Théâtre Forum : Culture pour la Paix en classe

Par l’association Asamblea de Cooperacion Por la Paz (ACPP) en Espagne

 

La délégation d’Aragon de l’association de coopération pour la paix a travaillé durant deux années autour de séances de Théâtre-Forum au sein des projets éducatifs de cette commune. Pendant l’année scolaire 2015-2016, 56 séances ont été réalisées auprès de 2 000 garçons et filles environ.

Deux de ces séances ont été différentes des autres. Grâce à l’organisation d’Unaquí (Espace d’éducation pour le développement de la fédération aragonaise de solidarité), le 27 avril, nous avons tenu une session sur la « Culture de Paix » dans le cadre du cours de formation « Clés et Outils pour une éducation transformatrice » adressé aux agents éducatifs. Les participants ont eu l’occasion de découvrir notre activité « Théâtre Forum » sur les thèmes de l’éducation pour le développement, l’éducation pour la paix. Pour la réaliser, nous comptons à Aragon, sur deux acteurs et une actrice du groupe « La Imaquinaria », Iván Ramos, Virginia Martínez et Jesús Llanos, qui ont souhaité partager cette expérience avec le corps enseignant.

Pourquoi considérez-vous qu’il est important de travailler aussi bien avec le corps enseignant qu’avec les élèves directement ?

L’implication des professeurs est fondamentale pour compléter l’activité parce qu’ils passent plus de temps que nous avec les élèves. Ils les connaissent très bien et ont construit une relation de confiance… Le professeur ou tuteur qui va poursuivre le travail en classe, est une pièce clé de cette activité d’où la nécessité de promouvoir un outil très utile à la gestion quotidienne d’éventuels conflits en classe tout au long de l’année. Dans la séance avec les élèves, le jeu vise à  susciter la réflexion individuelle, le débat collectif face à des situations conflictuelles imaginées. Mais aussi à former les participants à la prise de décisions et à l’action. Nous agissons juste en déclencheur dans ce type de travail novateur avec le théâtre, l’empathie et l’intelligence émotionnelle.

Quelle est la différence entre « travailler avec les professeurs » et « travailler avec les élèves » ? Quelles sensations tirez-vous des sessions de travail avec ces différents publics ?

Pour les adultes, c’est une formation sérieuse et importante en tant que ressource pédagogique d’où la manifestation de craintes et surprises lorsque nous leur demandons de « jouer ». Les élèves quant à eux, n’ont pas ces blocages mentaux, et s’impliquent à cent pour cent dans chaque séance dès la première minute. Ils oublient même qu’il y a des professeurs dans la salle et s’expriment sans entraves (en laissant apparaître des informations très précieuses que leurs tuteurs peuvent ainsi recueillir pour un travail ultérieur).

Après notre expérience avec des agents éducatifs, pouvons-nous dire que votre séance a eu un résultat positif ? Qu’attendons-nous des enseignants qui ont participé à cette activité ?

Le résultat est très positif et enrichissant car cette expérience a permis l’application en classe de des techniques théâtrales, le rapprochement avec les enseignants et la promotion d’un outil qui, malgré la longue trajectoire théâtrale, est innovant dans sa mise en oeuvre au sein des centres éducatifs. Les acteurs éducatifs ont manifesté un grand intérêt pour l’activité au point de nous inviter rapidement, dans leurs différents centres pour des séances de « Théâtre Forum » avec leurs élèves. Nous avons fait le plein d’énergie et avons le désir de nous attaquer à l’année suivante ! Nous adorons notre travail !

Article du bulletin mensuel de septembre 2016 de l’association ACPP
Traduction par Traducteurs sans Frontières
L’article en version originale dans la section espagnol du site

 

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Retour du sommet de la francophonie

Par la Ficeméa

Les dates du 26 et 27 Novembre 2016 resteront une victoire majeure pour les partisan.e.s d’une éducation publique de qualité. Les 57 Etats membres de la Francophonie réunis à Madagascar ont ratifié la déclaration d’Antananarivo qui fait une place explicite aux problèmes liés à la marchandisation de l’éducation. Cette déclaration est la plus forte faite par des chefs d’État contre la marchandisation, pour l’école publique et la régulation. C’est une reconnaissance du travail de sensibilisation des acteurs de la société civile auprès des représentants des Etats et des instances internationales. Ce qui reflète l’importance de la mobilisation collective qui a été celle de nous tous et toutes au cours des derniers mois.

Le paragraphe introduit dans la déclaration stipule  « Constatant le développement des établissements scolaires et éducatifs à but commercial, et attachés à une éducation publique, gratuite et de qualité pour tous et toutes, nous demandons à l’OIF et à la Conférence des ministres de l’Éducation des États et gouvernements de la Francophonie (Confémen), en collaboration avec la société civile, de poursuivre la réflexion abordée lors du Sommet de Kinshasa (2012) et de prendre des mesures pour promouvoir des dispositifs institutionnels efficaces de régulation des acteurs privés de l’éducation, afin de garantir la qualité et l’équité des services éducatifs »

Bien sûr, si le fait qu’autant de chefs d’Etat de soient exprimés de manière aussi forte sur la question est une importante étape en soit, il sera maintenant crucial de demander des comptes aux autorités nationales sur la mise en œuvre de cette déclaration.

La marchandisation de l’éducation, un processus aux formes multiples

La communauté internationale a assisté à une croissance sans précédent des acteurs privés dans le secteur de l’éducation durant les dernières années avec pour conséquence de transformer totalement les systèmes éducatifs dans les pays dit « du sud » comme « du nord ». Et ce y compris en proposant des services à bas coût, de mauvaise qualité, et en visant les États émergents et les populations pauvres. De nombreux investisseurs, notamment des entreprises multinationales, s’impliquent à grande échelle dans le « marché » jugé très lucratif de l’éducation. La marchandisation de l’éducation est un processus insidieux aux formes multiples qui touche à la fois les secteurs de l’éducation formelle et non formelle. Il se traduit par le développement d’entreprises commerciales pour le soutien scolaire, des coachings d’orientation scolaire, la production de soi disant « kits » prêt à penser contre la dyslexie, dysorthographie ou encore le développement de logiciels numériques dit « éducatifs »….

Ce phénomène protéiforme touche à la qualité des contenus éducatifs et à l’acquisition des savoirs. Il développe la ségrégation territoriale, socio-économique et renforce des inégalités sociales. Et de ce fait met en péril la réalisation du droit à l’éducation.

La marchandisation de l’éducation se définit comme la transformation de l’éducation en un produit marchand source de profit. Nous distinguons deux formes, la première qui est la privatisation de l’éducation qui se définit comme l’augmentation de la prise en charge de l’éducation par les acteurs privés. La seconde est la privatisation dans l’éducation qui se caractérise par l’introduction de méthodes et approches issues du secteur privé marchand dans les systèmes d’éducation publique.

Nous identifions trois conséquences majeures :

  • L’inaccessibilité à une éducation de base et le renforcement des inégalités sociales. Une étude[1] récemment menée par « Solidarité Laïque » et « Global Initiative for Economic Social and Cultural Rights » en partenariat avec les associations Haïtiennes, dont les Ceméa Haïti, analyse la situation dans un pays où 84% des écoles sont privés : « Les politiques d’accès à l’éducation n’ont pas été un catalyseur d’égalité des chances comme espéré, mais au contraire, ont participé à renforcer les inégalités préexistantes. L’une des raisons de ces inégalités est liée aux frais d’inscriptions, dont l’augmentation constante des coûts affecte principalement les ménages les plus pauvres. Selon 62% des ménages, ces coûts trop élevés et autres obstacles financiers constituent la raison principale de la non-scolarisation des enfants âgés entre 3 et 16 ans. Par ailleurs, les ménages haïtiens ont répondu à plus de 90% n’avoir pas ou à peine les moyens suffisants pour satisfaire leurs besoins, mettant ainsi en péril la scolarisation des enfants. »
  • La standardisation des pratiques et des pédagogies. Par exemple, nous assistons au développement des Ecole « Low cost ». Bridge International Academies Ltd (BIA) est une société à but lucratif basée aux Etats-Unis. C’est la plus grande chaine d’écoles commerciales privée dans le monde. Les écoles bridges international academies  sont entre autres financées par Pearson, la fondation Bill Gates et Facebook. De telles écoles « low cost » sont implantées au Libéria (20 écoles), Kenya (400 écoles) et Ouganda (63 écoles). Le concept repose sur deux mots : rationalisation par des économies d’échelle et standardisation. La Bridge Academy a conçu les outils pédagogiques articulés aux leçons lues par « l’enseignant » sur une tablette numérique. Il devient un simple répétiteur qui se voit confier une classe après cinq semaines de formation. Les mêmes contenus sont enseignés de manière identique dans toutes les écoles au même moment. Le gouvernement ougandais a entrepris une action en justice pour la fermeture des écoles Bridges car elles ne respectaient pas les normes minimales en matière d’éducation.  Et pourtant l’entreprise espère atteindre 10 millions d’élèves d’ici 2025.
  • la remplacement des financements publics (nationaux et internationaux) par des partenariats confiés à des sociétés privées qui ont plus des objectifs de profit que des visées d’éducation de la population. Nous pouvons prendre pour exemple le partenariat entre le ministère de l’éducation nationale en France et Microsoft ; Parce qu’il s’agit d’un enjeu économique majeur, les grandes entreprises du numérique – en particulier le « GAFAM » (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) – tentent par tous les moyens d’imposer leurs normes, l’usage de leurs produits, non seulement dans l’équipement scolaire, mais aussi et surtout dans les usages et pratiques enseignantes

La lutte contre cette marchandisation  est un défi majeur pour les acteurs et les défenseurs du droit à l’éducation pour toutes et tous, tout au long de la vie.

L’appel francophone contre la marchandisation, une réponse collective au niveau international et un outil pour le plaidoyer

Dans ce contexte inquiétant, un groupe d’organisations non-gouvernementales, de syndicats, de chercheurs et de mouvements pédagogiques, dont la Fédération Internationale des Ceméa est membre, se sont engagés dans un consortium international pour réfléchir et agir sur ce sujet. Ces acteurs coordonnent des activités de recherche, de plaidoyer et développent également une méthodologie permettant d’identifier les impacts de la privatisation sur  les droits de l’Homme.

Les membres francophones de ce consortium ont conjointement écrit un Appel de la société civile contre la marchandisation de l’éducation et des systèmes éducatifs qui a pour vocation d’alerter les pouvoirs publics et les acteurs de la société civile, de les sensibiliser aux dangers inhérents au processus de marchandisation de l’éducation et de les engager a contrer ce phénomène.

Aujourd’hui, notre Appel contre la marchandisation de l’éducation a été signé par 302 organisations de la société civile originaires de 38 pays.

Désormais, il reste que cet appel soit relayé, entendu et débattu. Les États, les institutions régionales tels que l’Union Européenne, Africaine doivent, au même titre, que l’ONU[2], et l’OIF protéger, renforcer l’éducation comme un véritable bien public et promouvoir une conception de l’éducation porteuse d’émancipation individuelle, collective et de justice sociale.

Au niveau national, dans chacun des pays, nous devons interpeller les différents ministères, mobiliser les acteurs engagés dans les questions éducatives, être force de propositions car les solutions existent.

C’est dans notre capacité à mettre en lien les échelles locales et internationales que se joue réellement nos démocraties. Les orientations des politiques internationales ne doivent pas être confisqué par les experts et les technocrates. Elles relèvent du débat public et ne doivent pas être déconnectées des réalités vécues au quotidien. Notre travail en tant qu’acteur de terrain et pédagogues est d’agir avec les personnes sur ces enjeux fondamentaux. Nous devons permettre aux citoyennes et aux citoyens de s’approprier les politiques nationales, régionales et internationales pour participer au débat, comprendre et pouvoir agir sur les orientations qui dessinent le futur de nos sociétés.

L’éducation n’est pas une marchandise c’est un droit ! Nous voulons que chacune, chacun puisse l’exercer.

Sonia Chebbi,

Déléguée permanente de la Fédération internationale des Ceméa

 


L’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) a pour mission de donner corps à une solidarité active entre les 84 États et gouvernements qui la composent (58 membres et 26 observateurs). Une communauté de destin consciente des liens et du potentiel qui procèdent du partage d’une langue, le français, et des valeurs universelles.

L’OIF a pour objectif de contribuer à améliorer le niveau de vie de ses populations en les aidant à devenir les acteurs de leur propre développement. Elle apporte à ses États membres un appui dans l’élaboration ou la consolidation de leurs politiques et mène des actions de politique internationale et de coopération multilatérale, conformément aux 4 grandes missions tracées par le Sommet de la Francophonie :

  • Promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique
  • Promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme
  • Appuyer l’éducation, la formation, l’enseignement supérieur et la recherche
  • Développer la coopération au service du développement durable

 

[1] Etude intitulé « Haïti, enseignement privatisé, droit à l’éducation bafoué », rapport alternatif soutenu par 10 organisations haïtiennes et internationales soumis à l’occasion de la Revue Périodique Universelle d’Haïti en novembre 2016.
[2] Les Nations Unies à travers une résolution du Conseil des droits de l’homme adoptée en Juillet 2016 exhorte les Etats à « corriger toute incidence négative de la commercialisation de l’éducation »
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Le 25 novembre, journée contre les violences faites aux femmes

Par l’association Asamblea de Cooperacion Por la Paz en Espagne

Nous demandons au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour éradiquer la violence structurelle à l’encontre des femmes, au lieu de continuer à réduire tous les budgets et toutes les politiques de prévention.

Cette année encore, l’Assemblée de coopération pour la paix (ACPP) s’est jointe aux mobilisations pour signifier son engagement dans l’éradication des violences faites aux femmes. En tant que membre du Sommet social, nous nous associons au manifeste dans lequel nous réclamons une politique intégrale, avec de vrais investissements de ressources. À l’occasion de la journée internationale de l’élimination de la violence contre les femmes, le 25 novembre prochain, le Sommet social étatique exprime son rejet de la violence à l’égard des femmes, qui constitue une violation des droits de l’homme, ainsi que son engagement pour lutter pour son éradication.

Le Sommet social étatique exige du gouvernement qu’il prenne des mesures urgentes pour éradiquer la violence structurelle à l’encontre des femmes, au lieu de continuer à réduire tous les budgets et toutes les politiques relatives à la prévention et à l’attention face aux violences exercées contre les femmes. Pour cela, nous demandons des mesures dans tous les domaines nécessaires : prévention, éducation pour l’égalité, protection des droits, attention aux victimes, lutte contre le chômage et la féminisation de la pauvreté, octroi de moyens aux services judiciaires et policiers, élimination des écarts entre les sexes en matière d’emploi, de salaires et de retraites. Le Sommet social dénonce l’existence de déficits évidents dans l’application, le développement et l’évaluation de la Loi espagnole de protection intégrale contre les violences domestiques et réclame au gouvernement, aux autorités et aux organismes responsables qu’ils agissent dans l’urgence, avec détermination et en profondeur face à ce véritable problème social, de concert avec tous les partis politiques et agents sociaux.

Nous lançons un appel à la participation aux nombreuses mobilisations organisées par les organisations de femmes, sociales et syndicales pour le 25 novembre dans toutes les villes du pays. Nous tenons à exprimer notre engagement pour l’éradication de la violence faite aux femmes.

 

Article du bulletin mensuel de novembre 2016 de l’association ACPP
Traduction par Traducteurs sans Frontières
L’article en version originale dans la section espagnol du site
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Dossier de la revue “Vers l’Education Nouvelle” consacré à l’écriture égalitaire

Par les Ceméa France

Des tentatives graphiques et ortho-graphiques d’une prise en compte plus égalitaire du féminin dans l’écriture ont fleuri ici et là, plus souvent sur les talus de la contre-culture activiste et sensibilisée que dans les allées des jardins de l’Académie française il faut bien le dire. Parenthèses, tiret, point, E majuscule… ont été essayé.e.s pour rendre visible le féminin dans une phase de créativité tous azimuts, laissant libre cours à chacun de choisir l’élu(e), l’élu-e, l’élu.e, l’éluE… de son cœur.

En novembre 2015, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCEfh)[1] a publié un Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe. Il y préconise, notamment, l’usage du féminin et du masculin dans les messages adressés à tous et toutes : « Pour que les femmes comme les hommes soient inclus.e.s, se sentent représenté.e.s et s’identifient. » En annexe du guide, deux pages se risquent même à jouer sur les pelouses de l’Académie française en faisant des propositions orthographiques, ouvrant ainsi la voie à une certaine harmonisation graphique.

La publication de ce guide n’est pas un acte anodin. Il est un pas supplémentaire sur la route, longue et difficile, d’une égale prise en compte des femmes et des hommes dans la langue française, mais plus largement dans le combat pour l’égalité. A ce sujet, lors de la ratification de ce guide par le Conseil économique, sociale et environnementale le 25 mai 2016[2], Danièle Bousquet, présidente du HCEfh, déclarait : Le langage est politique et les représentations du monde et des êtres qui le peuplent sont tout sauf neutres dans le regard et dans la pensée de nos concitoyennes et concitoyens et in fine dans la persistance des inégalités. […] Nous touchons là à un sujet très important, voire presque tabou. La question du langage, comme la question de la parité, c’est une affaire de pouvoir. Les deux renvoient à la manière dont s’est construite la République française en excluant les femmes. […] Être rigoureux quant à l’utilisation des règles de notre langue n’exclue en aucune manière d’user du langage dans toute sa plénitude, sans avoir à tirer un trait sur la moitié de l’Humanité. C’est pourquoi aujourd’hui notre langue doit refléter l’une des plus grandes révolutions démocratiques qui traverse notre société : l’avènement des femmes comme des égales, comme des citoyennes à part entière.

Si l’initiative du HCEfh n’a pas force de loi en matière linguistique, elle n’en émane pas moins d’une institution de la République. Elle vient à la suite de l’accélération des usages des formes féminines des noms de métiers, encouragée et reconnue par deux circulaires de premiers ministres en 1986 puis en 1998. Ces approches volontaristes se heurtent, alors, souvent aux usages qu’ils froissent, aux conservatismes solidement ancrés et transmis, et sont parfois traités sur le mode de l’ironie quand ce n’est pas celui de la raillerie d’inspiration machiste.

Mais aussi utiles que soient les actes réglementaires pour faire avancer une question, ils ne remplacent pas le débat pour faire cheminer les esprits, pour avancer vers un nécessaire consensus pour ce qui constitue un élément fort du commun d’une nation : sa langue. C’est pourquoi dans ce dossier consacré à l’écriture égalitaire, nous avons voulu faire une place aux échanges. Des points de vue variés, contrastés s’expriment. Parce que la question chemine, questionne, convainc, séduit, agace, énerve dans le pays… et dans notre mouvement.

Cette question est portée dans notre mouvement par différentes associations régionales mais aussi par des groupes thématiques de militant.e.s notamment le groupe national Genre et égalité qui œuvre pour l’égalité femme-homme. Celui-ci a contribué à faire connaître et réfléchir sur la langue égalitaire lors des formations qu’il propose, mais aussi lors d’événements nationaux. A ces occasions, nous pouvons constater qu’il existe un relatif consensus quant au bien-fondé de l’écriture égalitaire qui se heurte aussitôt à une contradiction, à travers l’expression suivante : « utiliser l’écriture égalitaire oui… mais pas moi. »

Pour ce qui concerne notre revue, Vers l’éducation nouvelle, le comité de rédaction s’est donné comme règle de conduite de laisser, désormais, aux auteur.e.s qui le souhaitent la possibilité de publier un texte écrit selon les recommandations du HCEfh. Déjà, en avril 2012, la revue évoquait ce sujet à l’occasion d’un dossier consacré à L’éducation à la parité, à la mixité et au Genre : « Depuis quelques temps, un débat existe autour de l’usage de l’écriture dite « épicène » dans les mouvements pédagogiques et d’Éducation populaire. Les militant-e-s et acteur-trice-s éducatifs s’emparent de cette question politique et linguistique. […] Nous avons estimé qu’utiliser une écriture dite « épicène » uniquement à l’occasion de ce dossier sous prétexte qu’il parle spécifiquement d’égalité femme-hommes serait inefficace, voire hypocrite. » On mesure déjà les évolutions à l’œuvre en quelques années, plus que d’écriture « épicène » ou « féminisée », nous préférons le terme d’écriture égalitaire, le point a été préféré au tiret et il s’agit de proposer cette option graphique de manière continuée. S’essayer à la langue égalitaire n’est-ce pas là un acte à la portée de chacun.e et de tous.tes, une façon de militer concrètement pour l’égalité femme-homme.

Bien évidemment, ce n’est pas à l’échelle de notre mouvement qu’il faudra mesurer l’avancée et la pertinence d’un tel processus. C’est dans les actes du quotidien que se mesurent les évolutions : à la maison, au travail, dans les actes administratifs… à l’école bien sûr… au centre de loisirs, au sport… Les tentatives de l’avant-garde, aussi éclairée fût-elle, ne présagent pas de la popularisation d’une pratique, dans un domaine, la langue, où les évolutions peuvent être aussi lentes que les modes fulgurantes.

 

Anne Sabatini et Laurent Michel
[1] -Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a été créé par décret du président de la République le 3 janvier 2013. « Il a pour mission d’assurer la concertation avec la société civile et d’animer le débat public sur les grandes orientations de la politique des droits des femmes et de l’égalité  ». Il contribue à l’évaluation des politiques publiques qui concernent l’égalité entre les femmes et les hommes en assurant l’évaluation des études d’impact des lois, en recueillant et diffusant les analyses liées à l’égalité et en formulant des recommandations, des avis au Premier ministre. http://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr
[2] – Le Cese est la première assemblée constitutionnelle à signer une convention d’engagement avec le HCEfh. Il rejoint ainsi le Ministère de la Justice, la Région Bretagne, le Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), l’ENS Rennes, le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), Sciences Po Toulouse, l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, le CNFPT, l’ONISEP, Universcience…
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La participation citoyenne des Femmes

Par Asamblea de Cooperacion Por la Paz (ACPP) en Espagne

 

Ce mois de novembre, l’association ACPP et le COSEF (Conseil Sénégalais des Femmes) ont reçu au Sénégal la visite de María Paz Pires Gómez, technicienne à la participation citoyenne de la mairie d’Avilés. Cette rencontre a eu lieu dans le cadre du projet sur lequel travaille l’ACPP avec le COSEF  pour garantir l’accès des femmes sur un pied d’égalité aux espaces de gouvernance et de prise de décisions. Il s’agit d’un projet qui se développe dans un contexte de décentralisation progressive des administrations du pays, rendu possible grâce au financement de l’Agence asturienne de coopération et aux mairies d’Avilés, de Gijón et de Carreño.

Dans le but de partager des expériences et des savoirs, la technicienne a présenté l’expérience de la mairie d’Avilés sur l’application des pratiques de participation citoyenne dans tous les domaines de gestion municipale, et le COSEF a expliqué comment l’approbation de la Loi sur la parité a été obtenue et quel a été le processus de sensibilisation et de formation développé. De plus, ils ont parlé de la mise en place du programme de budgets participatifs centrés sur le genre, où Lucie Cissé, la présidente du COSEF, a souligné : « nous nous sommes battus pendant 15 ans pour la loi sur la parité et quand nous l’avons obtenue, nous avons pris conscience que ce n’était pas l’accomplissement final et que la partie n’était pas finie, il faut continuer à travailler pour que la parité soit réellement atteinte ».

María Paz Pires a dispensé une formation de deux jours aux membres du COSEF portant sur les clés pour intégrer la perspective de genre à la promotion de la participation citoyenne, une rencontre enrichissante lors de laquelle des réflexions intéressantes ont été faites sur le rôle des femmes dans les processus participatifs, sur leurs difficultés et leurs besoins d’encouragement.

Lors de la visite que nous avons faite aux communes de Mbour et de Ngaparou, elle a pu se faire directement une idée sur la façon dont le projet se développe et assister aux réunions au cours desquelles les membres des Espaces de Concertation citoyenne (espaces de dialogues entre société civile et mairies) ont expliqué les avancées et ont présenté les résultats de la concertation réalisée après la formation reçue dans le cadre du projet.

Ces changements sont très significatifs dans la commune de Ngaparou, où ils ont réalisé une caravane de reconnaissance se déplaçant dans les quartiers. Ils remarquent qu’ils « sentent qu’ils font du bon travail et qu’ils sont sur la bonne voie, insistant sur le fait qu’ils ne font pas de la politique mais qu’ils exercent leur devoir de citoyens et de citoyennes ».

Ce furent des journées d’échange d’expériences et d’apprentissage mutuel qui ont favorisé des débats et des pistes de réflexion pour enrichir notre projet et renforcer les liens entre les institutions et les femmes des deux pays.

Article du bulletin mensuel de novembre 2016 de l’association ACPP
Traduction par Traducteurs sans Frontières
L’article en version originale dans la section espagnol du site
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Publication du guide de survie en milieu sexiste

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Par les Ceméa de Belgique

Intox, mythes et stéréotypes…

C’est au cours de ces rencontres, début 2015, que nous avons réalisé que nous étions toutes et tous confronté-e-s, à un moment donné, aux mêmes idées reçues dans notre lutte pour l’égalité entre hommes et femmes. Que ce soit au cours d’un repas de famille, d’une soirée entre ami-e-s ou d’une discussion entre collègues, il arrive toujours un moment où l’on nous assène (souvent pour clore le débat) une « vérité » afin de légitimer le système inégalitaire et les traitements différenciés : « De toutes façons, c’est comme ça depuis la préhistoire !, Les femmes et les hommes n’ont pas le même cerveau !, C’est à cause des hormones… »

Ce genre de petites phrases dont nous savons pertinemment en les entendant qu’elles relèvent de l’intox, mais que nous avons du mal à démonter, faute de ressources, de références et d’avoir pris le temps de construire un contre-argument.

Notre groupe s’est alors donné comme objectif de trouver des stratégies de contre-discours efficaces et simples à utiliser, aussi simples que les discours sexistes et aliénants que nous voulons combattre. Nous avons eu l’envie de concevoir un contre-argumentaire, pour pouvoir répondre du tac au tac à ces intox dans notre vie de tous les jours.

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Parution d’un guide sur l’écriture égalitaire

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Par la Ficeméa

L’Education nouvelle telle que nous la pensons et la vivons participe de la transformation de la société en influençant les rapports de force et de pouvoir, les modes d’organisation, la liberté individuelle pour plus d’égalité, pour rendre le pouvoir au peuple, à tous, à CHACUN-E. De ce fait, notre engagement pour l’égalité entre les femmes et les hommes doit se traduire non seulement à travers nos actions mais aussi à travers nos écrits. A travers les mots et la syntaxe, se dessine notre manière d’envisager et d’appréhender le monde. La manière de nommer définie la réalité. Dans les lignes qui suivent, quelques astuces[1] sont données sous forme de fiches afin que l’écriture égalitaire soit une réalité au sein de notre Fédération.

Intérêt du Guide

S’engager à déconstruire puis reconstruire la langue implique de déconstruire aussi les idées, les représentations pour modifier leur transcription d’un réel en évolution. Les mots traduisent notre pensée. Il s’agit d’un processus long qui se construit peu à peu. Mais il suffit de l’entamer et le nourrir. Le vocabulaire d’une société et les règles de la langue évoluent avec la société elle-même, demain le mot « préfète » désignera une professionnelle, on ne se souviendra plus qu’avant il désignait la femme du préfet. La langue et les représentations vont ensemble, avancent ensemble, sinon on ne parlerait pas de « langue vivante ».

Le langage égalitaire a cette particularité de rendre visible aussi bien une version féminine que masculine de termes lorsque ceux-ci renvoient aussi bien à des sujets de sexe féminin que masculin. Ce langage a aussi pour objectif de déconstruire des stéréotypes en choisissant de féminiser ou masculiniser des termes, à des moments d’un texte qui sont traditionnellement utilisés pour l’autre sexe.

Les stéréotypes sont des idées préconçues qui ignorent la singularité des personnes et des situations, les stéréotypes agissent dans la construction d’un raisonnement ou d’une analyse, comme des «prêts à penser» au détriment de l’esprit critique. Ils inhibent le potentiel et les capacités des personnes, alimentent les discriminations, légitiment les violences. Les stéréotypes sexistes sont difficiles à éradiquer car véhiculés et légitimés par de nombreux agents sociaux: la famille, le milieu éducatif, les médias, etc. Le système social tient une part de sa légitimité et de sa force de la production et la permanence de ceux-ci.

Par exemple : « les femmes sont douces, les hommes sont doués d’autorité », « les hommes pensent, les femmes ressentent ».

 

[1] Tirées des documents ci-dessous :

Haut Conseil à l’Egalité entre les femmes et les hommes, « Guide pratique pour une communication sans  stéréotype de sexe », France, 2015.
M-L. Moreau et A. Dister, « Mettre au Féminin : Guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre », Fédération Wallonie-Bruxelles, 2014.
CEMEA Action « Les CEMEA, un engagement pour l’égalité des genres », 2010.
CEMEA- Groupe national Genre et Egalité, « Petit guide pour un langage égalitaire aux Ceméa », France.

 

Pour lire le guide cliquez sur le visuel

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Consolider, faire, engranger, architecturer, rayonner

La refondation de notre fédération internationale donne de très beaux résultats. Nous les voyons, nous en profitons. Je forme le vœu que 2017 soit une année où nous étayerons ces fondements de notre action commune, nous les renforcerons et où dès lors, nous pourrons diffuser davantage les idées et les pratiques de l’Education Nouvelle et Active. Les objectifs pédagogiques, les enjeux d’apprentissage, les finalités sociétales que nous assignons à notre action inscrivent les individus comme des acteurs instruits, conscients des nécessités des collectivités humaines qu’ils constituent avec d’autres et désireux de solidarité, d’égalité, de liberté. Je souhaite à la Ficeméa de se consolider sur ces fondations et à tous ses membres de faire, engranger, architecturer, rayonner.

La Ficeméa veut assurer la présence de nos idées et la représentation des organisations membres. Une réalisation importante de l’année 2016 est évidemment l’action partagée de plaidoyer contre la marchandisation de l’éducation. Vos apports permanents sont essentiels pour poursuivre ce plaidoyer avec force et sans discontinuité, pour étayer son contenu, afin que les institutions concernées prennent en compte nos recommandations prises en compte  par le Sommet de la Francophonie, par l’UNESCO et par la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU.

Nous pouvons poursuivre l’emménagement dans notre « maison commune » en travaillant ensemble à préciser, définir, comparer, améliorer les fondamentaux des pratiques pédagogiques défendues par les Ceméa. Nous pourrons ensuite diffuser cette « topographie » commune de nos actions avec les déclinaisons particulières à nos cultures et nos organisations sociales.

Pour que chacun.ne soit clairement pris en compte, nous pouvons valoriser la symbolique de l’égalité entre femmes et hommes par une pratique volontaire de l’écriture égalitaire.

Dans notre fédération, les échanges entre les associations membres, entre vous, doivent se renforcer et la Ficeméa y sera vigilante en poursuivant et en renforçant le travail des Commissions régionales dont je me réjouis des apports réguliers. La réalisation et la confection de la cartographie du réseau des Ceméa et du catalogue des actions menées doit aussi contribuer largement à notre politique associative.

En 2014, les membres « refondateurs » ont décidé d’un remarquable programme d’action. Il faut maintenant consolider des moyens pertinents de pérenniser celui-ci : engranger vos apports dans toutes les actions de la fédération, appliquer un mode de financement pérenne, nourrir des échanges libres et ouverts.

La tâche est passionnante et importante. Je veux remercier ici les membres du Conseil d’Administration et particulièrement parmi eux, les membres du Comité Exécutif qui s’emploient à débattre ouvertement et librement des axes d’action, à décider des actions et des moyens mis en œuvre ou à trouver pour que la Ficeméa puisse remplir nos objectifs communs et implémenter l’éducation nouvelle dans le développement de la société et des individus. Avec plaisir, je salue l’implication et les résultats engrangés par Sonia Chebbi, si bien soutenue par Anne-Michelle Ekedi et Claude Brusini.

Nos objectifs sont merveilleux, notre passion est sans faille, nos désirs de reconnaissance du potentiel de tout individu sont infinis, notre volonté de construire ensemble un monde meilleur est vitale. Faisons rayonner nos indispensables actions.

Yvette Lecomte, Présidente de la FICEMEA

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Les textes fondateurs des mouvements d’éducation nouvelle

Quelques repères sur : Éducation Nouvelle et Ceméa

Par Alain Gheno

Cette contribution a été proposée au militants des Ceméa dans le cadre de la préparation de leur 11e congrès, à Grenoble en août 2015. Originellement destiné à nourrir le débat interne et à permettre aux participants de « se chauffer » avant de se retrouver pour cinq jours d’échanges et de rencontres, ce texte permet de mesurer la contribution originale de ce mouvement à l’éducation nouvelle. A travers la définition succincte qu’il en donne, il dit le rapport des Ceméa à l’éducation nouvelle et dégage des pistes pour des travaux à venir, de nouvelles perspectives.

Nous cherchons souvent des références pour appuyer et valider nos pratiques. Nous oublions trop souvent que les Ceméa sont une référence en Éducation Nouvelle. Nous allons essayer d’établir à partir de quoi, et ce qui fait le fond de la pratique et de la réflexion de notre mouvement.

Même si le sigle est aujourd’hui « suffisant », il mérite de rester connu et reconnu, il nous distingue. Centre d’Entraînement (anecdotique et à contextualiser) aux Méthodes d’éducation Active (à conserver absolument et re-contextualiser!)

L’éducation nouvelle, dont l’ambition, le projet philosophique est de donner à chacun les moyens de son émancipation ne peut se saisir que dans un regard ou une vision politique.

L’émancipation s’entend dans le cadre de l’individu et son projet de vie, mais reste indissociable d’une logique d’émancipation collective, d’une logique de transformation sociale vers plus d’égalité.

La réserver à une seule approche pédagogique ne peut que satisfaire les tenants d’une éducation plus « traditionnelle » dans ses objectifs. Elle est par nature « subversive », en ce sens qu’elle tend à transformer la société vers une société plus juste et plus égalitaire.

Le socle sur lequel peut se développer l’éducation nouvelle est nourri des concepts de liberté et des conceptions politiques en découlant, du concept de laïcité, y compris tel qu’enrichi par nos propres réflexions.

Les Ceméa sont le mouvement qui aura porté le plus loin la pratique et la réflexion sur l’activité. L’activité, telle qu’elle a été définie et synthétisée dans les textes fondateurs que nous connaissons tous est ce qui identifie les Ceméa. Les textes de référence que nous avons produits doivent rester le socle de nos pratiques et le carburant des textes à venir. L’activité doit irriguer l’ensemble de nos pratiques, quel que soit le thème, le terrain et les enjeux. Mais elle doit garder, voire amplifier ce qui l’a fondée, le et les projets de la personne dynamisant et se nourrissant d’un collectif, une pédagogie de l’invention, de l’expérimentation, le tâtonnement expérimental, le contact avec le réel, l’empoignade fondatrice avec les éléments, etc.

Cette notion d’activité est intimement mêlée à ce qui fonde l’éducation nouvelle, autour de quelques concepts et principes incontournables :

La personne, ou l’individu, sa reconnaissance, l’attention et le respect portés à la responsabilité personnelle (à ne pas confondre avec une approche individualiste). Les notions de choix, de projet, que nous portons, ne peuvent pas s’abstraire de la notion de liberté qui a également alimenté l’éducation nouvelle.

C’est un principe de base pour l’éducation nouvelle, c’est un principe fondateur. Il conviendrait aujourd’hui de le nourrir par les travaux sur l’acceptation de l’autre, l’altérité, sur la bienveillance, sur la bientraitance, qu’elles soient d’ordre social, culturel, philosophique ou culturel. Il conviendrait tout autant de nous ré-emparer de la notion de confiance, qui participe de la bienveillance et l’enrichit.

Le groupe, le collectif, sans lequel la personne n’existe pas, mais qui, en termes simplistes, ne peut pas exister sans la personne. Premier point de débat, et premier point de débat d’ailleurs entre les divers courants de l’éducation nouvelle. Là encore les travaux sur le groupe, les groupes, se sont enrichis de nouveaux apports. Et nous portons dans nos pratiques quelques originalités qu’il serait bon de partager. Mais nous sommes bien dans le cadre d’un collectif qui émancipe, qui permet à chacun et à tous de faire évoluer une réalité à transformer en continu, vers plus de liberté, sans que ce soit un vain mot. Les choix individuels doivent alimenter le collectif, sans y être manipulés ou laminés.

Le milieu, l’environnement, ayant pour base les réflexions et les travaux de Wallon, pour aider à une définition commune… et pour faire court, le milieu tant qu’il est transformé, approprié par la personne ou/et le groupe. Être acteur du et dans le milieu doit être une règle, toute situation « hors sol » à bannir. Les évolutions concernant ce thème depuis l’origine de l’éducation nouvelle sont considérables. Nous avons la chance et peut être l’avantage de les considérer et de les comprendre plus facilement en nous appuyant sur les idées qui précèdent.

L’activité, telle que rappelée au début du texte, avec peut-être des enjeux encore plus profonds aujourd’hui qui touchent à la construction de la personne, et aux répercussions que cela peut avoir sur la force de transformation des groupes. Il y a comme une urgence à réhabiliter le faire, à donner symboliquement des mains aux enfants et aux jeunes, pour qu’ils puissent mieux accéder à la connaissance en la fabriquant. Il n’est pas certain que ce soit simpliste comme idée. L’éducation nouvelle est née d’une conception de la personne et de son activité qui n’a jamais été aussi moderne. Les Ceméa en tant que mouvement d’éducation nouvelle ne peuvent pas l’oublier.

La notion de projet ou plus précisément la pédagogie du projet a été enrichie de la notion de liberté portée par l’existentialisme. S’en souvenir nous permet d’éviter toutes les instrumentalisations.

Ces quatre « piliers » doivent être en œuvre ensemble, en dialectique. C’est ce qui définira que l’action menée ou vécue l’est dans le cadre de l’éducation nouvelle. Enlever un de ces aspects et on retombe dans des pratiques d’éducation traditionnelle, habilement masquées, mais terriblement efficaces en matière de non-respect de la personne, ou de stagnation culturelle ou sociale.

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Manifeste du groupe français d’éducation nouvelle

Comme émancipation mentale à conquérir : une urgence de civilisation !

L’Éducation Nouvelle plonge ses racines dans l’histoire de toutes les pensées rebelles à l’assujettissement de l’Homme, dans la tradition sans cesse renouvelée de toutes les pratiques d’émancipation de l’homme par l’homme. Son pari, c’est que les hommes, et donc les enfants des hommes, ont mille fois plus de possibilités qu’on ne le croit communément…

TOUS CAPABLES !

C’est le défi de l’Éducation Nouvelle, face à toutes les ségrégations, à toutes les exclusions, à la violence barbare comme réponse à une jeunesse désespérée ou à un Tiers-Monde exsangue que pressurent sans vergogne les sociétés usuraires.

Le rêve de tous les hommes, aussi vieux que l’Humanité elle-même, c’est de créer plus de Justice, de Bonheur et de Dignité. Mais ce ne sont pas des institutions qui peuvent changer la vie, ni des décrets, ni des votes. C’est seulement les hommes eux-mêmes – s’ils en décident ainsi – et personne ne peut

Les y forcer.

Le politique se voue à l’échec, quand il se figure pouvoir apporter programmes et solutions à des citoyens toujours de seconde zone, puisque appelés seulement à huer ou à applaudir. La pratique pseudo­démocratique de la délégation de pouvoir est une castration de la citoyenneté. À l’inverse, la pratique de la classe coopérative authentique, du conseil de classe souverain, et des projets coopérateurs, bref le premier apprentissage d’une autogestion, nous permettent de dire que l’Éducation Nouvelle est une pierre d’angle nécessaire à toute reconstruction sociale.

Nous rappelons solennellement que le but de l’éducation est la formation d’une pensée libre et d’un esprit critique, dans le refus délibéré de ce qu’on appelle trop facilement les fatalités. Le but, précisons-nous, c’est l’émancipation mentale pour chacun, la recherche délibérée de la cohérence entre ce qu’on dit et ce qu’on fait.

Notre bataille n’est pas seulement celle d’un groupe de Français, mais celle de l’Humanité tout entière, pensée et mise en œuvre par des précurseurs universels : Rousseau, Pestalozzi, Jacotot, Montessori, Decroly, Makarenko, Korczak, Bakulé, Freinet, Langevin, Wallon, Freire… c’est-à-dire ceux pour lesquels la transformation des pratiques éducatives et d’enseignement est un enjeu de civilisation. C’est une bataille planétaire à l’échelle de l’Histoire : elle exprime une aspiration irréversible, venue du fond des âges, un élan de l’Humanité pour se construire, selon l’expression d’Albert Jacquard, comme “humanitude”.

Semer la fraternité n’est rien qu’une utopie, disent les tenants du passé, les sceptiques, ou les timorés. Pour l’Éducation Nouvelle, la pratique de cette utopie est une URGENCE DE CIVILlSATION.

“L’enfant est un feu à allumer, pas un vase à remplir” a dit Rabelais. Encore faut-il rappeler que l’homme et le petit d’homme, dans l’exercice d’une exploration permanente, redécouvrent leur génie d’inventer… C’est pourquoi l’Éducation Nouvelle appelle à en finir avec une pratique de transmission passive, qui “explique” au lieu de faire découvrir­inventer, et qui explique faussement puisqu”elle présente comme “évidence” ce qui fut toujours au moment de la découverte une rupture audacieuse avec de vieux concepts devenus inopérants, en même temps qu’une bataille difficile contre les idées reçues.

L’Éducation Nouvelle, pour celui qui la porte, c’est un combat quotidien avec soi-même, pour faire exister des contraires – ainsi, la nécessité de transmettre un héritage précieux, et cette autre nécessité de ne pas le transmettre comme un capital mort, mais de le reconstruire en faisant surgir les forces créatrices qui sommeillent en chacun. C’est la tentative constante et difficile, pas toujours réussie, mais toujours recommencée, pour ne jamais penser à la place de l’autre. Une urgence pour soi-même. Car c’est soi-même qu’il faut transformer dans son rapport avec les autres. Avec tous les autres.

L’Éducation Nouvelle, née comme pratique neuve dans l’acte pédagogique, comme philosophie délibérément optimiste quant aux capacités de tous les enfants, ne se construit que dans une relation égalitaire entre celui qui “sait” et ceux qu’il a à charge d’enseigner… C’est son caractère de valeur éthique qui la fait déborder du seul champ de l’école à celui, plus vaste infiniment, de la Société tout entière, bousculant ainsi les cadres mandarinaux des systèmes en place. Elle est une contribution précieuse à tous ceux qui veulent faire naître une Humanité plus mûre : aux antipodes de la jungle ou de la caserne, de l’élitisme ou du troupeau, du profit maximum et de la docilité.

Pour le G.F.E.N : Henri BASSIS

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La Charte de l’École moderne

Ce texte rassemble aujourd’hui les militants de l’ICEM (Institut coopératif de l’École moderne)
L’ICEM est membre de la FIMEM (Fédération internationale des mouvements de l’École moderne).
En ce début du 21e siècle, l ’ICEM – pédagogie Freinet et la FIMEM sont toujours ancrés dans l’Éducation nouvelle, ils demeurent une force vive de propositions pour l’école et l’éducation populaires.

 

1. L’éducation est épanouissement et élévation et non accumulation de connaissances, dressage ou mise en condition.
Dans cet esprit nous recherchons les techniques de travail et les outils, les modes d’organisation et de vie, dans le cadre scolaire et social, qui permettront au maximum cet épanouissement et cette élévation.
Soutenus par l’œuvre de Célestin Freinet et forts de notre expérience, nous avons la certitude d’influer sur le comportement des enfants qui seront les hommes de demain, mais également sur le comportement des éducateurs appelés à jouer dans la société un rôle nouveau.

 

2. Nous sommes opposés à tout endoctrinement.
Nous ne prétendons pas définir d’avance ce que sera l’enfant que nous éduquons ; nous ne le préparons pas à servir et à continuer le monde d’aujourd’hui, mais à construire la société qui garantira au mieux son épanouissement. Nous nous refusons à plier son esprit à un dogme infaillible et préétabli quel qu’il soit. Nous nous appliquons à faire de nos élèves des adultes conscients et responsables qui bâtiront un monde d’où seront proscrits la guerre, le racisme et toutes les formes de discrimination et d’exploitation de l’homme.

 

3. Nous rejetons l’illusion d’une éducation qui se suffirait à elle-même hors des grands courants sociaux et politiques qui la conditionnent.
L’éducation est un élément, mais n’est qu’un élément d’une révolution sociale indispensable. Le contexte social et politique, les conditions de travail et de vie des parents comme des enfants influencent d’une façon décisive la formation des jeunes générations. Nous devons montrer aux éducateurs, aux parents et à tous les amis de l’école, la nécessité de lutter socialement et politiquement aux côtés des travailleurs pour que l’enseignement laïc puisse remplir son éminente fonction éducatrice. Dans cet esprit, chacun de nos adhérents agira conformément à ses préférences idéologiques, philosophiques et politiques pour que les exigences de l’éducation s’intègrent dans le vaste effort des hommes à la recherche du bonheur, de la culture et de la paix.

 

4. L’école de demain sera l’école du travail.
Le travail créateur, librement choisi et pris en charge par le groupe est le grand principe, le fondement même de l’éducation populaire. De lui découleront toutes les acquisitions et par lui s’affirmeront toutes les potentialités de l’enfant. Par le travail et la responsabilité, l’école ainsi régénérée sera parfaitement intégrée au milieu social et culturel dont elle est aujourd’hui arbitrairement détachée.

 

5. L’école sera centrée sur l’enfant.
C’est l’enfant qui, avec notre aide, construit lui-même sa personnalité.
Il est difficile de connaître l’enfant, sa nature psychologique, ses tendances, ses élans pour fonder sur cette connaissance notre comportement éducatif ; toutefois la pédagogie Freinet, axée sur la libre expression par les méthodes naturelles, en préparant un milieu aidant, un matériel et des techniques qui permettent une éducation naturelle, vivante et culturelle, opère un véritable redressement psychologique et pédagogique.

 

6. La recherche expérimentale à la base est la condition première de notre effort de modernisation scolaire par la coopération.
Il n’y a, à l’ICEM, ni catéchisme, ni dogme, ni système auxquels nous demandions à quiconque de souscrire. Nous organisons au contraire, à tous les échelons actifs de notre mouvement, la confrontation permanente des idées, des recherches et des expériences. Nous animons notre mouvement pédagogique sur les bases et selon les principes qui, à l’expérience, se sont révélés efficaces dans nos classes : travail constructif ennemi de tout verbiage, libre activité dans le cadre de la communauté, liberté pour l’individu de choisir son travail au sein de l’équipe, discipline entièrement consentie.

 

7. Les éducateurs de l’ICEM sont seuls responsables de l’orientation et de l’exploitation de leurs efforts coopératifs.
Ce sont les nécessités du travail qui portent nos camarades aux postes de responsabilité à l’exclusion de toute autre considération. Nous nous intéressons profondément à la vie de notre coopérative parce qu’elle est notre maison, notre chantier que nous devons nourrir de nos fonds, de notre effort, de notre pensée et que nous sommes prêts à défendre contre quiconque nuirait à nos intérêts communs.

 

8. Notre Mouvement de l’École Moderne est soucieux d’entretenir des relations de sympathie et de collaboration avec toutes les organisations œuvrant dans le même sens. C’est avec le désir de servir au mieux l’école publique et de hâter la modernisation de l’enseignement qui reste notre but, que nous continuerons à proposer, en toute indépendance, une loyale et effective collaboration avec toutes les organisations laïques engagées dans le combat qui est le nôtre.

 

9. Nos relations avec l’administration.
Au sein des laboratoires que sont nos classes de travail, dans les centres de formation des maîtres, dans les stages départementaux ou nationaux, nous sommes prêts à apporter notre expérience à nos collègues pour la modernisation pédagogique. Mais nous entendons garder, dans les conditions de simplicité de l’ouvrier au travail et qui connaît ce travail, notre liberté d’aider, de servir, de critiquer, selon les exigences de l’action coopérative de notre mouvement.

 

10. La pédagogie Freinet est, par essence, internationale.
C’est sur le principe d’équipes coopératives de travail que nous tâchons de développer notre effort à l’échelle internationale. Notre internationalisme est, pour nous, plus qu’une profession de foi, il est une nécessité de travail. Nous constituons sans autre propagande que celle de nos efforts enthousiastes, une Fédération Internationale des Mouvements d’École Moderne (FIMEM) qui ne remplace pas les autres mouvements internationaux, mais qui agit sur le plan international comme l’ICEM en France, pour que se développent les fraternités de travail et de destin qui sauront aider profondément et efficacement toutes les œuvres de paix.
Charte adoptée au Congrès de Pau de 1968

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 Les propositions alternatives de la FESPI

9 propositions concrètes pour des alternatives dans l’école publique

1. Construire ensemble, c’est nécessaire, c’est efficace
Un travail en équipe institué ; une participation plus importante des élèves ; un partenariat constructif avec les parents ; des chefs d’établissement impliqués et facilitateurs ; de nouvelles fonctions pour les inspections. Pour quelles finalités ? Plus de cohérence entre les acteurs ; un gain d’efficacité éducative ; de meilleurs apprentissages ; plus de cohésion, de solidarité ; plus de plaisir pour chacun, jeunes et adultes.

2. Enseigner, bien sûr ! Eduquer, sûrement !
Un service enseignant redéfini ; un rôle éducatif clairement assumé et partagé ; des conditions matérielles adaptées. Pour quelles finalités ? Promouvoir l’interaction entre éducation et enseignement ; prendre en compte la personne en devenir dans sa globalité ; permettre à l’élève de construire sa place dans le monde ; consolider les conditions de réussite d’élèves de plus en plus nombreux.

3. (S’) élever, (se) parler, (s’) écouter : de la parole des élèves et de ses usages
Des relations de confiance entre les élèves et les adultes ; des lieux et des temps d’écoute mutuelle, collective et individuelle ; l’établissement comme un lieu d’apprentissage de la parole. Pour quelles finalités ? La reconnaissance de chacun dans un « tous ensemble » ; une école comme étape fondamentale de la construction éducative ; une construction éducative qui désamorce la violence à l’école ; une institution scolaire respectueuse de tous les individus qui la composent.

4. Des savoirs, mais comment donc ! Lesquels ? Comment ?
Diversifier la pédagogie pour s’adresser à tous ; développer le travail trans/interdisciplinaire ; développer la pédagogie de l’explicite ; proposer une autre vision des programmes ; prendre en compte des compétences non strictement scolaires. Pour quelles finalités ? Proposer des savoirs et des objectifs ambitieux à chaque élève ; enseigner des savoirs pour comprendre et agir sur le monde ; penser les savoirs scolaires en lien avec d’autres savoirs ; faire vivre le principe de l’éducabilité ; prendre en compte à l’école ceux qui n’y réussissent pas.

5. Evaluer pour apprendre, pas pour sanctionner
Promouvoir le risque d’apprendre, donc le droit à l’erreur, en toute sécurité ; noter pour valider en offrant la possibilité de refaire ; mettre en place de nouvelles procédures d’évaluation. Pour quelles finalités ? Sortir de la spirale infernale du « tout noté », alimentant un stress permanent ; redonner du temps à l’apprentissage comme processus inscrit dans la durée ; favoriser les stratégies de l’apprendre plutôt que celles du « passage ».

6. Ne pas orienter mais accompagner
Garantir une formation commune initiale pour tous ; en finir avec l’orientation sanction ; valoriser toutes les formes d’intelligence ; multiplier les passerelles ; aider l’élève à construire son projet personnel. Pour quelles finalités ? Combattre la fatalité scolaire ; articuler, sans les opposer, les rêves et la réalité ; vivre un projet social commun.

7. Un temps chronométré ou des temps nécessaires ?
Mettre en place des temps fondés sur les besoins des élèves ; organiser des cursus à vitesse d’acquisition différentes ; sortir du temps saucissonné en tranches de cinquante minutes ; donner du sens à la présence au détriment du présentéisme ; redéfinir le temps de service des personnels de l’équipe éducative. Pour quelles finalités ? Faire d’un temps à durée variable un outil au service des apprentissages ; respecter les temps de l’élève pour favoriser son bien-être à l’école ; permettre à chacun, jeunes et adultes, de prendre le temps d’être à l’école ; harmoniser le temps des élèves et le temps des adultes.

8. Ni passoire, ni sanctuaire : l’Ecole, un sacré repère !
Reconnaître l’élève comme une personne ; mettre en place des repères, des limites claires ; s’inscrire dans l’environnement et l’améliorer ; ouvrir l’école sur le monde. Pour quelles finalités ? Penser l’école comme un lieu de référence éducative ; faire des établissements des lieux respectés ; tisser des liens structurants pour les élèves.

9. Se confronter, faire évoluer, essaimer
Inscrire l’innovation dans la formation initiale des enseignants ; intégrer les temps de formation dans l’itinéraire des enseignants ; inscrire l’essaimage dans les fonctions des équipes innovantes ; offrir des alternatives au sein du service public d’éducation. Pour quelles finalités ? Rendre le système éducatif évolutif ; promouvoir l’expérimentation, la recherche et l’innovation dans les établissements ; permettre que l’école publique soit d’abord son propre recours, même s’il n’est pas le seul possible ; faire de tous les établissements des lieux d’innovations et de formation. Pour voir le détail de chaque proposition, se rendre sur la page :

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Le CRAP – Cahiers pédagogiques et l’éducation nouvelle

« L’éducation nouvelle a plus de cent ans. Comment peut-on dire qu’elle est encore « nouvelle » ? »
Nous aimerions que cette phrase soit vraie, que la « nouveauté » ne le soit plus, étant intégrée au quotidien des classes et des établissements. Malheureusement, ce grand courant de rénovation de la pédagogie et de transformation des conceptions éducatives dans un sens plus horizontal et plus démocratique est loin d’avoir pénétré le système scolaire français. Il n’y a que dans les fantasmes des réactionnaires et des pourfendeurs de la pédagogie que ce mythe d’un enseignement « gangrené » par la pédagogie nouvelle peut sembler une réalité. Les conceptions traditionnelles restent majoritaires dans les faits, mais aussi dans les têtes. Beaucoup d’enseignants ne s’autorisent pas à essayer autre chose et ont parfois du mal à résister à la doxa médiatique ou aux affirmations péremptoires d’intellectuels qui n’ont pourtant guère de vraie expertise sur le domaine dont ils parlent avec tant d’assurance.
«Il convient de changer l’esprit et les méthodes de l’enseignement et, comme il y faudra des années, il est nécessaire de s’y prendre tout de suite».
C’est sur cet appel, repris en 1994 pour la « biennale de l’éducation et de la formation », dans une brochure parue alors sous le titre « L’éducation en mouvements » : qui conjugue volontarisme et réalisme que s’ouvrait le premier numéro d’une revue qui allait devenir après plusieurs changements de nom les Cahiers pédagogiques. C’était en 1945. A chacun de juger si l’esprit et les méthodes ont changé (et suffisamment), mais peut-être, si c’est le cas, les Cahiers pédagogiques y sont-ils pour quelque chose :
– en publiant chaque mois des témoignages sur « ce qui bouge » dans l’École ;
– en proposant des outils ; – en se faisant tribune permanente des innovateurs, sans pour autant interdire l’accès de la revue à des contradicteurs ou à des esprits plus sceptiques ;
– en faisant connaître ce qui change en profondeur ;
– en constituant un lieu original d’échanges où se croisent et se rencontrent (ce qui est mieux encore), chercheurs, universitaires et les fameux « enseignants de base », ceux qui vont au charbon et que certains esprits malveillants cherchent à éloigner des horribles pédagogues qui veulent détruire notre culture ;
– en étant un porte-drapeau ( mais qui ne se prend pas trop au sérieux et se méfie des grands mots ).
Le Cercle de recherches et d’action pédagogiques s’est constitué autour de la revue, comme mouvement pédagogique indépendant, avec ses propres règles, son fonctionnement démocratique. Une date importante : 1963 ; c’est la publication d’un document qui n’a pas pris trop de rides (au moins sur le fond) : « le manifeste pour l’Éducation nationale». Le CRAP, dans ce hors série des Cahiers lançait déjà des propositions, se situant dans les débats éducatifs comme une association militante qui en particulier ne lie pas le sort de l’École à l’obtention éventuelle de moyens supplémentaires, même si cela peut être important et nécessaire.
On notera l’apparition de la devise paradoxale sur la couverture de la revue : « changer l’École pour changer la société, changer la société pour changer l’École ». Elle s’est maintenue, malgré les transformations intervenues dans l’air du temps. Elle s’articule aujourd’hui avec un autre appel : « aimer, faire aimer l’École ». Les militants du CRAP n’ont pas vu de contradiction entre les deux formules. Ont-ils tort ?
Plus de vingt ans après, les relations du CRAP avec l’éducation dite nouvelle, ont elles évolué ? Qu’est- ce qui dans les textes anciens peut paraitre caduc ou à revoir ? Comment être à la fois héritiers d’un mouvement né il y a bientôt 100 ans et garder une dynamique innovante, sans jouer les nostalgiques d’un âge d’or de la pédagogie, tout aussi mortifère que les rêves d’école d’antan des réactionnaires ? Proposons quelques réflexions sur des problématiques qu’il faut continuer à travailler à la lumière des évolutions récentes :
La pédagogie nouvelle doit parvenir à définir sa place entre :
– les rêves naturalistes et spontanéistes privilégiant un « épanouissement de l’enfant » faisant fi de considérations sociales : une pédagogie hors sol ne prenant pas en compte le contexte et l’origine sociales des élèves
– une approche technocratique des compétences, proche du béhaviorisme ou du management libéral, où sont perdues de vue les finalités humanistes et l’accompagnement personnalisé de l’élève vers sa réussite
Elle doit aussi naviguer entre deux dérives :
– le tout collectif qui, sous prétexte de développer la coopération, en oubliant que la mise en avant de l’individu libre est une conquête de la pensée des Lumières, ferait l’impasse sur le fait que le « vivre ensemble » n’est pas une fin en soi mais qu’à l’école c’est d’abord dans et par les apprentissages que l’on apprend à vivre ensemble.
– l’individualisme qui se confondrait avec la nécessaire personnalisation des apprentissages et des parcours, positionnement très présent actuellement au sein de certains courants se réclamant par exemple de Montessori.
Elle doit savoir intégrer l’ère du numérique et des réseaux sociaux, les avancées de la recherche et notamment celle sur les neurosciences, les nouveaux défis lancés à la citoyenneté par la montée des autoritarismes et des communautarismes, en évitant une fascination aveugle pour le progrès technique aussi bien que les rejets obscurantistes.
L’éducation nouvelle doit aussi se poser comme un acteur du débat public. Ce n’est pas forcément nouveau : déjà au moment du Front populaire, Freinet lançait un appel pour soutenir les réformes de Jean Zay. Il s’agit bien d’apporter un soutien, toujours critique, à ce qui va dans le bon sens, en résistant à la tentation du purisme, ou à l’enfermement dans le confort d’un entre soi, les réformes venant d’en haut étant toujours trop imparfaites, toujours insuffisantes, toujours insatisfaisantes. Il ne s’agit pas non plus de faire un culte unilatéral de « l’initiative qui vient de la base », et de s’engager naïvement dans une croyance en une tache d’huile novatrice qui se répandrait. L’impulsion institutionnelle reste souhaitable et indispensable même si l’on doit rester vigilant aux risques qu’elle soit contre-réformatrice et faire alors bien des dégâts .
C’est d’ailleurs pourquoi le CRAP-Cahiers pédagogiques a lancé dans les années 2000 le mot d’ordre de « proposer et résister », en même temps, avec, selon les contextes, une insistance plus grande sur l’un ou l’autre des deux termes néanmoins indissociables.
Enfin, il est vraiment essentiel, comme évoqué plus haut, de refuser les doxas, de poursuivre les débats au sein même de la mouvance de l’éducation nouvelle, en favorisant partenariats et réflexions croisées, comme nous l’avons fait au CRAP-Cahiers pédagogiques au cours des dernières années sur des sujets comme la validité de l’idée de « socle commun », la place d’une approche par compétences ou encore la prise en comptes des rythmes de l’enfant dans sa scolarité.

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La Ficeméa, un projet philosophique et politique

« Personne n’éduque autrui, personne ne s’éduque seul, les hommes s’éduquent ensemble, par l’intermédiaire du monde »
Paolo Freire, Pédagogie des opprimés.

 

1.Introduction

La Ficeméa est un mouvement constitué de militants œuvrant dans des associations éducatives, culturelles et sociales. Elles agissent sur leurs terrains respectifs grâce à des acteurs engagés. Les associations membres organisent et réalisent des actions éducatives en référence aux principes de l’Éducation nouvelle auprès d’un public divers et dans des champs d’action multiples,. Les membres de la Ficeméa participent au développement et la défense des conquêtes sociales.

Les fondements philosophiques de l’Éducation nouvelle ont été pensés dans des contextes politiques, historiques très différents. Les penseurs et acteurs pédagogiques issus de pays divers et de réalités très différentes ont permis d’inscrire de fait une dimension universelle. Au travers des principes qu’elle défend, l’Éducation nouvelle transcende les contextes, les réalités des sociétés, les classes sociales, les appartenances nationales.

Penser l’Éducation nouvelle ne peut se faire que dans une perspective internationale qui place l’humanisme au cœur de notre projet politique. Celle-ci valorise la liberté de l’initiative, de la création, de l’expression, l’importance de l’affectivité, la construction de la personnalité par l’individu lui-même, dans son rapport avec les autres et son milieu de vie.

Notre approche éducative crée des situations où chacun, enfant, adolescent, adulte, peut être plus conscient du monde qui l’entoure, se l’approprier, le faire évoluer, le modifier dans une perspective de progrès individuel, collectif et social.

L’Éducation nouvelle telle que nous la pensons et la vivons participe de la transformation de la société en influençant les rapports de force et de pouvoir, les modes d’organisation, la liberté individuelle pour plus d’égalité, pour rendre le pouvoir au peuple, à tous, à chacun-e.

L’éducation nouvelle, dont l’ambition, le projet philosophique est de donner à chacun-e les moyens de son émancipation ne peut se saisir que dans un regard ou une vision politique.

L’émancipation s’entend dans le cadre de l’individu et son projet de vie, mais reste indissociable d’une logique d’émancipation collective, d’une logique de transformation sociale vers plus d’égalité.

Réserver cette logique à une seule approche pédagogique ne peut que satisfaire les tenants d’une éducation plus « traditionnelle » dans ses objectifs. Elle est par nature « subversive », en ce sens qu’elle tend à transformer la société vers une société plus égalitaire et plus juste.

Le socle sur lequel peut se développer l’éducation nouvelle est nourri des concepts de liberté et des conceptions politiques en découlant, du concept de laïcité, y compris tel qu’enrichi par nos propres réflexions. Ceci sont les garants de l’ouverture à l’autre, du respect du pluralisme des idées et de la tolérance.

 

2.Quatre piliers fondamentaux de l’éducation nouvelle

Le milieu est fondateur de la personne, l’expérience et l’activité procèdent de l’appropriation de son histoire personnelle et publique. La prise en compte de ces expériences dans son parcours individuel et collectif permet la construction d’un sujet agissant et capable d’agir sur le monde qui l’entoure.

Le milieu, l’environnement

Nous nous appuyons sur les réflexions d’Henri Wallon dans sa conception large du milieu : social, biologique, idéologique. Ce milieu joue un rôle prépondérant en éducation et pose la possibilité de la personne et/ou du groupe à s’approprier et transformer son milieu.

Etre acteur du et dans le milieu doit être une règle, toute situation « hors sol » est à bannir.

Seule une connaissance approfondie de son milieu de vie peut amener l’être humain à s’y accomplir individuellement et collectivement. Le cadre matériel doit donner l’envie et la possibilité d’agir.

Le milieu de vie se construit par l’histoire, le territoire géographique, social sur lequel la personne agit comme acteur d’un projet et capable d’exercer son pouvoir. L’homme est situé dans une constante dynamique avec d’autres acteurs engagés dans l’exercice de formes de pouvoirs différents (politique, institutionnel, social, culturel, économique, juridique,…). La participation réelle et effective des différents acteurs permet la co-construction de sens pour l’individu et la communauté dont l’objectif est l’inclusion, l’autonomisation et la construction des notions de privé et de public.

La place de la personne

La personne est considérée en tant que porteuse d’une histoire, d’un parcours, de besoins, de désirs et capable de choix. Tout être humain peut avoir le désir et la possibilité de progresser selon son itinéraire personnel avec le soutien d’autrui. Il n’y a pas de véritable savoir sans construction personnelle de soi et donc de son propre savoir.

La reconnaissance de la personne, ou l’individu, l’attention et le respect portés à la responsabilité personnelle (à ne pas confondre avec une approche individualiste) sont essentiels. Les notions de choix, de projet, que nous portons, ne peuvent pas s’abstraire de la notion de liberté qui a également alimenté l’Éducation nouvelle.

C’est un principe de base pour l’Éducation nouvelle, c’est un principe fondateur. Il convient, aujourd’hui, pour la Ficeméa, de le nourrir par les travaux sur l’acceptation de l’autre, l’altérité, sur la bienveillance, sur la bientraitance, qu’elles soient d’ordre social, culturel, philosophique ou culturel. Il convient tout autant de nous réemparer de la notion de confiance, qui participe de la bienveillance et l’enrichit.

Le collectif 

La vie collective est considérée comme un instrument de développement personnel facteur d’émancipation. L’Education nouvelle repose sur cette dialectique entre l’individu et le collectif, le singulier et le pluriel.

Nous sommes bien dans le cadre d’un collectif qui émancipe, qui permet à chacun-e et à tous de faire évoluer une réalité à transformer en continu, vers plus de liberté, sans que ce soit un vain mot. Les choix individuels doivent alimenter le collectif, sans y être manipulés ou laminés.

Derrière ces notions se dessine la question de la place sociale des individus au sein des groupes sociaux auxquelles ils appartiennent, des places occupées, assignées, octroyées, conquises au sein de la société.

L’activité

L’activité, l’expérimentation sont fondamentales dans tout projet d’éducation. L’activité est essentielle pour la formation personnelle et l’acquisition de la culture comme expérience de transformation du réel.

L’activité doit irriguer l’ensemble de nos pratiques, quel que soit le thème, le terrain et les enjeux. Mais elle doit garder, voire amplifier ce qui l’a fondée, le et les projets de la personne dynamisant et se nourrissant d’un collectif ; elle s’inscrit dans une pédagogie de l’invention, de l’expérimentation, le tâtonnement expérimental, le contact avec le réel.

L’activité porte, aujourd’hui, des enjeux encore plus profonds qui touchent à la construction de la personne, et aux répercussions que cela peut avoir sur la force de transformation des groupes. Il y a comme une urgence à réhabiliter le faire, à donner symboliquement des mains aux enfants et aux jeunes, pour qu’ils puissent mieux accéder à la connaissance en la fabriquant.

 

3. Les méthodes d’éducation active

La formation occupe une place centrale dans la diffusion des méthodes d’éducation active.

La compétence du formateur ne se résume pas à la transmission mais réside dans sa capacité à se laisser surprendre par de l’inédit. Inédit à partir duquel, il peut tenter de gérer et construire avec les participants un univers de sens nouveau.

Notre ambition formative est d’accompagner la réflexion des acteurs sociaux dans leur sensibilité au monde, loin des stéréotypes et de développer des pratiques éducatives non sclérosées. Pratiques à réinventer, à interroger en permanence au-delà des routines et des bonnes pratiques, dans la liberté de surprendre et d’être surpris.

La formation est un processus de transformation de son rapport au monde. Les personnes sont amenées à s’approprier des repères culturels, à les questionner et à en réinventer d’autres. Ce processus est identique à celui vécu dans les parcours migratoires. La relation formative doit pouvoir assurer la transition entre ces états. Toute formation est donc bien un espace interculturel.

L’Éducation active est le processus permettant à chaque personne de se construire dans son comportement, de développer ses compétences et d’enrichir ses connaissances. Ce processus est continu et permanent : il est de tous les instants et se fait tout au long de la vie. L’éducation se fait fondamentalement par l’expérience personnelle vécue au sein d’un patrimoine collectif en constante évolution (milieu de vie, famille, société, le monde).

Selon notre conception, la finalité de l’éducation doit être la formation d’un citoyen émancipé, solidaire responsable et critique :

  • citoyen émancipé, c’est-à-dire capable d’analyser les stéréotypes et de penser par lui-même afin d’agir dans son environnement et de valoriser ses potentialités.
  • citoyen responsable, critique et solidaire, c’est-à-dire capable de faire évoluer la société dans laquelle il vit, selon ses aspirations et ses valeurs dans une perspective de progrès social.

Cette conception rejette l’instrumentalisation de l’éducation dans le but de :

– formater des agents de production économique, culturelle ou politique conformes aux besoins d’un système,

– standardiser les comportements des consommateurs nécessaires à l’économie de marché ou de tout autre modèle politique qui aurait les mêmes objectifs.

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Communiqué de presse : fermeture des écoles Bridge International Académie

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