Les rencontres de la photographie d’Arles – La photo ou l’art de s’exprimer

« La photographie façonne les contours d’une contre‑culture, où la mise en scène de son quotidien devient une alternative aux modèles dominants, une résistance à l’ordre établi. » Sam Stourdzé, directeur des Rencontres de la Photographie d’Arles.

Les Rencontres de la Photographie d’Arles fêtent cette année leur 50ᵉ anniversaire.

En 1970, Lucien Clergue (photographe arlésien), Michel Tournier (écrivain) et Jean Maurice Rouquette (historien) fondent le festival des Rencontres Internationales de la Photographie d’Arles.

À l’initiative de la mise en place de ces Rencontres, le souhait de rendre accessible l’art de la photographie pour tous et toutes.

À travers ces nombreuses années, le festival des Rencontres de la Photographie a évolué, permettant la mise en place du festival «  Voies OFF », qui fête son 24ᵉ anniversaire cette année.

Le festival « OFF », qui se tient au même moment que le festival officiel « In », aura permis à de nombreux et nombreuses artistes amateurs et amatrices de faire valoir leur travail auprès des spectateurs, spectatrices et professionnell.es de la photographie. Cette année encore, le festival « OFF » donne l’opportunité à chacun.e d’échanger avec les artistes présent.es à Arles.

Le temps d’un été, la ville d’Arles vit au rythme de l’international de la photographie et dans l’harmonie des échanges culturels. Les lieux de vie de la ville sont exploités pour exposer les travaux des artistes.

Le souhait des organisateurs et organisatrices du festival des Rencontres d’Arles est aussi de pouvoir intégrer pleinement les arlésiens et arlésiennes au festival, d’un point de vue économique, grâce au dynamisme du festival pendant tout l’été, mais aussi et surtout pour inviter les habitant.es à s’intéresser à l’art de la photographie.

De nombreuses initiatives sont mises en place lors du festival afin de favoriser les échanges entre les acteurs et actrices du festival, des spectacles sont organisés dans la ville et rendus gratuits pour les habitant.es de la ville d’Arles.

Les Ceméa France organisaient cette année, une formation « Voir, recevoir, créer et critiquer des photographies », l’occasion de s’immiscer dans le festival des rencontres d’Arles, et découvrir la richesse des œuvres présentes lors de cette 50ᵉ édition du festival des Rencontres de la Photographie d’Arles.

La formation disposait de plusieurs volets, l’un davantage axé sur les expositions photographiques et la présentation des photographes, un autre axé sur les rencontres avec les photographes, et un dernier volet, certainement plus technique, dans la maîtrise de l’appareil photo.

Ces différents volets ont permis d’assembler diverses connaissances et ont invité chaque participant.e à une réflexion sur ce qu’est la photographie, comment la pratiquer,l’exploiter, et en tirer les meilleurs bienfaits pour tous et toutes ?

Cette réflexion amène, dans le même temps à la question de l’accessibilité de l’exploitation de la photographie par chacun.e. L’accessibilité de la photographie permet de faire le parallèle avec la notion de démocratie culturelle, pensée comme une participation active des citoyens et citoyennes et ainsi inviter au partage des perceptions culturelles de tous et toutes.

Ce n’est pas seulement la question de l’accessibilité à l’art de la photographie mais à la notion de l’expression individuelle au travers de la photographie (ou de tout autre art au sens large).

De nos jours, le numérique nous donne plus commodément accès à la photographie, de part, notamment, la présence d’appareils photo dans nos smartphones. Ces « photos souvenirs » sont-elles des œuvres de photographe amateur ou amatrice ? Quelle place, ces photos, prises à chaque instant peuvent avoir dans différents contextes et/ou environnement et participent-elles au développement de la démocratie culturelle ?

Cette question est intéressante puisque l’accessibilité de l’outil est un fait, mais qu’en est-il de la notion artistique que revête la photographie ? La photographie a-t-elle le même sens dans ces deux approches ?

Il me semble que les éléments de réponses sont divers et chacun.e peut y trouver sa propre réponse. Je ferai part, ici, de ce qui me semble être des éléments de réponse à l’existence même de la photographie.

La photographie est un art, créativité inhérente à l’homme, dont les sens, les émotions et intuitions sont propres à l’individu lui ou elle-même. C’est certainement par la diversité de ses ressentis, émotions et réflexions que l’art produit une richesse sans précédent.

Grâce à la notion de démocratie culturelle, on met en avant l’idée que les ressentis sont pluriels et produits par une diversité d’acteurs et actrices qui permettent cette hétérogénéité. On ne conditionne plus les individus dans des goûts artistiques particuliers, on les invite à participer à leurs propres réflexions et mettre en avant leurs préférences.

Il s’agit certainement de ne pas faire de la photographie un art inaccessible mais bien disponible pour tous et toutes à travers nos envies, nos ressentis et nos perceptions individuelles.

La photo a ce pouvoir de rendre le réel statique, pour toujours. Mais la photographie peut être en lien avec nos imaginaires et fait donc ainsi appelle à notre créativité.

Ce pouvoir permet de confronter les réalités de nombreuses cultures, les mettre en opposition ou en adhésion. C’est grâce à cette idée de confrontation, que nos mœurs évoluent, nous amènent à critiquer, et penser différemment.

La photographie est dans ce sens (en constante évolution), un outil d’éducation nouvelle, toujours enclin à de nouvelles représentations. La photographie vit avec son temps, et se fait, parfois, la porte-parole d’une société. Grâce au développement des interprétations personnelles, de l’appel à la créativité de tous et toutes, la photographie porte un regard sur les perceptions individuelles ou collectives d’une époque donnée, d’un sentiment exprimé ou d’un vécu.

Éducation et Photographie

Un cliché peut permettre à chacun.e de s’identifier, de comprendre ou de percevoir différemment. Cet outil photographique nous permet à tous et toutes, de donner de la visibilité à une image, un environnement, une personne.

La photographie peut nous permettre, dans une moindre mesure, de s’exprimer, individuellement ou au travers du collectif. À travers les représentations que chacun.e met en avant, nous pouvons retrouver la notion d’éducation ; le fait de partager ses perceptions, et d’accepter un échange collectif afin de valoriser sa démarche, ou de contrebalancer ses opinions (jusqu’ici parfois bien ancrées).

L’usage de la photographie est donc un instrument éducatif intéressant pour les actrices et acteurs socio-éducatifs dans une démarche pédagogique d’échanges humains.

Par le biais de nos perceptions, nous créons nos propres réalités.

La façon dont chacun.e perçoit une émotion, une scène, un contexte nous invite à nous repositionner face à cette situation (devant nous) et a tendance à impacter nos pensées et nos actions.

L’accessibilité de la photographie passe par la disponibilité pour tous et toutes à l’apprentissage de la photo. Cette accessibilité nous donne à chacun.e de nouveaux éléments de compréhension, de réflexion. Tout ceci s’inscrit dans l’apprentissage quotidien tout au long de la vie.

Cet apprentissage en constante évolution, peut nous permettre d’amorcer un changement sociétal. Il ne serait plus seulement question de culture « pour tous et toutes » mais « avec tous et toutes ». En acceptant les différences de chacun et chacune, nous pourrons enfin envisager une société plurielle, respectueuse des préférences et des personnalités de tous et toutes. La photographie serait, en son sens, l’un des outils à la transformation de nos constructions sociales.

Quelques expositions marquantes :

LIBUŠE JARCOVJÁKOVÁ- exposition Evokativ

Photographies prises entre 1970 et 1989, Tchécoslovaquie communiste et oppression politique. Dans un pays où les libertés individuelles sont souvent mises à rudes épreuves, LIBUŠE JARCOVJÁKOVÁ nous fait part de sa propre conception de la liberté, avec des clichés en noir et blanc, elle illustre les libertés sexuelles, libertés de consommation (drogue, alcool), libertés émotionnelles (dépression, amour, peine, déception) à travers une série de photographies.

La photographe nous invite à percevoir sa conception de la liberté, et tente de photographier ses émotions à travers l’appareil photo, à nous spectateur, spectatrice de les déceler.

« Libuše Jarcovjáková, Facteur de la Bohème du nord, Prague, 1984 » (Source : site internet des Rencontres de la Photographie d’Arles)

LA MOVIDA, CHRONIQUE D’UNE VAGUE

Alberto Garcia-Alix (1956), Ouka Leele (1957), Pablo Pérez Minguez (1946-2012), Miguel Trillo (1953)

Pérez Mínguez : « Là où trois personnes partagent l’envie de faire quelque chose ensemble, il y a une movida ».

La movida, est un mouvement apparu en Espagne dans les années 80 après la dictature franquiste. Ce mouvement s’est instruit des modernités musicales, cinématographiques, picturales…

Cette exposition rassemble les œuvres de 4 photographes, chacun.e ayant vécu le mouvement à sa façon.

« Ouka Leele, Peluquería [Salon de coiffure], 1979 » (Source : site internet des Rencontres de la Photographie d’Arles)

«MOHAMED BOUROUISSA- Libre échange

M. Bourouissa expose ses œuvres (photographies, sculptures, vidéos, peinture) au 1er étage d’un monoprix.

L’idée d’exposer dans une grande surface interroge notamment sur la place des chômeurs, chômeuses, la circulation des biens, de l’argent dans l’environnement sociétal.

Au travers de la richesse de ses œuvres et de la collaboration avec d’autres artistes, l’exposition de M. Bourouissa ne cesse d’interroger sur la conception de notre réalité sociétale, nos habitudes et nos paradoxes. Lors de l’exposition, m’est venue cette question : quel prix pour le libre ?

LA ZONE AUX PORTES DE PARIS

Exposition de la « Zone », qui correspond à une bande de terre de 250 mètres sur les 34km autour de Paris en 1844. Cette zone, un temps déserte, a été investie par des populations pauvres, qui ont construit des habitations précaires, parfois insalubres. Ces photos sont de source anonyme, mais elles engagent une question qui persistent dans notre société actuelle, celle d’une séparation des espaces géographiques en fonction des classes sociales. Cette séparation géographique qui a tendance à influer directement les rapports sociaux.

Photographe anonyme, Enfants de la Zone, Rue Forceval, Porte de la Villette, France, 1940 (Source : site internet des Rencontres de la Photographie d’Arles)


EVE ARNOLD, ABIGAIL HEYMAN & SUSAN MEISELAS – THE UNRETOUCHED WOMAN

Ces 3 photographes états-uniennes ont photographié des femmes, des filles dans leur quotidien, leur travail, leur intimité, leurs relations. En tant que femme, il est possible de s’identifier à l’une des photographies présentes dans l’exposition, de part la diversité de la représentation « d’être une femme », chacune ayant sa propre représentation d’elle-même, sa propre identité et son propre environnement.

Ces photos sont d’un naturel éclatant/prestigieux, qui nous donne envie de rester dans cette salle des heures et des heures.

Couverture du livre d’Abigail Heyman, Growing Up Female: A Personal Photo-Journal, New York, Holt, Rinehart & Winston, 1974. (Source : site internet des Rencontres de la Photographie d’Arles)

TOM WOOD – Mères, filles, sœurs

Tom Wood nous fait part d’une réalité, une perception de la vie de famille des femmes à Liverpool. Avec un naturel insaisissable.

Le photographe illustre à travers ces clichés le statique du mouvement de la vie quotidienne.

Tom Wood, Great Homer Street Market, Liverpool, 1991 (Source : site internet des Rencontres de la Photographie d’Arles)


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