ministère de l’Éducation nationale comme fer de lance

Face à une telle offensive, on s’attendrait à voir le Ministère réagir. N’est-il pas le premier défenseur du service public, d’une éthique du bien commun et de l’intérêt général face aux appétits du privé ? Or, bien au contraire, le MEN appelle à participer à EduSpot, cet événement organisé par le patronat. Plus encore, il lui apporte son appui, au sein d’une liste interminable de « partenaires institutionnels » : Ministère de l’Éducation Nationale, Ministère de l’Economie, Académie de Versailles, Canopé (organisme public chargé d’éditer des ressources pédagogiques pour les enseignant.e.s), Caisse des Dépôts, Régions de France, Assemblée des départements, etc. Pour couronner le tout, la ministre elle-même sera présente, aux côtés des représentants du patronat (déguisés ou non en philanthropes) pour ouvrir EduSpot.

Il y a plus préoccupant encore : l’institution a décidé d’organiser « un séminaire de formation national » de ses propres personnels durant ces rencontres patronales. Il s’agit plus précisément des IAN (Interlocuteurs académiques pour le numérique) ainsi que des délégués académiques au numérique[9]. Or, le numérique est un des leviers des industriels pour faire de l’éducation un grand marché, de la maternelle au supérieur. L’Afinef, quant à elle, entend « structurer et faciliter le développement d’une puissante industrie numérique “à la française” par opposition et imitation des marchés déjà bien développés, en Grande-Bretagne et aux États-Unis »[10]. Il s’agit clairement pour le patronat français de prendre modèle sur son homologue britannique, le BESA (British Educational Suppliers Association), qui a été le fer de lance de la destruction du service public d’enseignement au Royaume-Uni, comme l’explique avec clarté Alain Chaptal :

« Le syndicat professionnel regroupant les fournisseurs de ressources, de matériels ou de services éducatifs, la British Educational Suppliers Association ou Besa a joué en effet un rôle de plus en plus déterminant dans l’élaboration des politiques éducatives. Cela n’est pas dû seulement au talent de ses dirigeants. Il s’agit de la concrétisation d’un projet politique, élaboré par Margaret Thatcher et confirmé par le New Labour, attribuant un rôle important à l’industrie, à sa vision d’un marché et ses problématiques de retour sur investissement, dans la définition et la planification des politiques éducatives. Lors des deux premiers gouvernements conservateurs des années 80, des efforts importants ont été consacrés à la création d’un marché éducatif. Pour cela les collectivités locales ont été mises à l’écart, les crédits allant directement vers des établissements rendus autonomes pour leurs achats, et la profession enseignante s’est vue déposséder de son rôle de gardien (et d’arbitre) des valeurs éducatives. A l’inverse, l’accent a été mis sur l’affirmation du droit des parents de librement choisir l’école de leurs enfants, le gouvernement définissant des standards et un curriculum national et mettant en place le système des tests généralisés. » [11]

En organisant un tel séminaire au milieu d’une rencontre patronale, le Ministère de l’Éducation nationale répond on ne peut plus explicitement à l’agenda – dans tous les sens du terme – des entreprises. Les personnels se trouvent ainsi conviés à participer bien malgré eux à une offensive que l’immense majorité d’entre eux est loin d’approuver.

Un autre numérique éducatif est possible

Une précision s’impose en conclusion, pour éviter certains malentendus : il ne s’agit pas pour nous de condamner le numérique en soi, ni les rencontres de professionnel.le.s de l’éducation, qui ont lieu tout au long de l’année pour échanger sur ce thème.  Mais nous sommes indignés par son instrumentalisation de plus en plus systématique par des intérêts strictement privés, désireux de l’utiliser comme levier pour étendre leur emprise sur l’éducation publique, voire pour détruire celle-ci. Afin de résister à ce travail de sape, il est temps de mettre en place une véritable stratégie numérique publique, pour en faire un bien commun. Pour cela, il faut évidemment faire appel à des solutions libres et gratuites, mais aussi à des personnels appartenant pleinement au service public : des postes de développeurs, d’informaticiens devraient être créés en grand nombre au sein de l’Éducation nationale. Il faut enfin reconnaître les compétences de nombreux personnels en ce domaine, soit surexploitées jusqu’à leur épuisement, soit ignorées au profit de solutions marchandes. Il s’agirait d’élaborer des outils pensés non pas pour « créer un marché » ou « se placer face à la concurrence internationale », mais pour répondre aux besoins du terrain : ceux de pédagogies émancipatrices, pensées dans la durée, en rupture avec les attentes et les appétits dévorants du marché.

Par Christophe Cailleaux dans le blog de médiapart

Christophe Cailleaux, enseignant en lycée et formateur TICE, et Amélie Hart-Hutasse, enseignante en lycée.

 

[1] http://www.afinef.net/4-axes-prioritaires/

[2] Extraits de l’interview de Thomas Blettery, responsable du programme éducation d’Ashoka, dans La lettre de l’éducation, 20 février 2017.

[3] Ce processus est déjà ancien, comme le montre cet article de 2006, rédigé par C. de Bouttemont pour la Revue internationale d’éducation de Sèvres : https://ries.revues.org/1125?lang=en

[4] https://www.actualitte.com/article/monde-edition/la-fondation-pearson-condamnee-a-7-7-millions-pour-malversation/45838

[5] Ashoka n’est qu’un exemple de ces fondations qui se multiplient, comme par exemple le Groupe SOS : http://www.groupe-sos.org/311/gouvernance

[6] Pour éviter les répétitions, nous préférons renvoyer à notre précédent texte : https://blogs.mediapart.fr/christophe-cailleaux/blog/231016/lemancipation-nest-pas-une-marchandise

[7] On en trouvera quelques-uns ici : https://www.ashoka.org/fr/histoire/innover-dans-l%C3%A9ducation-dossier-le-monde

[8] http://www.letudiant.fr/educpros/evenements-educpros/marche-mondial-de-l-enseignement-superieur-analyse-nouveaux-acteurs-comment-se-positionner.html

[9] http://ecolenumerique.education.gouv.fr/2017/02/23/premiere-edition-deduspot-france-les-8-9-et-10-mars-2017/

[10] http://www.afinef.net/historique/

[11] http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2009/04-chaptal/sticef_2009_chaptal_04p.html C’est nous qui soulignons.

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A la Découverte de Eduspot…

Cette semaine, au Palais des Congrès, c’était « Eduspot » … « EduSpot France est le rendez-vous de l’ensemble des acteurs de l’e-éducation, de l’e-formation et de l’e-technologie, du Primaire, du Secondaire, du Supérieur, de la formation professionnelle et de la formation tout au long de la vie.  C’est à la fois un lieu d’exposition de l’innovation et un temps d’échanges et de débats entre tous les acteurs de l’écosystème dont l’ambition est d’accompagner la transformation de la société par le numérique dans les apprentissages. » Ou bien, en regardant d’un autre angle…. « EduSpot : des entrepreneurs prêts à « se sacrifier pour le bien commun » ou comment la privatisation de l’école, avance à grand pas avec ces entreprises dont l’ambition est d’accompagner la transformation de la société par le numérique en se cachant derrière la pédagogie… »

Arrivé au palais des congrès, des hôtesses scannent mon badge et me remette un sac en tissu blanc couvert des logos des « silver partners » et empli de flyers de ces mêmes « partenaires de l’éducation ». Il y a aussi le programme de la journée ! A droite en entrant, je repère le logo du MEN. C’est l’espace des DANE, je ne sais pourquoi, ça rassure un peu. A gauche, la où ça grouille de monde, c’est un tout autre univers… Stands hauts en couleur, hôtesses souriantes, dépliants en papier glacé, écrans plats en pagaille, TNI, goodies en tout genre. Un vrai salon high tech quoi ! Sauf que… Sauf qu’il y a encore peu, dans ce genre d’endroit on nous vendait du matériel ou du logiciel, aujourd’hui, il est question de pédagogie et de ressources éducatives ! Ici on nous vente les mérites du « pack pédagogique qui répond à nos besoins » (orange), là « l’ENT pédagogique des écoles primaires » (ITOP), un peu plus loin on me propose de « découvrir une nouvelle façon d’enseigner et d’apprendre » (Microsoft) !

On connaissait la stratégie d’enfermement par le logiciel, elle s’installe désormais dans les services. A titre d’exemple, je n’y résiste pas, la mise à disposition « gratuite » de la plateforme « Office 365 » pour les établissements d’enseignement par Microsoft. (50 Go d’espace mails, skype, sharepoint, 1To par utilisateur sur OneDdrive, Project Online…). La suite Microsoft Office qu’on a refilé à 11€ aux enseignants ? Elle est comprise si l’établissement à souscrit à l’offre payante « Office bénéfit », sinon ? Bah sinon, pour les familles on a une offre d’abonnement à 99€/an…

Ce salon avait des airs de « cheval de Troie ». Par le numérique privateur et mercantile, subtilement, sous couvert de progrès technologique, on retire à l’enseignant le choix de sa démarche pédagogique, celui de pouvoir créer et partager avec qui il veut ses ressources. Et nous savons combien ce choix n’est pas neutre ! Il est plus qu’urgent (peut-être est-il déjà trop tard) de nous battre pour l’instauration d’une stratégie numérique publique, s’appuyant sur des solutions libres et gratuites « répondant aux réels besoins du terrain, ceux des pédagogies émancipatrices, pensées dans la durée, en rupture avec les attentes et les appétits dévorants du marché »1

Par Pascal Gascoin, Ceméa France

CF. article de christophe Cailleaux sur le blog de mediapart

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Coopérer pour sensibiliser, construire une citoyenneté mondiale

Souvent, l’image récurrente du travail dans une ONG de développement transcende les frontières nationales : on s’imagine travailler avec une communauté du Niger sur un projet d’élevage et d’engraissement du bétail selon une perspective de genre, ou sur un projet d’autonomisation des femmes palestiniennes et libanaises. On s’imagine loin, immergée dans une autre culture, dans une société qui a une manière différente de comprendre ce qu’est le développement. Et on a raison. Mais nous oublions souvent l’autre mission d’une ONGD, qui consiste à sensibiliser la société au sein de laquelle elle se trouve, à former une citoyenneté mondiale, aux valeurs universelles et dans la connaissance des autres. C’est dans ce cadre que s’inscrit l’éducation transformatrice pour une citoyenneté mondiale, l’éducation au développement.

Depuis la délégation de l’ACPP en Navarre, Espagne, nous travaillons sur un projet d’éducation formelle dans lequel, grâce à différents outils, nous souhaitons promouvoir de manière transversale des concepts tels que l’égalité des sexes, la construction de la paix, l’immigration, le refuge et l’asile, dans les cursus scolaires, afin que les élèves aient la compréhension et des outils nécessaires pour être en mesure de construire une société plus juste, plus humaine, plus globale.

Ainsi, au cours de cette année scolaire, nous avons travaillé avec des élèves du lycée IES Iturrama sur des questions liées à l’égalité des sexes et aux migrations causées par l’absence de paix, par le biais de séances de Teatro Fórum réalisées par la troupe de théâtre TEAVIDE. Lors de ces séances, les élèves n’étaient pas des sujets passifs qui observaient simplement le déroulement des événements mais des acteurs du changement, des voix qui pouvaient s’élever face aux injustices que la scène présentait intentionnellement, dans laquelle une réfugiée demandait l’asile dans un tribunal d’un pays occidental, à cause du manque d’eau dans son pays et tout ce que cela entraînait.

Un autre des outils utilisés dans le projet a été les formations aux enseignants de l’école maternelle et primaire CPEIP Rochapea, données par les spécialistes en égalité des genres et en mixité dans l’enseignement, Ane Iturmendi et Renata del Coso. Du point de vue de soi-même et de la reconnaissance de l’autre, dans ces formations, a été abordé le concept de genre à travers la réflexion sur des expériences personnelles.

En tant que composants de l’ensemble, il devient essentiel de donner des outils aux enseignants pour leur permettre d’éduquer dans l’universalité et la différence, dans le respect de l’autre, parce que, après tout, ils sont un élément fondamental pour atteindre l’objectif : éduquer des personnes globales préparées à vivre et à comprendre la dignité de toute personne.

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Publié dans Espagne, Europe, Les associations membres

Projet ‘ETRES’ – European Educational & Training Resources for Environment & Sustainability

Soutenu par le programme européen Erasmus+

Un réseau européen pour la formation des acteurs en éducation à l’environnement et au développement durable accompagnant les dynamiques citoyennes de transition écologique.

Résumé

L’association ‘Polis’ (Grèce – https://polis-inee.org) participe comme partenaire au projet  ‘ETRES’, soutenu par l’Union Européenne dans le cadre du programme Erasmus+. Le projet vise, à travers un partenariat entre quatre pays européens, d’élaborer des éléments de formation contribuant à la professionnalisation des acteurs de terrain de l’éducation à l’environnement et au développement durable. Le projet a démarré en Septembre 2016 et pour une durée de 3 ans. Il est coordonné par l’Institut national d’études supérieures agronomiques de Montpellier – Montpellier SupAgro, en France.

Contenu au projet

L’association ‘Polis’ (Grèce – https://polis-inee.org) participe comme partenaire au projet  ‘ETRES’ (‘European Educational & Training Resources for Environment & Sustainability’), soutenu par l’Union Européenne dans le cadre du programme Erasmus+. Le projet vise à construire une dynamique de partenariat pérenne entre quatre pays européens, en vue d’élaborer en commun des éléments de formation contribuant à la professionnalisation des acteurs de terrain de l’éducation à l’environnement et au développement durable (EEDD) par des dispositifs de formation-action.

Le constat de départ est que les acteurs de l’EEDD sont aujourd’hui de plus en plus sollicités pour remplir un rôle d’accompagnateur des actions des citoyens  vers la transition écologique et la gestion durable au niveau local.  Cette nouvelle mission va bien au  delà de leurs activités traditionnelles de sensibilisation aux questions environnementales,…, à l’acquisition de connaissances, à la promotion et l’adoption de nouveaux comportements en matière de consommation énergétique, de déchets, de transports… La question qui semble ainsi émerger chez les acteurs de l’EEDD et qui est partagée au niveau européen actuellement est : comment accompagner au mieux sur les territoires les dynamiques citoyennes de transition écologique ?

Le projet vise alors, au sein d’un partenariat entre quatre pays européens, à créer un module de formation partagé et transférable dans les territoires spécifiques à destination de ces éducateurs.

Ce module de formation prendra la forme d’un outil numérique avec un suivi possible à distance couplé avec des modalités de formation en présentiel. Une partie du module sera le « tronc commun » qui sera complété par des modules complémentaires dans chaque pays et selon les contextes des structures. On souhaite encore explorer et définir des modalités de validation de ce module sous forme de crédits européens comme les ECVET (European Credit system for Vocational Education and Training) ou des validations locales par les professionnels eux-mêmes.

Le projet ‘ETRES’ a démarré en Septembre 2016 pour une durée de 3 ans. Outre l’association ‘Polis’ au projet participent les structures suivantes : Institut national d’études supérieures agronomiques de Montpellier – Montpellier SupAgro (France – coordinateur du projet), Alchimia Società Cooperative Sociale (Italie), Parco Nord Milano (Italie), Graine Languedoc-Rousillon (France), Institut de formation et de recherche en éducation à l’environnement (Ifrée) (France), Alejandro Gallego Barrera SLU (Espagne ).

 

Par Yolande Ziaka

 

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Publié dans Europe, Grece

Projet d’éducation à la santé, à la citoyenneté, à la protection sociale (PESCPS)

CEMEA-Haïti a été sélectionné comme porteur d’un projet intitulé « projet d’Education à la santé, à l’éducation et à la protection sociale » d’un programme Programme collectif pour le développement de l’éducation et du dialogue social en Haïti (PROCEDH) mise en place par la Solidarité Laïque en Haïti. Ce projet est actuellement en cours de réalisation dans deux lycées et  4 écoles municipales de la capitale. L’objectif de ce projet est de contribuer à la qualité de l’éducation en améliorant la santé et le bien-être de la communauté scolaire dans 2 lycées de Port-au-Prince via une approche globale et participative, et en favorisant l’action concertée pluri-acteurs. Les publics visés sont les parents, les élèves et des professeurs des lycées Fritz Pierre Louis et du Cent Cinquantenaire et des Quatre écoles municipales de PAP soit près de 6600 élèves, 80 professeurs et 2000 parents d’élèves.

Pour cela le projet développera différents objectifs spécifiques :

  • Créer une instance en charge de la santé à l’école, décisionnelle, participative, et pérenne sera mise en place au sein de 2 lycées (FPL et du 150naire) ainsi que dans 4 Ecoles Municipales (Dumarsais Lestimé, Fort Mercredi, Portail Leogane, ST Martin)
  • Réhabiliter les espaces sanitaires des 2 lycées et installer des infirmeries dans les 6 structures Educatives
  • Mener des actions de formation et d’éducation à la santé, à la citoyenneté, à la protection sociale auprès de l’ensemble de la communauté scolaire
  • Mener des actions de plaidoyer pour l’amélioration du système scolaire haïtien

Le projet a trois phases qui sont : la construction, la formation et la mise en place d’une infirmerie au niveau des Lycées. Le projet a démarré, depuis le mois de février, avec la phase de construction. La phase de formation va commencer pendant le mois d’Avril 2017 pour une durée de 7 mois.

Nous aurons besoin d’un formateur pouvant monter un document sur la thématique l’éducation à la citoyenneté au sein des pour les élèves à l’école ainsi que nous sollicitions la présence d’un formateur en Haïti pour l’organisation d’une formation sur ce même thématique pour 60 enseignants qui a leur tour dispensera cette formation dans les 2 lycées et les 4 Écoles municipales.

Dans le cadre du projet les Ceméa Haïti lance une demande d’appui sur la formation. Elle pourrait être considéré comme un cofinancement ou une valorisation.

Le programme (PROCEDH) est financé à 50 % par l’AFD, ce qui explique le porteur ainsi que d’autres partenaires ont le devoir de rechercher l’autre 50 % auprès de quelques bailleurs.

Aubens Henker Fermine

Organisation Soumissionnaire Communauté Éducative de Port-au-Prince (CEPAP) du  Programme Collectif pour le Développement de l’Éducation et du Dialogue Social en Haïti (PROCEDH),  Solidarité Laïque et Agence Française de Développement (AFD).

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Publié dans Haïti, Les Amériques et Caraïbes, Les Caraïbes

Exposition‑événement : redécouvrir la prime enfance à travers les yeux des tout‑petits

Par les Ceméa de Suisse (Tessin) – Bellinzona, 24 mars 2017

La prime enfance, cette phase de la vie allant de la naissance à l’entrée à l’école, est au cœur d’une exposition‑événement qui se déroule près de Castelgrande, à Bellinzona, du 25 mars au 25 juin 2017. Plus de 90 événements sont prévus sur l’ensemble du territoire du canton au cours des trois mois de l’exposition. C’est donc dire l’importance accordée à la garde éducative dans la Suisse italienne et la diversité des services offerts.

L’exposition tire son origine des études menées à l’échelle internationale qui soulignent l’importance primordiale des premiers mois et des premières années de vie. Une importance qui se reflète à tous les points de vue, non seulement sur la vie scolaire, mais également sur la vie sociale et professionnelle. Un enfant évoluant dans un environnement propice au développement de son potentiel sera plus à même d’affronter un monde complexe se transformant rapidement, à l’image de celui d’aujourd’hui et de demain.

Cet état de fait comporte également des conséquences de nature économique et financière. Un environnement de bonne qualité au cours des premières années de vie est associé à une réduction substantielle des disparités que l’école seule ne parvient pas à atténuer. Une plus grande équité, un moins grand recours à des mesures correctrices, un plus faible taux d’échec et une meilleure intégration se traduisent par des coûts moindres et des retombées positives plus importantes. Voici quelques‑unes des pistes de réflexion proposées par la Commission suisse pour l’UNESCO au cours des dernières années.

En 2009, la première étude sur la prime enfance en Suisse, mandatée par cette Commission, a vu le jour. Les résultats ont mis en lumière le fait surprenant que la Suisse accuse un retard, à l’instar d’autres pays, justement dans une étape aussi importante du système éducatif.

Plus particulièrement, il manquait — et il manque toujours — des critères communs d’appréciation des besoins réels de l’enfant; par conséquent, il n’existe pas une définition de la qualité de l’environnement familial et institutionnel. Il en va de même pour le profil des éducateurs qui exercent dans des structures d’accueil (jardins d’enfants, familles d’accueil de jour, groupes ludiques, etc.) et de leur formation. En dépit du fait que beaucoup a été accompli pour promouvoir la formation (de base ou continue) du personnel, il y a encore une abondante matière à réflexion et à discussion à bien des égards (contenus, titres, pratiques, liens avec la recherche, etc.). Ce qui particularise la situation en Suisse, c’est son caractère hétérogène. Selon l’étude en question, même le lien entre la prime enfance et l’école serait une facette rarement explorée.

S’il est vrai qu’il reste encore beaucoup à faire du point de vue qualitatif, des progrès ont cependant été réalisés du point de vue quantitatif.

Les statistiques renseignent peu sur la qualité

Au cours des treize dernières années, la Confédération suisse a mené des interventions financières et législatives ciblées en matière de garde de la prime enfance. Ainsi, plus de 50 000 nouveaux postes ont été créés pour la garde des enfants. Dans le Tessin, 827 nouveaux postes ont été créés dans les jardins d’enfants et 363 dans des structures d’accueil extrascolaire. Les résultats des études scientifiques révèlent que près des deux tiers des ménages tessinois avec au moins un enfant de 0 à 4 ans se tournent vers des services ou des aides pour la garde. Les études précisent la répartition suivante : aucune garde extrafamiliale (40 %), garde confiée aux grands‑parents (20 %), jardin des enfants (14 %), services de garde formels (12 %), services de garde informels (9 %) et enfin, garde auprès d’une famille de jour (5 %).

Il faut discuter de la qualité

En 2012, l’association La voix pour la qualité a été créée afin d’informer et d’engager tous les acteurs touchés, directement ou indirectement, par cette thématique sociale. Elle regroupe 35 organisations de toutes les régions linguistiques. Par l’entremise de l’exposition itinérante, l’association vise à susciter des discussions à propos de la qualité de la formation, de l’accueil et de l’éducation de la prime enfance en Suisse. L’exposition sera présentée dans sept localités de la Suisse, Bellinzona constituant la première étape.

Une exposition‑événement accompagnée d’une riche programmation

L’exposition‑événement de Bellinzona a réussi à susciter un grand intérêt dès sa préparation. Plus de 90 événements, manifestations et débats ponctueront les trois mois au cours desquels se déroulera l’exposition. Ce sera l’occasion pour le canton de « redécouvrir » la prime enfance.

D’où le titre emblématique de l’exposition : « La découverte du monde ». En réalité, l’exposition tente, au moyen d’expériences, de données et de stimuli variés, inspirés des connaissances neurologiques et psychologiques les plus récentes, d’inciter le visiteur à découvrir la construction mentale et affective par l’enfant d’une vision du monde. Toutefois, « La découverte du monde » concerne aussi le monde mental de l’adulte. À cet égard, la vision des adultes de l’enfant à l’étape de la prime enfance a bel et bien changé.

Tous les enfants depuis leur naissance se lancent à la découverte du monde en avançant à tâtons, en saisissant des objets, en touchant, en rampant, en marchant et en apprenant à parler. Les parents, la famille, la fratrie et les autres personnes de référence les accompagnent et les encouragent. Mais quelle est la valeur du jeu? Quel est le rôle des parents, des grands-parents, des éducateurs? Quelle est la position de l’État, des organisations publiques et privées? Quelle réponse apporter à une société qui exige une grande conciliation travail‑famille? Quel est le lien avec l’école? Voici, entre autres, quelques‑unes des questions soulevées par l’exposition et les manifestations régionales.

Les enfants sont bienvenus à Bellinzona. En effet, l’exposition a prévu diverses façons pendant l’ensemble de la visite pour les stimuler et les faire participer.

Au cours des week‑ends, des étudiants seront présents pour informer les visiteurs et décrire les caractéristiques de l’exposition. Ces étudiants ont reçu une formation professionnelle dans le domaine sociosanitaire des organismes suisses suivants  : École spécialisée pour les professions sanitaires et sociales (SSPSS), Centre professionnel social Mendrisio (CPS) et Haute école spécialisée de la Suisse italienne (SUPSI). Il est possible d’obtenir le guide de présentation de l’exposition.

L’Organisation touristique régionale de Bellizona et du Haut Tessin est heureuse d’accueillir cette exposition à Castelgrande. Les châteaux, c’est connu, sont des lieux magiques pour les tout‑petits. Castelgrande devient pour l’occasion un lieu propice aux découvertes. Une enrichissante collaboration a pris naissance entre les divers partenaires tessinois concernés par ce thème. Elle permettra d’accueillir à nouveau dans les châteaux les visiteurs locaux, les familles, les touristes qui s’émerveilleront « comme des enfants » devant la grande beauté de notre région.

La voix pour la qualité

L’association La voix pour la qualité a été fondée en 2012. Elle vise à rendre public le discours sur la qualité de la formation, de l’éducation et de l’accueil de la prime enfance et à en dégager la signification pour notre société. La voix pour la qualité est une plateforme de communication, d’information et d’échange sur le thème de la qualité dans la prime enfance. Nos membres sont des organisations et des instituts de recherche soucieux de la qualité et actifs dans le domaine de la formation, de l’accueil et de l’éducation de la petite enfance.

www.voce-qualita.ch

Le concept de l’exposition

L’exposition « La découverte du monde » permet de découvrir le regard que portent les enfants sur le monde. Quels sont les besoins des tout‑petits au cours des premières années? Comment apprennent‑ils, comment jouent‑ils et comment communiquent‑ils ? Que peuvent faire les adultes pour les accompagner de façon optimale dans leur développement?

À première vue, cette thématique, un peu abstraite, recèle un potentiel scénographique et narratif. C’est une thématique qui touche tout un chacun : parents, grands‑parents, marraines, parrains, mais aussi les citoyennes et les citoyens. La thématique et le public cible ont incité la mise sur pied d’une exposition qui accueille les enfants comme visiteurs, en les considérant comme un groupe particulier avec des exigences bien précises. Comment alors concevoir la scénographie d’une exposition de façon à ce que les adultes et les enfants s’en sentent parties prenantes? Est-il possible de satisfaire les exigences des tout‑petits en créant des aires autonomes? Autrement dit, de considérer l’exposition comme un « lieu de l’apprentissage » pour les tout-petits?

L’exposition « La découverte du monde » propose un parcours qui mise sur l’innovation non tant de sa conception architecturale que dans sa scénographie, grâce à l’aménagement d’un environnement de jeu et de découverte. Les enfants sont invités à explorer ce paysage et à participer à sa construction. Les tapis de jeux de couleurs peuvent par exemple être assemblés pour devenir des glissoires, des grottes ou des murs et ainsi transformer sans fin l’espace architectural.

D’autres éléments de l’exposition sont mis à la disposition des enfants pour donner naissance à d’autres initiatives. Par exemple, dans la partie introductive, à travers le récit d’histoires du passé, il est possible d’actionner des moulins à vent ou encore d’écouter des boîtes à musique — plusieurs de ces objets évoquent les souvenirs de notre enfance.

En d’autres endroits de l’exposition, le regard des enfants donne lieu à de véritables scénographies — par exemple, au début du parcours, la présence d’une entrée de très petite dimension transforme le tout‑petit en protagoniste de l’exposition. L’interaction est au rendez‑vous. Ainsi, au moyen du lancer de dés, on active une piste de billes qui déclenche à son tour une animation où les sons et les images en sont les éléments magiques.

La boule de bois colorée, remise à tous les visiteurs au début de l’exposition, a pour effet de rapprocher les adultes et les enfants. La boule favorise l’interaction entre les visiteurs à plusieurs endroits de l’exposition. Le recours à la boule comme élément de jeu, voire comme instrument d’interaction pour donner accès à certains contenus, en fait un objet à découvrir et à redécouvrir.

Pour plus d’information en Français, italien et Allemand :
http://decouvrir-le-monde.ch/fr/bellinzona/home/

Exposition‑événement « La découverte du monde »
Castelgrande, Bellinzona
Du 25 mars au 25 juin 2017
Heures d’ouverture : lundi à dimanche : 10 h à 18 h Droits d’entrée :
Adultes : 10 CHF
Tarifs réduits : 5 CHF (aînés, enfants de 6 à 14 ans, étudiants sur présentation de la carte)
Familles : 15 CHF (avec des enfants de 14 ans et moins)
Entrée libre pour les enfants de 6 ans et moins
Groupes : 5 CHF/personne (écoles, écoles maternelles, garderies crèches, jardins d’enfants, centres d’accueil extrascolaire, etc. avec une entrée libre pour 2 accompagnateurs)
Visites guidées : 90 CHF (maximum : 30 personnes)
Personnes-ressources pour de plus amples renseignements :
Dr Dieter Schürch, professeur
Membre du comité de l’association La voix pour la qualité et membre de la Commission suisse pour l’UNESCO
079 691 07 81
dieter.schuerch@myliss.ch
Paolo Bernasconi
Responsable de l’association La voix pour la qualité
091 630 28 78
ticino@voce-qualita.ch
Bellinzonese e Alto Ticino Turismo Palazzo Civico, 6500 Bellinzona 091 825 21 31
bellinzona@bellinzonese-altoticino.ch www.bellinzonese-altoticino.ch
www.scoperta-del-mondo.ch

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Révolution Éducation 1918-1939 : Documentaire sur l’histoire de l’éducation nouvelle

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, des pédagogues d’un nouveau genre forment le projet révolutionnaire de changer le monde en faisant évoluer l’école.

Dans une Europe traumatisée par la Première Guerre mondiale, des pédagogues désignent le coupable : l’école, qui a fabriqué de “braves soldats”. Il convient désormais de construire la paix et d’élaborer une éducation nouvelle pour une génération d’enfants qui, espère-t-on, ne fera plus jamais la guerre. Comment les éduquer sans surveiller et punir ? Comment les aider à s’émanciper ? Rendre l’enfant heureux, c’est faire de lui un adulte meilleur, estiment ceux qui se lancent dans l’aventure. Ils se nomment Rudolf Steiner, Maria Montessori, Célestin Freinet, Alexander S. Neill, Ovide Decroly, Paul Geheeb ou Janusz Korczak, chacun d’eux inventant des méthodes d’éducation. Un pédagogue suisse, Adolphe Ferrière, les réunit au sein de la Ligue internationale de l’éducation nouvelle.

Essor et déclin
En Europe, les écoles nouvelles mettent au cœur de leurs préoccupations l’autonomie, l’éducation mixte, l’apprentissage par les sens, le contact avec la nature et le sport, qui se pratique souvent nu, notamment en Allemagne où le naturisme est en vogue. Mais les conceptions s’affrontent. Faut-il une éducation pour l’élite ou pour le plus grand nombre ? Faut-il laisser toute liberté à l’enfant ou introduire la discipline ? L’élève échappe-t-il à tout programme, fut-il émancipatoire ? Le rêve de l’école nouvelle s’effondre avec la montée des idéologies totalitaires dans les années 1930. À partir d’archives rares, le film raconte l’histoire d’un combat pour le progrès humain, qui s’est construit puis brisé sur les idéologies du XXe siècle, mais dont l’héritage perdure.

Réalisatrice : Joanna Grudzinska
Auteurs : Joanna Grudzinska, Léa Todorov
Producteurs : Les Films du poisson, ARTE FRANCE
Nationalité : France

Pour plus d’information : http://boutique.arte.tv/f11245-revolution_ecole_1918_1939

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Déconstruire le présent, inventer l’avenir

GFEN

Texte extrait du « Manifeste Éducation-Égalité-Émancipation. Nos utopies pour aujourd’hui », issu du Colloque « Quelles utopies pour aujourd’hui ? » organisé par le Groupe Français d’Éducation Nouvelle et le Groupe Romand d’Éducation Nouvelle, qui s’est tenu à Lyon en septembre 2016

Comprendre et décoder pour pouvoir proposer

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L’École a du mal à s’affranchir des conceptions qui ont prévalu et prévalent encore dans nos actuelles sociétés inégalitaires : l’exploitation de l’homme par l’homme, l’esclavagisme, les migrations non consenties, les autoritarismes de toutes sortes, les conflits, guerres et colonisations, le sexisme, le racisme, les ethnicisations, le refus de la pluralité des Histoires, la peur de «  l’autre  ».

Oser l’utopie est une condition nécessaire pour construire et reconstruire une société planétaire, libre et émancipée des errements du passé. Et d’abord à l’École où il s’agit de rompre avec des certitudes, des opinions et des croyances qui pèsent lourdement sur l’avenir des jeunes, et de les remplacer par des propositions plus émancipatrices.

Nos utopies face à des conceptions et arguments qui ont la vie dure :

  • La croyance qu’il est impossible d’éviter les exclusions, discriminations et violences, régnant au sein même des institutions de la République.

Notre pari consiste plutôt à créer les conditions d’un brassage des cultures, d’une «  créolisation  » afin de faire émerger, par les récits de vie et l’histoire des déplacements humains, des formes nouvelles de productions (œuvres, récits et relations). Renouer ainsi les fils de l’histoire et construire ensemble un avenir à partager.

  • L’enfant pensé comme un être faible, mauvais, à corriger, à redresser, enclin à la paresse, incapable de jugement et que l’autorité, les punitions, et la «  tolérance zéro  » peuvent seules redresser.

Il est nécessaire de changer cette conception de l’enfant, notre rapport à l’école, à l’apprendre, à la culture ; permettre aux valeurs humanistes d’être transmises en même temps que le savoir ; travailler démocratiquement avec les citoyens de toute culture sans assignation identitaire, sans territoire de relégation, sans hiérarchisation.

  • La fraternité confondue avec la compassion qui valorise l’aide au «  défavorisé  » et le soutient, renforçant et légitimant ainsi les inégalités.

C’est en revanche dans la solidarité entre tous les acteurs engagés dans l’apprendre, que peut se construire la fraternité que les leçons de morale formelles ou informelles dispensées sans relâche empêchent de construire.

  • «  L’égalité des chances  » prétendument garantie par l’École, est un mensonge social. Elle renforce un système injuste en confortant en chacun le sentiment qu’il «  mérite  » son sort. Elle interdit que l’on se plaigne ou que l’on exige, puisque «  tout a été fait  » pour donner à tous la chance de réussir ! Cette mystification repose sur le postulat que la réussite des uns et l’échec des autres s’expliquent par des «  dons  » reçus ou pas à la naissance ou par le mérite personnel.

Nous affirmons que ces représentations émanent d’une conception erronée du développement et de l’apprentissage. Et d’une difficulté à reconnaître que la réussite et l’échec sont un construit social. D’où l’urgence à analyser ensemble, de façon critique, les mécanismes de différenciation et de hiérarchisation sociale ; de (faire) comprendre les violences de classes à l’œuvre à l’école comme dans toutes les institutions, lesquelles favorisent la reproduction des inégalités.

  • La conception explicative de la transmission des savoirs, qui confie à l’intelligence du maître le soin de combler la distance séparant l’ignorant du savoir : elle valide et renforce l’inégalité conçue comme une évidence ; elle provoque l’abdication des dominés face aux savoirs qu’ils pensent ainsi inatteignables pour eux.

Tout au contraire, il nous faut miser sur la recherche et l’inventivité pédagogique pour créer une fraternité productrice d’émancipation ; sur l’intelligence collective entre les apprenants et tous les acteurs de l’École ; sur la solidarité au cœur même de l’acte d’apprentissage ; sur la capacité des enseignants à mettre en place des dispositifs permettant à chacun de réussir ensemble.

  • Le «  savoir-être  », nouvel habillage de la normalisation. Il conforme l’apprenant en un élève idéalisé, «  naturellement  » ponctuel, assidu, impliqué, participant spontanément à la vie de l’établissement, et «  par chance  » dénué de tout esprit critique !

À l’opposé, nous voulons construire un espace de pensée et d’action où le questionnement fait émerger l’étonnement, la curiosité, le plaisir d’apprendre ensemble. La construction du sens est le moteur de tout apprentissage et vecteur d’émancipation individuelle et collective.

  • La conviction que la compétition est source de motivation, qu’elle encourage l’apprentissage, qu’elle justifie efforts et sacrifices, en séparant plaisir et travail.

Loin de tout formatage, nous voulons, par la coopération, réunir plaisir et travail, favoriser les découvertes, tenir compte de l’expérience de chacun, cultiver l’empathie.

  • Le système de sélection qui, en orientant les activités des élèves vers la recherche de bonnes notes plutôt que vers celle de l’acquisition et la consolidation des savoirs, met en concurrence les apprenants et conduit à des impasses, tant pour les élèves issus des milieux les plus populaires que pour la démocratie elle-même.

Il y a urgence à enfin distinguer contrôle et évaluation. À repenser l’évaluation, comme construction du sens, à partir de l’analyse des chemins parcourus et qui demeurent à parcourir ; à éveiller l’esprit critique ; créer des situations d’apprentissages qui permettent aux enseignants, parents et élèves d’éprouver le pouvoir formatif du travail mené dans un climat de confiance et sans peur du jugement ; apprécier et valoriser les efforts des apprenants.

Il est urgent maintenant, forts de ces prises de conscience et de ces convictions, de transformer nos constats et nos propositions en actes.

De l’ambition pour l’École ; de l’utopie en actes

Pour tous, nous avons besoin d’une École, ambitieuse, de l’intelligence et de l’égalité.

  • Une École du raisonnable et du réalisme : appel à la raison face au gâchis humain actuel, appel au réalisme face aux savoirs et pratiques sur lesquels prendre appui pour y parvenir et grâce aux forces qui déjà s’expriment et ne demandent qu’à s’investir davantage dans cette utopie commune, sur le plan des apprentissages comme sur celui de la construction citoyenne.
  • Une École qui encourage et promeut curiosité, étonnement, humour, insolite, rencontres imprévues, création, bousculade intellectuelle, perturbation génératrice de nouvelles découvertes, assure la sécurité pour dépasser la peur, accepter le flou, l’incertitude plutôt que les dogmes et construire le désir d’apprendre, toujours, de se poser des questions, de les confronter à celles des autres, de résister à toutes les emprises.
  • Une École qui propose défis, problèmes à résoudre, difficultés à surmonter : ce qui mérite qu’on mobilise son énergie, son intelligence et son humanité, parce que l’effort est alors promesse de portes qui s’ouvrent, de dépassements inespérés, de connaissances renouvelées, d’habiletés ignorées, d’aventures inimaginées, d’émancipation devinée.
  • Une École qui ne hiérarchise pas les objets qu’elle enseigne, qui refuse le clivage manuel/intellectuel et sache au contraire mettre en valeur, dans chaque pratique, la pensée humaine à l’œuvre. Une école qui n’aseptise pas les savoirs au nom d’une supposée neutralité, mais qui éclaire les apprenants sur la nature polémique de toute rupture dans le champ de la pensée et du savoir.
  • Une École du partage des savoirs, de la joie d’apprendre et de construire ensemble, de mettre ses pas dans l’aventure de ceux qui nous ont précédé, de prendre place dans ce qui vient, le monde que l’on transforme et construit ensemble.
  • Une École du Tous capables qui postule et institue l’excellence de chacun par la coopération, l’entraide et l’exigence. Une École de l’égalité non de paroles, mais de fait.

Cette École ambitieuse de l’intelligence et de l’égalité, il est de notre responsabilité de la construire.

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Égalité et innovation

(Égalité et changement?)

L’expérience laisse un drôle de goût dans la bouche. Un peu celui de la prunelle sauvage, d’abord vif et sucrée puis âcre et persistant avec pour finir la bouche pâteuse d’une gueule de bois. C’est ainsi que s’est terminée à l’été 2014 l’aventure prometteuse et rare de l’expérimentation de la pédagogie Montessori dans une classe d’une école publique de Gennevilliers (92). A l’heure de la rentrée, en septembre dernier, la professeure des écoles Céline Alvarez qui a conduit l’expérience ne se trouvait plus dans une classe mais derrière les micros pour présenter la sortie de son ouvrage1 relatant cette expérience. « A la fin des trois années, y écrit-elle, la situation administrative de l’expérimentation n’avait toujours pas été régularisée. En juillet 2014, le ministère décida d’en rester là. On m’annonça que le matériel me serait retiré, ainsi que les différents niveaux d’âge. Ne pouvant visiblement pas poursuivre ma recherche au sein de l’Éducation nationale, je décidai de poursuivre ma route en dehors. Je donnai ma démission à la mi-juillet 2014. » Le livre ne passe pas inaperçu et fait un tabac en librairie. L’énergie et la volonté de l’enseignante démissionnaire ne font pas disparaître le sentiment d’une occasion manquée. Notamment pour tous ceux qui promeuvent une éducation nouvelle, inscrites en actes dans des écoles nouvelles. Les conditions rares et exceptionnelles qui ont pu être rassemblées à cette occasion ne se retrouvent que de loin en loin dans le service public d’éducation. Si l’intuition semble juste – c’est vraisemblablement autant par la diffusion horizontale d’expériences concrètes de terrain que se renouvelle l’école que par des réformes descendantes et uniformes – l’initiative de terrain ne prend sens qu’une fois la perspective d’ensemble éclairée. Dans les marges s’écrivent les changements à apporter au texte commun, mais dans des marges reliées au cœur, celui d’une école pour tous, une école publique portant à cœur l’égalité. Car pour nous l’idéal éducatif de l’éducation nouvelle ne peut se concevoir sans allier – aussi – celui d’une école du peuple.

L’égalité, pas la sclérose

L’école est l’un des outils majeurs pour faire vivre l’idée d’égalité du projet républicain. Le code de l’éducation le rappelle ainsi : « L’éducation est la première priorité nationale. Le service public de l’éducation est conçu et organisé en fonction des élèves et des étudiants. Il contribue à l’égalité des chances. […] Le droit à l’éducation est garanti à chacun […]. » Le système de bourses pour pallier les différences de revenus des familles, l’égalité territoriale par l’implantation des écoles dans un maillage serré du territoire national, des référents identiques via les programmes scolaires, les diplômes nationaux, la formation et le recrutement des enseignants… les exemples ne manquent pas pour illustrer l’ambition égalitaire du projet républicain, ni, d’ailleurs, les limites ou les difficultés pour la tenir. Mais cet atout peut se transformer en fardeau quand il s’agit pour l’école de se réformer, d’innover, de déroger au commun pour s’adapter au particulier. Les mêmes règles qui garantissent l’égalité sont aussi souvent celles qui bloquent le changement. Difficile de réunir une équipe pour faire vivre une école en pédagogie Freinet avec le seul système de mutations en vigueur. Difficile de faire comprendre qu’il faut donner plus à ceux qui sont le plus dans le besoin. Difficile d’admettre des conditions d’exception pour tenter la nouveauté.

Au péril du marché, de la consommation d’école

Difficile, aussi, de fermer les yeux sur l’écart croissant entre l’idéal d’égalité et les inégalités persistantes à l’école confinant à la ségrégation scolaire dans des territoires. Difficile de ne pas entendre que l’école n’est pas partout un lieu du bien-vivre. Dans une époque où le marché a triomphé du volontarisme étatique, le recours est incarné par la concurrence. A celui de l’école privée, vient s’ajouter une offre toujours plus diversifiée : des écoles différentes pour publics avertis – on ne peut s’empêcher de penser ici aux écoles dites Montessori – les officines du soutien scolaire, les écoles préparatoires onéreuses mais quasi indispensables pour accéder à de nombreuses filières, telles les écoles d’infirmier.ère.s… sans compter ceux qui choisissent de faire l’école à la maison. Ces quelques exemples cachent une liste trop longue pour ne pas redouter la dilution du commun dans des stratégies de consommateurs atomisés. « Chacun ses sous, chacun son école ». Les libéraux ont déjà formulé le souhait de remplacer le système actuel par le versement aux familles d’un chèque éducation destiné à payer les frais de scolarité auprès d’écoles libres de leur politiques de recrutement. Sans doute attendent-ils encore que le bateau prenne l’eau plus nettement pour la vanter plus fortement. On peut redouter, dans ce contexte, la méthode des petits pas : un lent détricotage de l’école publique pour mieux la condamner.

L’innovation un moteur de l’école publique

La question des moyens consacrés à l’école est primordiale. Mais ne suffit pas. Un ratio élèves/enseignant ne dit rien des pratiques et ne garantit pas des effets. Pour sortir de la reproduction, il y a nécessité à envisager la transition. Dans le domaine pédagogique, l’école publique doit être son propre recours. La recherche doit y être encouragée et valorisée. Bien évidemment celle du quotidien, celle qui ne se paye pas de mots, dans l’exercice souvent solitaire de la classe mais aussi – et peut-être surtout – au sein de collectifs, pas forcément partout en même temps ou à la même vitesse, mais là où l’envie et l’énergie sont manifestes. Le collectif permet de confronter et de débattre ; il permet la diffusion de proximité. Et quand c’est nécessaire, le cadre de l’égalité doit être assoupli pour permettre, pour déroger et peut-être aussi pour mieux affirmer l’exceptionnel et le commun. Toutefois, le contexte de concurrence scolaire appelle à la prudence. Il y a nécessité à penser le cadre pour que l’innovation soit possible, qu’elle ne soit pas perçue comme un luxe, un passe-droit ou une menace mais comme une chance.

Trois éléments nous semblent indispensables pour cela. Tout d’abord, une instance doit examiner les projets nécessitant de déroger au commun. Hier le CNIRS (Conseil national de l’innovation et de la réussite scolaire) mis en place en 2001 pour appuyer la réflexion des équipes réfléchissant à d’autres manières d’organiser et faire vivre le collège, aujourd’hui le Cniré (Conseil national de l’innovation pour la réussite éducative), mis en place en 2012, pourrait être cette instance chargée d’examiner, mais aussi de valoriser les projets et les recherches à l’œuvre. En témoigne la synthèse des travaux publiée en septembre dernier, foisonnante d’idées et de pratiques intelligentes récoltées à partir d’auditions d’acteurs de terrain.2 Sans doute cette institution doit-elle gagner en poids politique pour nourrir les réformes descendantes mais aussi examiner et appuyer les projets des équipes, in fine les agréer et proposer les conditions d’exercice, tout particulièrement quand ils dérogent au commun. Les équipes de praticiens, et c’est là un second élément de cadre, doivent s’associer plus systématiquement à des équipes de recherche pluridisciplinaires croisant pédagogie, sociologie, didactique, ergonomie, etc. Pour aider les équipes à l’analyse des pratiques mais aussi pour comprendre, évaluer et envisager l’essaimage. Qu’est-ce qui est transférable ailleurs? à quelles conditions ? En posant ces questions, on en vient au troisième élément de cadre : le faire-connaître et la diffusion doivent être au cœur des stratégies de l’innovation. Cette exigence répond à des nécessités d’information et de médiatisation, de vulgarisation et de formation mais aussi de transparence et d’organisation du débat. Les mouvements pédagogiques doivent prendre toute leur place dans ce processus et sans doute même repenser leur place pour sortir ces questions de la confidentialité ou des seuls milieux avertis.

Dans une société plus horizontale – et une institution, l’éducation nationale qui peut en gagner un peu ! – l’école doit se nourrir d’expérimentations plus fréquentes, plus étayées, mieux connues. Les acteurs doivent y être encouragés, appuyés et reconnus.

Laurent MICHEL

Ceméa France

1Les lois naturelles de l’enfant. – Les Arènes, 2016

2Pour une école innovante : synthèse des travaux du Cniré 2014-2016 http://www.education.gouv.fr/cnire

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