Compétences : le développement des compétences impliquent le fait de segmenter la personne comme si la personne était un couteau suisse malléable en fonction du contexte. Chaque partie de la personne est sectionnée, dédiée à une fonction sans laisser de place au vide créateur, à l’espace des possibles, à la non rationalité où se joue l’essentiel de notre humanité. Cette notion de compétence renvoie à l’idée que l’humain est un être fonctionnel, rentable, efficace et performant. Derrière la compétence se cache la notion de compétitivité.
La pédagogie socioconstructiviste, celle de Freinet par exemple, consiste à mettre l’élève sur à travailler sur des problèmes dans le but de :
- Donner sens à des questionnements nouveaux, permettre à l’élève d’expérimenter dans la pratique les idées sur un sujet donné et de découvrir qu’elles peuvent être erronées. L’enjeu pour les pédagogues est d’accompagner la remise en cause des évidences.
- Permettre la participation de l’élève au processus de reconstruction des savoirs avec l’aide d’un adulte et d’un enseignant.
Le but de toute cette démarche est la construction du savoir. Or dans l’approche par compétences on renverse complètement les objectifs. Les personnes sont mises au travail sur des problèmes dans l’objectif de résoudre le problème, d’être capable de mener à bien une tâche et par conséquent être compétent. Le rapport à l’erreur est totalement renversé. Dans une pédagogie constructiviste l’important est ce que l’on apprend à travers ses erreurs et à partir de ce moment l’élève peut déconstruire des idées erronées et construire des idées nouvelles. L’erreur aura une fonction, elle aura été fructueuse. Dans l’approche par compétences, si la tâche n’est pas menée à bien vous n’êtes pas compétents.
il est essentiel d’articuler les connaissances, les savoirs et les compétences à partie de l’expérience pratique, de l’agir dans la construction des compétences. Nous revendiquons la nécessité de partir de l’expérience des gens sur le terrain pour développer une pédagogie participative
“Le développement des compétences impliquent le fait…”.Non “compétences” m’impliquent pas “segmentation”.C’est la façon dont le libéralisme utilise la notion de compétence qui entraîne cela. Nous ne devons pas accepter la confiscation de ce mot riche par ailleurs.
“…la non rationalité où se joue l’essentiel de notre humanité”:le libéralisme lui même n’est pas rationnel!Pour moi la raison est une grande qualité dont le libéralisme aimerai s’affubler et aimerai qu’on lui reconnaisse comme il essaye de faire croire qu’il est scientifique;mais nous savons que cela n’est pas vrai.De plus pour moi et pour beaucoup d’autres l’essentiel de notre humanité ne se joue pas dans la non rationalité mais plutôt dans la rationalité, l’empathie et l’humanisme. C’est dans l’irrationnel que ce joue par contre beaucoup de notre inhumanité.
En France le débat sur la compétence renvoi souvent à un débat sur le triptyque compétences/connaissances/savoirs qui associerai compétence à aliénant car centré sur des taches spécifiques et connaissances/savoirs à libérateur car centré sur de l’universel.Pourquoi? En France toujours une bonne partie du monde de l’éducation(la plupart des syndicats enseignant,la société des agrégés,une partie des sciences de l’éducation,une partie du ministère de l’éducation nationale…)ne pensent que par”connaissances/savoirs”. Les formes de transmissions traditionnelles dans les lieux d’enseignement sont construites sur la transmission de connaissances/savoirs. Ceux qui ont tenté autre chose sont très souvent taxés de pédagogisme. C’était hier et encore aujourd’hui aussi le discours de la droite et de l’extrême droite. Je ne veux pas dire par là que l’utilisation du terme “compétence”n’est pas associé pour certaines écoles de pensées à des sous entendus idéologiques mais c’est aussi le cas por les tenants de “connaissances/savoirs”.
Cf La sociétés des agrégés, bastion de l’enseignement traditionnel considère que l’enseignant n’est pas un éducateur. Son métier est de transmettre des connaissances et des savoirs. c’est aux élèves de trouver comment il vont pouvoir utiliser cela ensuite. Et comme par hasard cette société a toujours été contre la formation professionnelle des enseignants(réforme Lang) et bien sur contre les compétences de base d’une réforme plus récente. Cela doit quand même faire réfléchir aux associations “compétences=aliénation” et “connaissances/savoirs=libération”.
“déconstruire des idées erronées et construire des idées nouvelles”,”processus de reconstruction des savoirs”:donc déconstruire/reconstruire…
Déconstruire… c’est comme je le comprends vouloir prendre conscience puis analyser, réduire/supprimer ses préjugés, ses superstitions, ses aliénations, ses contradictions, ses idées toutes faites, etc…Bien sur tout cela est nécessaire. C’est une sorte d’hygiène de vie quotidienne, d’entretien de son esprit critique qui doit rester permanent pour tout individu qui se veut éducateur et qui plus est rationaliste et humaniste.
Et en même temps cet esprit critique nous oblige à nous demander quel est le but, la finalité de cette déconstruction? A quoi espérons nous arriver? Acquérir un esprit complètement libre? sans zone d’ombres? Sans contradiction, en tout clairvoyance? Une sorte de bon sauvage rêvé par JJ Rousseau? Mais nous savons que cela n’est pas possible.
Et reconstruire…mais à partir de quoi? D’un esprit vierge, sans influence de ses différents milieux/environnements idéologique, politique, humain, physique, psychique? Nous savons aussi que cela n’est pas possible.
Et puis prenons la réflexion sous un autre angle. Déconstruire/reconstruire rejoindrait les notions de négatif/positif, de bien /mal. Le négatif/mal serait associé à déconstruction et le positif/bien à reconstruction?
Il nous faut nous assurer que ce que l’on déconstruit n’a rien de positif et ce que l’on va reconstruire est bien émancipateur, libérateur, désaliénant…Il faut donc nommer les valeurs, les idées, les pratiques et porter un jugement, prendre parti. C’est à cette condition seulement que déconstruire/reconstruire ne seront plus un slogan ou des mots “prêt à penser” ou “valise” mais une véritable action émancipatrice qui nous sortira du relativisme. Mais cela est bien dans notre tradition.